Chapitre 18

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Ange

Get you to the moon ‐ Kina

Kaï a passé quelques heures à l’hôpital et je l’ai patienter dans la salle d’attente. Tout ici sent le désinfectant, même les gâteaux et le verre d’eau que l’on m’a apporté pour me faire patienter. Les sièges sont en métal et tous accrochés à une même barre. Dans l’angle du mur en face de moi se trouve une petite télévision qui diffuse des messages de préventions médicales.

         
« Se faire dépister, c’est être sauvé ! », scande fièrement un acteur en blouse blanche à l’écran qui, à mon humble avis, n’est absolument pas médecin. Par ailleurs, leur slogan est vraiment nul. Ils auraient pu faire l’effort de trouver quelque chose de drôle au moins. On se souvient généralement mieux des choses lorsqu’elles sont marrantes. Le cerveau doit trouver plus agréable que les traumatismes.
         
Au bout de trois heures – après que jai largement eu le temps de passer plusieurs fois en revu chaque titre des dix-huits magazines empilés sur la table, compté le nombre de néons (il y en a précisément trente-huit) fixés au plafond et bu environ six tasses café –, Kaï me rejoint enfin. Son père est là, lui aussi. Il affiche toujours cette expression exaspérée, comme si son fils venait simplement de faire un caprice en se jetant dans le lac. Je ne l’aime pas beaucoup. Son père je veux dire. Il ne m’inspire absolument pas confiance.
         
Dès que Kaï est assez proche, je me lève et avance vers lui à grandes enjambées pour le prendre dans mes bras. Son père émet un reniflement mécontent, mais je prends tout le plaisir du monde à l’ignorer.

— Tu vas bien ? je murmure contre sa joue.
         
Il se détache de moi et se frotte la nuque.

— Ouais… Les médecins ont dit que ce n’était rien de grave. Mais ils veulent quand même que je sois suivi par un psychologue.
         
Je hoche la tête en lui adressant un sourire triste. On reste plantés là un instant à se regarder. Puis, son père souffle bruyamment et attrape son fils par le bras.

— Aller, on y va.
         
Kaï fronce les sourcils et donne un coup d’épaule pour se libérer. Cela me fait mal au cœur de savoir qu’il vit constamment avec cet individu.

— Monsieur Johnson, s’exclame mon père en avançant de quelques grandes enjambées pour le rattraper.
         
Celui-ci s’arrête.

— Hum ?

— Je me disais que Kaï pourrait faire la route avec nous jusqu’en Californie. Il pourrait passer un peu de temps avec Ange.
         
Monsieur Johnson arque les sourcils et consulte sa montre.

— Cela serait très arrangeant, en effet. J’ai un rendez-vous dans le sud de la Californie dans quelques jours, cela m’évitera de refaire la route.
         
Kaï soupir de soulagement.

— Tu diras à Anaïs que je ne serai pas de retour avant la fin de la semaine, dit-il à son fils avant de tourner les talons et de disparaître dans les couloirs de l’hôpital, sans même un « merci » ou un « bonne journée ».
         
Kaï m’adresse un sourire de remerciements et je hausse les épaules en le lui rendant. Nous nous asseyons à l’arrière de la voiture, mon père allume la radio. Nous ne parlons pas pendant les premières heures du trajet. Nous nous reposons, essayant d’assimiler les évènements des derniers jours. Demain il faudra déjà retourner au lycée. Kaï devrait prendre du temps pour se remettre de cet enterrement de ce qu’il s’est passé au lac, mais je sais pertinemment qu’il veut tout faire pour passer le moins de temps chez lui.
         
Je rêvasse un moment, bercé par le ronronnement du moteur. Le paysage du Nevada défile à travers la fenêtre, principalement constitué de grands rochers et de plaines désertiques. Finalement, nous nous arrêtons dans une ville du de l’ouest de la Californie pour manger. Il est vingt heures et je crois que je n’ai jamais été aussi heureux d’aller dans un Diner.
         
Les tables sont recouvertes d’une fine couche de graisse, les néons grésillent et une douce odeur de friture flotte dans l’air. J’adore ce genre d’endroits. Kaï et moi laissons mon père aller commander pendant que nous allons nous laver les mains. Nous sentons toujours le poisson et l’eau du lac, mon jean est encore un peu humide et les cheveux de Kaï ont séché en lui créant tout un tas d’épis.

Remember meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant