Chapitre 24

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Kaï

Le carrelage de la salle de bain est froid contre mon dos. Je dois être allongé dessus depuis maintenant une bonne demi-heure, les yeux fixés sur le plafond. Mon tee-shirt est roulé en boule à côté de moi, je respire difficilement, les larmes coulant le long de mes joues. J’ai pleuré durant une bonne partie de la nuit, recroquevillé contre le mur. Ange dormait profondément à côté de moi, je tentais d'étouffer mes pleurs dans mon oreiller. J’ai fini par réussir à me calmer après des heures de lutte contre moi-même. J’ai séché mes larmes et je me suis rapproché d’Ange pour le prendre dans mes bras. Il s’est immédiatement blotti contre moi.

C’est mon premier Noël sans maman.

Un sanglot sort de ma bouche. Je passe lacement mon bras sur mon visage et inspire aussi lentement que possible. Je me relève comme je peux, m’accrochant au rebord du lavabo. J’ouvre le robinet et m'asperge le visage d'eau froide. Je passe ma main dans mes cheveux, essayant de me redonner forme humaine. Ma peau est si pâle qu’elle paraît presque transparente, mes yeux sont rouges et gonflés, ma bouche est sèche et les poches sous mes yeux sont tellement noires qu’on pourrait penser que j’ai tenté d'imiter le style d’Harold, le panda en peluche qu’Ange m’a offert. Je ferme les paupières en expirant tout l’air de mes poumons.

— Kaï ? Chéri, tu viens ? On va se promener.

Ses cheveux châtains sont attachés en une épaisse queue de cheval retenue en arrière grâce à un élastique jaune moutarde. Elle porte une longue robe vert d’eau. Elle sourit, découvrant ses dents blanches. Des sandales de cordes à ses pieds, un ruban blanc en guise de bracelet sur son poignet droit.

— Ange peut venir avec nous ? je demande d’une voix enfantine qui ne me ressemble pas.

Qui ne me ressemble plus.

Tout d’un coup, j’ai neuf ans et ma  vie est bien moins en désordre qu’aujourd’hui. Mes soucis semblent s’être envolés. Les voix résonnent dans ma tête en une symphonie lointaine. Le souvenir semble un peu flou et trop lumineux. 

Le rire de maman se répercute dans chaque recoin de mon esprit.

— Bien sûr chéri ! On ira au parc tous les trois.

Je cours vers elle et la serre contre moi, mes petits bras s’enroulant autour de sa taille. Elle me caresse la tête en souriant.

Je rouvre les yeux. Mon reflet me dévisage dans le miroir. Je veux rester dans ce souvenir pour toujours. Je veux m’y installer, m’y cacher, y plonger et ne jamais refaire surface. Je ferme les yeux. Le souvenir a disparu. La lumière a été remplacée par l'obscurité, le rire  de maman par le son de l’eau qui coule dans la baignoire, mon sentiment de plénitude par un vide intense. Je lève la tête, mon reflet m’adresse un regard triste.

Je passe ma main sur mes côtes saillantes. Je n’ai pas mangé un vrai repas depuis un moment. J’ai à peine grignoté la dinde qu’Anaïs a mis tant de temps à cuisiner, goûté un minuscule morceau de cupcake et avalé un petit bout de pain pour faire plaisir à Ange. Les aliments pèsent dans mon estomac. Je me sens à la fois vide et trop plein. Le silence est trop fort dans ma tête, il bourdonne et prend toute la place. Mes émotions sont étouffantes et semblent se tordre au milieu de ma poitrine. Les gouttes d’eau froide qui ruissellent sur mon visage sont brûlantes.

J’essaie de respirer et de repousser l’angoisse qui monte en moi, tout au fond de mon esprit, mais elle est bien plus forte que je ne le suis. Elle m’engloutit tout entier.

