Chapitre 1 : Une partie de chasse contrariée

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La voilà enfin à ma portée. La proie que je traque depuis maintenant une heure semble s'apprêter à faire une sieste après m'avoir longuement baladée en pleine forêt. Le plus silencieusement possible, je bande mon arc sans quitter l'herbivore qui pose ses deux mètres de haut sur le sol et fait claquer son énorme bec avant de fermer les yeux. Il est à ma merci maintenant !

Chasser est une seconde nature chez moi. Bien entendu, j'aime l'idée de pouvoir subvenir aux besoins alimentaires de notre clan. Mais ce que je préfère, c'est la traque. Imaginer que ma proie ne soupçonne pas une seconde que je puisse être sur ses traces, attendre le bon moment pour passer à l'action me procure une grande jouissance. Cela me permet également de me retrouver seule, loin du tumulte de la cité et des soucis qui peuvent parfois y survenir.

Je suis la seule femme affectée à la chasse. Je suis généralement la seule femme dans les tâches pour lesquelles je me suis engagée au sein de la tribu. La cuisine, la couture, le jardinage ... très peu pour moi ! Les gens acceptent cela sans y voir le moindre problème, ce qui m'arrange grandement. Dans le cas contraire, ils n'auraient pas eu d'autre choix que de se plier à ma volonté !

Selon Grand-père, je suis un parfait mélange entre mes deux parents : j'ai hérité du côté anticonformiste de ma mère, de son envie de liberté et d'indépendance. J'ai également hérité de sa douceur, sa patiente, son esprit prudent et calculateur. Mon père m'a quant à lui légué sa ténacité, son côté protecteur et son goût pour l'aventure au grand désespoir de Grand-mère.

Cette dernière est surtout fière que ses petits enfants aient la même beauté sauvage que leur mère ainsi que ses grands yeux bleus, eux-mêmes hérités de Grand-père.

Ça y est ... nous voici au moment culminant de la traque. Dans une seconde, l'oiseau paisiblement endormi sera mort.

Je m'apprête à lâcher la corde quand soudain un hurlement retenti, faisant sortir de son sommeil ma proie qui se lève à une vitesse folle. Apeurée, elle déguerpie à l'opposé d'où vient le cri. Je la regarde détaller avec amertume, disant au revoir au superbe rôti que nous aurions pu savourer ce soir.

Une fois l'animal hors de mon champ de vision, mon esprit bloque sur le son survenu quelques secondes plus tôt.

C'est étrange ... il me semblait pourtant être la seule à partir chasser cet après-midi ... qui a bien pu hurler ?

Poussée par la curiosité, je décide d'aller découvrir qui en est l'auteur, car nul doute qu'il s'agit d'un son poussé par l'un de mes congénères et non une créature peuplant cette terre.

Je me fraye un chemin à travers la forêt, me rapprochant rapidement de la provenance du hurlement mais ce que je découvre me paralyse complètement.
J'observe avec stupéfaction la scène qui s'offre à mes yeux.

À découvert, en plein milieu d'une clairière se trouvent des étrangers, hommes et femmes. Nombreux sont assis, s'abreuvant à d'étranges outres*. Un petit groupe observe ce qui pour moi semble être une carte, d'autres attendent simplement debout.

Le hurlement qui a effrayé ma proie se fait de nouveau entendre. Mon regard glisse alors jusqu'à deux étrangers en pleine dispute.
L'homme, grand et mince, fulmine et fait de grands gestes qui traduisent son énervement face aux paroles de la femme qui lui fait face.
Elle, plus calme, tout habillée de vert, écoute l'homme en gardant les yeux fermés. Tout deux portent sur leur nez un étrange objet qui recouvre leurs yeux.

J'essaie de comprendre le sujet de leur dispute, mais les mots qu'ils emploient me sont totalement inconnus ! Ces individus sont accoutrés d'une façon étrange à mes yeux, et sont entourés d'objets dont j'ignore totalement leur utilité.

Qui peuvent-ils bien être ? Sûrement pas une des tribus avec lesquelles mon clan commerce ... je ne reconnaît ni leur langage ni leur accoutrement ... et leurs visages me sont parfaitement inconnus ...

Se prélasser et se disputer de la sorte à découvert ... ils sont totalement inconscients du danger qui les guette !!! Quel comportement puéril !!!

Serait-ce possible que ce soient des ... non, je dois faire fausse route ... jamais ils n'auraient osés revenir sur nos terres ... et pourtant ... ils me font penser aux histoires de grand-père ... ces étrangers venus d'au-delà de la porte du gardien pour piller nos ressources ... aussi cupides qu'inconscients ... oh non !! ...

DES HUMAINS !!!!!!!!

Lexique:

* outre: Peau d'animal cousue en forme de sac et servant de récipient (une gourde en gros!)

Double je(u)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant