Kaï
Friends - Ed Sheeran
Ce matin, je me suis réveillé seul. Ange avait disparu, et le tissu du canapé sur lequel il était allongé quelques heures plus tôt était désormais froid et vide. Un petit morceau de papier trônait sur la table basse, recouvert de quelques mots gribouillés à la va-vite au crayon de papier. « Je suis en ville. Je te reviens tout à l'heure », suivi de quelques indications telles que dans quel placard se trouvaient les bols et où était rangé le lait. Je me suis habillé rapidement, enfilant mes vêtements qui avaient eu le temps de sécher durant la nuit. J'ai plissé le nez : mes habits sentaient la ville et la saleté. Ceux d'Ange avaient une fragrance bien différente, aussi douce qu'une étreinte. L'odeur de ce que se rapproche pour moi le plus de « la maison ».
Après avoir passé quelque temps à traîner au rez-de-chaussée, je me suis résolu à aller découvrir sa chambre. Sur son bout de papier à l'écriture enfantine bancale, il m'avait donné la permission d'aller y prendre un livre ou quelque chose pour m'occuper. Je suis devant la porte, la main posée sur la poignée. C'est assez étrange de rentrer ainsi dans sa vie privée. Il m'a confié hier soir que sa chambre était son jardin secret. Qu'il me laisse y entrer pendant son absence est une preuve de confiance qui fait naître en moi toutes sortes de sensations. Je tourne ma main en direction du mur à ma droite et rentre rapidement avant de claquer la porte derrière moi, comme si j'avais peur de me faire surprendre en train de faire une bêtise.
Je garde les yeux fixés sur le sol pendant quelques secondes. Puis, j'inspire un grand coup et relève la tête. La pièce est grande, spacieuse et éclairée par une grande fenêtre. Sur ma gauche, se trouve un petit bureau en bazar, sur lequel sont étalés tout un tas de crayons et de morceaux de gommes. Sur ma droite, un lit deux places aux draps bleu pâle. Le plafond bleu nuit est parsemé d'étoiles phosphorescentes. Il y a des plantes aussi, beaucoup. Partout. Elles prennent toute la place de la chambre, une véritable jungle. Certaines sont en pot et posées à même le sol, d'autres sont plus petites et installées sur sa table de chevet ainsi que sa bibliothèque, et quelques-unes sont suspendues à la fenêtre, leurs tiges pleines de feuilles aux milles nuances de verts tombant en cascade, créant un petit rideau de verdure. Enfin, dans un coin, trône un petit fauteuil en osier qui ne ressemble plus à grand-chose. Il a bien vécu, celui-là, pensais-je en le voyant. Un énorme chat roux ronronne dessus, roulé en une grosse boule de poils et de graisse.
Au-dessus du fauteuil, des dizaines de photos au format polaroïd sont accrochées au mur. Je m'en approche pour lire les inscriptions qui ont été gribouillées en dessous. La plupart des images sont récentes, on y voit son père, la plage et son chat. Une d'entre elles attire tout de même mon attention : l'encre est passée, si bien que les couleurs ont pris une vilaine teinte grisâtre. C'est le portrait d'une jeune femme d'environ trente ans, habillée avec une jolie robe blanche qui fait ressortir ses cheveux bouclés noir de jais. Je plisse les yeux pour déchiffrer l'écriture.
« Mamma, 7 giugno 2012 », c'est de l'italien.- C'est ma maman.
Je me retourne vivement, une main sur le cœur.
- Tu m'as fait peur !Ses lèvres s'étirent en un petit sourire en coin. Je tourne une nouvelle fois les yeux vers la photo.
- Elle est belle.
- Oui, elle est magnifique.
- Où est-elle au fait ? Elle est au travail ?
Je n'ai jamais vraiment connu sa mère. Son père, oui. Je l'aimais beaucoup d'ailleurs. Un homme au grand cœur ayant une passion pour la cuisine, notamment la pâtisserie. Ange et moi lui servions de juge lorsqu'il tentait d'inventer de nouvelles recettes. Mais sa mère a toujours été un vrai secret pour moi Je l'avais déjà croisé dans les couloirs de la maison ou dans jardin, mais elle ne sortait que très rarement et ne me saluait jamais Elle n'allait jamais chercher Ange à la sortie de l'école et ne venait pratiquement jamais le déposer lorsqu'il venait jouer chez moi. Elle n'était venue qu'une fois ce fameux jour durant lequel Ange était venu me voir alors que j'étais malade. Elle m'avait regardé de haut en bas, les yeux vides de toute expression, et avait pris son fils par le bras en adressant à ma mère un sourire forcé. Elle travaillait beaucoup et était assez stressée, d'après ce que j'entendais des discussions qu'avait ma mère avec le père d'Ange. Pourtant, mon ami me parlait toujours d'elle avec une étincelle d'admiration dans le regard, il me disait chaque jour à quel point elle était parfaite et combien il l'aimait, malgré le fait qu'elle ne soit que trop peu présente.
VOUS LISEZ
Remember me
Teen FictionKaï et Ange ont huit ans, ils passent leurs journées à nager dans la lac en bas de chez eux et leurs nuits à regarder les étoiles serrés l'un contre l'autre. Kaï a dix ans lorsque son père quitte l'état, abandonnant Kaï et sa mère pour une nouvelle...