Ses griffes lacèrent mon cœur. J’ai l’impression de couler. De me noyer dans les quelques gouttes qui coulent sur ma peau. Sa noirceur m’enlace et me serre jusqu’à ce que je ne ressente plus rien. Ni la douleur, ni la tristesse, ni le manque. Elle envahit chaque cellule de mon corps jusqu’à ce que je ne sois plus rien. Jusqu’à ce que nous ne faisions qu’un.

Mon téléphone vibre sur le sol. L’écran s’allume et la notification apparaît.

Alex
Salut les gars, soirée du nouvelle an chez Olivia (ma voisine en cours de maths) vous êtes tous invités !

Les notifications se succèdent.

Charlie
T’es ami avec Olivia, toi,
maintenant ?

Sacha
Cool, je serais là !

Alex
Oui Charlie, j’ai d’autres amis que toi,
je te rappelle !

Ange
Trop bien !
Olivia est en sciences avec moi, elle est cool.
Kaï, tu seras là ?

Je déverrouille mon téléphone et tapote sur le clavier. Je vois flou, les lettres semblent danser sur mon écran. Danser. Je vais aller danser. 

Moi
Bien sûr que je serai là !
J’ai hâte !

Est-ce que mon message paraît trop enthousiaste ? Je ne veux pas les inquiéter.J’ai l’habitude, maintenant. Je sais gérer tout ça. Je me rhabille et marche jusqu’à ma chambre, attrape le sac contenant mes affaires de danse et dit à Anaïs que je vais me promener.

Il fait froid dehors, je resserre ma veste autour de moi. Mon sac semble peser une tonne sur mon épaule. Je sors la clef de ma poche et ouvre le gymnase. Ma professeure principale me l’avait donnée en début d’année et m’avait dit que je pouvais même y venir pendant les vacances. 

J’enfile mes chaussons et lance la musique. Elle m’enveloppe, me berce. Mes muscles se détendent un par un. Je fais quelques étirements : je n’ai pas dansé depuis un moment. Depuis la mort de maman pour être précis. Je m’élance lentement au milieu du gymnase. Je ferme les paupières. Il pleut dehors, j’entends le clapotis des gouttes sur le toit du bâtiment. Je me concentre dessus, effaçant tout le reste. J’ai l'impression de flotter. 

Lorsque la musique s’arrête, je redescends de mon nuage de manière un peu trop violente. Les larmes dégoulinent sur mes joues, mes jambes tremblent. Je soupire.

Je ne me sens bien que lorsque je danse.

Je me rappelle de cette audition dont maman m’avait parlé. Pour entrer dans une grande école, comme dans le film Billy Elliot. Peut-être devrais-je tenter ma chance...?

Maman m’aurait encouragé à le faire.

Mais maman n’est plus là.

Je fouille dans mon sac et en sort un carnet, ainsi que Harold, que j’ai pris avec moi en partant.  Je gribouille sur la première page de mon carnet.

audition. fin janvier.

Puis, je m'assois sur le sol, le dos appuyé contre le mur, les genoux contre la poitrine, Harold serré contre mon torse. 

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Wow, mais que nous vaut l'honneur de ce chapitre ? 👀
Bon... Peut-être que je ne vous aie pas tout dit... devinez quoi. Hier, J'AI ENFIN TERMINÉ LE PREMIET JET DE CETTE HISTOIRE.
*applaudissements*
J'ai mis exactement 9 mois et 5 jours à l'écrire et elle fait pour l'instant 39 chapitres et 270 pages A4 (ce qui équivaut à environ 331 pages et demi au format de roman classique).
Cette histoire compte énormément pour moi. C'est complètement fou de me dire qu'à 15 ans j'ai écrit mon premier livre COMPLET.
J'ai bossé comme un dingue pendant les vacances de la Toussaint, j'ai écris 84 pages en 15 jours au total 🤡
Mais ça valait le coup, parce que le premier jet est enfin fini !
Il va falloir que je réécrive un peu tout ça mais ON Y EST LES AMIS.
JE L'AI FAIT.
J'espère que l'histoire de Kaï et Ange est aussi agréable à lire qu'elle a été à écrire !
Biz tout le monde,
Cam's

Remember meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant