Chapitre 33

28 4 5
                                    

Kaï

J’ai passé l’après-midi chez Ange. Léandre m’a accompagné car Anaïs avait rendez-vous avec son avocat pour régler quelques affaires. Si tout se passe comme prévu, c’est elle qui obtiendra la garde de Léandre, et mon père ne sera plus qu’un tuteur légal, un “représentant officiel” de l’enfant, et non une figure paternelle. A-t-il de toute façon jamais été présent ? Je ne pense pas. Je ne suis pas certain que son absence change grand chose, en réalité. 

Je dois aller le voir. Nous devons prendre du temps pour parler, juste tous les deux. Pour parler de nous, de moi, et ni d’Anaïs, ni de Léandre, ni de maman. Nous devons prendre quelques heures pour avoir une discussion qui sera sûrement la plus longue que nous n'aurons jamais eu. Mais… j’en ai besoin, je crois. Cet homme n’est définitivement pas fait pour être père, il est égoïste, méchant et immature. Il est trop tard pour qu’il se rattrape, désormais. Mais peut-être que nous pourrions trouver un moyen d’apaiser la douleur. Peut-être qu’il pourrait apprendre à m’aimer… Qui sait ? Peut-être que nous pourrions partager autre chose que de l’ADN. 

Je secoue la tête et reporte mon attention sur Ange qui me réclame un peu d’affection. Assis derrière moi, le dos appuyé contre le canapé, les fesses sur le sol, les jambes repliées autour de mon corps, il s’accroche à moi comme un petit koala. Ses doigts jouent sur le haut de mon ventre, s’aventurant parfois dans mes cheveux. Il frotte son nez contre mon cou et y dépose des petits baisers timides.

— Ça chatouille, je râle en repoussant doucement sa tête avec la paume de ma main.

Il ricane et m’embrasse l’épaule avant de coller sa bouche contre mon oreille.

— Chut, tais-toi. Je n’arrive pas à suivre le film quand tu parles.

— Haha. Ce n’est pas comme si tu regardais vraiment l’écran. Tu ne fais que me manger le cou depuis que nous avons lancé le DVD.

Il glousse contre ma peau et resserre sa prise sur mon ventre, nous tirant un peu vers l’arrière pour nous installer plus confortablement dans le canapé.

— Bien sûr que si, j’ai bien fait attention à l’histoire. Mérida est rousse et c’est une princesse, elle ne veut pas se marier et elle est amie avec un cheval. Oh, et son père porte des jupes à motifs écossais particulièrement laids.

— Ce sont des kilts.

Il rit.

— Bien sûr, excuse-moi. Il porte des kilts vraiment très moches.

— C’est un bon résumé. J’adore Rebelle.

Il secoue la tête, un air dépité sur le visage.

— Je préfère Rox et Rouky.

— Ah ! Mais je n’ai jamais dit que je n’aimais pas Rox et Rouky !

Ses mains tapotent distraitement contre mon ventre.

— Mais tu préfères Rebelle.

Je réfléchis un instant, fixant la télévision, pensif.

— Oui, je crois que je préfère Rebelle.

Il glapit de désapprobation.

— Tss ! Espèce de traître.

Je hausse les sourcils et tourne la tête vers lui pour lui lancer un regard outré.

— Je dis simplement que l’histoire d’une jeune fille qui se bat pour ses droits et plus intéressante que celle d’un renard et d’un beagle qui deviennent meilleurs amis et jouent à cache-cache dans la forêt. Et puis, j’aime bien l’Écosse. C’est un joli pays.

Remember meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant