Chapitre 28

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Kaï

Ange ne m’avait pas menti, Georges a vraiment l’air d’être un psy super-super. Je m’imaginais un vieux monsieur en surpoids avec une longue barbe blanche, des petites lunettes, un gilet en tricot et un portrait de Freud fièrement posé sur son bureau. Mais non. Malgré son nom plus ancien que le paléolithique, Georges n’a rien d’un vieux grincheux. C’est un jeune homme d’une trentaine d'années, portant un jean clair et un tee-shirt à l'effigie d’E.T. Georges insiste pour que l’on appelle par son prénom, et non “monsieur”. Il semble être fan de cinéma, notamment de Spielberg et travaille dans un cabinet assez chaleureux. Un grand tapis aux longs poils blancs synthétiques est installé au milieu de la pièce, des livres pour enfants sont rangés dans un bac coloré posé dans un coin de la pièce.

— Bonjour Kaï, ravi de faire ta connaissance, me salue Georges.

Je lui adresse un petit hochement de tête en guise de réponse et m’affale dans le canapé bleu tandis qu’il prend place dans le fauteuil en cuire marron positionné en face de moi, un paquet de feuille sur les genoux et un crayon dans la main.

— Alors, commence-t-il, est-ce tu peux me raconter un peu ton histoire ? 

Je lui fait un bref résumé de ma vie, de ma naissance à aujourd’hui, restant assez évasif sur certains détails. On parle beaucoup de ma mère. Georges est un psychologue assez différent des autres. Enfin, pas que je n’en ai vu beaucoup, mais il semble différent. Il ne me pose pas de questions stupides et, lorsque je n’arrive pas à exprimer quelque chose, il me le fait dessiner.

— Et tu te sens comment en ce moment ? me demande-t-il en penchant la tête sur le côté, machouillant le bout de son crayon.

Je me gratte l’arrière du crâne.

— Je ne sais pas trop… Vide ?

Il note quelque chose sur sa feuille de papier.

— C’est normal de se sentir vide, surtout après la perte d’un proche. Tu n’es pas beaucoup soutenu par ton père, je suppose.

Je secoue la tête.
— Pas vraiment, non.

— Donc, ta mère était une sorte de repère dans ta vie, n’est-ce pas ? Et maintenant tu te retrouves seul, lâché dans le monde réel sans elle pour t’épauler. Et ton père ne prête pas vraiment attention à toi. Ça doit être difficile.

Je sens les larmes me monter aux yeux. Wahou, il est direct. Il n’y va pas avec des pincettes, c’est le moins qu’on puisse dire.

— Elle me manque.

Il attrape un paquet de mouchoirs posés sur son bureau et me le tend.

— Chaque personne gère son deuil différemment. Certains se referment sur eux-même et ne pensent qu’à la personne qu’ils ont perdus, d’autres tentent de faire quelque chose d’assez impulsif, certains changent complètement de mode vie… Et puis, certains essaient de ne pas y penser et de repousser le problème dans un coin de leur tête jusqu’à ce qu’il prenne toute la place dans leur vie et que ce ne soit plus gérable. Tu fais plutôt partie de la dernière option, je me trompe ?

Je me mouche bruyamment.

— Non.

— Dans ce cas, pourquoi es-tu venu me voir ? Qu’est-ce qui a été le déclic ?

Je soupire en rejetant la tête en arrière, plaquant une main sur ma bouche pour étouffer les sanglots qui menacent d’en sortir.

— J’ai fait quelque chose de mal et ça me hante. Je ne mange plus, je ne dors plus… Je pense plus à ce que j’ai fait qu’au décès de ma mère… Je…

Remember meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant