Chapitre 12

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Ange

Kaï est parti précipitamment hier. Il a reçu un message de son père lui indiquant qu’il devait rentrer immédiatement. Il l’a ignoré jusqu’à ce qu’il reçoive «c’est à propos de ta mère». Je me revois effleurer sa joue avec le bout de mes doigts, lui demander si tout est okay, s’il a besoin de quelque chose. On s’écarte un peu des autres. Il me répond que non, ça ne va pas, rien ne va, que sa mère est malade, très. Que c’est un cancer et qu’elle va mourir et qu’il ne la reverra peut-être plus jamais.


Il pleure, il essaie de retenir ses larmes mais ça ne fait qu’aggraver les choses car son visage devient rouge et ses yeux se mouillent. Je le prends dans mes bras, lui assure que ça va aller, même si c’est probablement un mensonge. Je lui raconte un tout plein de belles conneries pour qu’il arrête de pleurer et, rapidement je me perds dans mes mots, ils se mélangent dans ma gorge et j’ai moi aussi envie de pleurer. Je déteste le voir comme ça.

J’aimerais lui raconter tous les mensonges du monde, juste pour que ses larmes arrêtent de dégringoler de ses joues, juste pour qu’il relève la tête en me disant que ça va mieux, que grâce à moi il se sent mieux.

Je suis prêt à aller décrocher de la poussière d’étoile pour réparer son cœur, car c’est comme si je le voyais se briser en mille morceaux dans sa poitrine. Les mots ne sortent plus de sa bouche que sous forme de sons et les syllabes.

J’attrape son visage entre mes paumes. Il paraît si frêle, comme ça. Je sèche ses larmes avec le revers de mes mains au fur et à mesure qu’elles affluent. Je colle mon front au sien en ignorant mon cœur qui tambourine dans ma cage thoracique. À cet instant, je me fiche que mes sentiments se réveillent, car la seule chose qui compte, c’est Kaï. C’est Kaï qui se sent mal et que je dois aider à tout prix. Je me serre un peu plus contre lui, son visage toujours encadré par mes doigts et son front gelé toujours plaqué contre mon visage. Je reste comme ça un moment, jusqu’à ce qu’il soit capable de rouvrir les yeux, d’aligner quelques mots et de me dire quoi faire. Jusqu’à ce qu’il soit prêt à revenir pour affronter la terrible nouvelle qui risque de lui tomber dessus.

— Il faut… je dois rentrer, murmure-t-il dans un sanglot étranglé.

Alors, j’explique à nos amis que nous devons partir, je prends mon vélo et m’avance au maximum sur la selle pour qu’il puisse se glisser derrière moi. Il passe ses bras autour de ma taille et s’agrippe à moi, posant sa tête contre mon dos. C’est une position terriblement inconfortable pour pédaler, mais je m’en fiche.

Nous sommes devant sa porte. Je fais un dernier câlin à Kaï et lui embrasse la joue, lui répétant que tout ira bien, et qu’il peut toujours m’appeler s’il en a besoin, peu importe l'heure.

Je rouvre les yeux, fixant mon plafond. Le morceau de Nirvana vient juste de se terminer. Je soupire et lance le prochain morceau de ma playlist. Il s’agit de Late Night Talking. Tout en fredonnant les paroles, je continue de penser à Kaï. À Kaï et à son grand sourire, à Kaï et à ses larmes. À Kaï et sa mère.

Je savais que Louisa était malade, mais je ne n’avais pas imaginé une seule seconde que son état était aussi critique. Kaï avait jusque-là été très discret vis-à-vis de sa maman, je pensais donc qu’elle était en phase de rémission. Il risque de perdre la personne la plus importante de sa vie, celle qui a tout sacrifié pour lui. Mon cœur se serre.

Tandis que les gouttes de pluie s’écrasent contre la fenêtre, je songe que lorsque je reverrai Kaï, il sera probablement orphelin de mère, et noyé dans le chagrin.

Je devrai le consoler, le soutenir. Je devrai sourire lorsqu’il n’en aura plus le courage. Je devrai être fort pour nous deux. Je devrai le serrer contre moi lorsqu’il menacera de s’écrouler, et plonger vers lui s’il décide de se laisser couler. Je devrai agir ainsi car c’est ce qu’il aurait fait pour moi. Je devrai le sauver, comme il m’a sauvé moi bien des années auparavant. Kaï m’a aidé à garder la tête hors de l’eau, et c’est pour quoi j’ai choisi de le chérir durant chaque jour de ma vie.

Je lève les yeux vers la Lune en priant pour que, de là où il est, Kaï la contemple aussi.

If you’re feeling down, I just wanna make you happier, baby” chante Harry Styles. Et je souris en pensant que c’est exactement ce que j’aimerais dire à Kaï.

Remember meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant