🫀 Prologue

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22 février 2007


Assise sur le canapé, je visionne les dessins animés qui dansent sur l'écran, puis savoure chaque bouchée de mon délicieux chocolat chaud qu'a préparé maman. La chantilly déborde et quelques guimauves flottent à la surface. Elle aime me faire cette surprise chaque fois que je rentre de l'école. Mais mon bonheur s'arrête lorsqu'elle me regarde. Je découvre qu'elle a versé des larmes. Même si elle tente d'effacer les marques de son chagrin, des traces noires maquillent ses yeux. Je pose ma tasse et me lève. Elle se penche vers moi et m'enveloppe de ses bras. Les battements de son cœur résonnent à mes oreilles. Je sens la fraîcheur de sa peau contre mon visage. Elle me repousse doucement.

— Tout va bien, maman ?

— Ma chérie, je sais que ces temps-ci sont difficiles, mais je te promets que tout s'arrangera. Je vais veiller à ce que tout rentre dans l'ordre.

Sa voix tremblante me donne des frissons. J'ai l'impression que ses paroles sonnent comme un adieu et je refuse de la perdre. Je me précipite vers elle, pressant mon corps contre le sien de toutes mes forces. Je déteste la voir triste, car ça me rend malheureuse.

— Je t'aime, Tatjana. Pour la vie, pour l'éternité, me murmure-t-elle à l'oreille.

Elle dépose un baiser sur ma joue, mais subitement, elle se fige. Nous pouvons entendre des pas lourds résonner sur le sol. Elle recommence à sangloter.

— Ne pleure pas, maman, je suis là.

— Cache-toi sous la table, mon ange, et ne sors que lorsque je te le dirai ! ordonne-t-elle.

Je hoche tout de suite la tête et obéis. Je me recroqueville sur moi-même, ignorant ce qui se passe, mais la peur m'envahit. Je tremble, mes dents s'entrechoquent bruyamment. Aussitôt, la porte s'ouvre et heurte le mur. C'est papa. Son visage, marqué par la colère, rougi par son souffle haletant. Derrière lui, un monsieur plus âgé, aux cheveux gris plaqués en arrière, apparaît. Ses bras dénudés sont couverts de tatouages, et sur son cou, le même symbole que tous les hommes du groupe : un cœur transpercé par un couteau ensanglanté. Je retiens ma respiration et me recule légèrement, de peur qu'il ne me voie. Il m'a toujours fait peur, mais aujourd'hui, c'est encore pire.

— Crois-tu réellement que tu peux partir ainsi, Karine ? Tu es prisonnière de cet endroit ! gronde-t-il.

— Penses-tu que je souhaite que mes enfants grandissent avec un monstre comme toi ? Je sais que c'est toi qui as assassiné ces pauvres gens. Tu ne changeras jamais !

— Tu m'as épousé pour le meilleur et pour le pire, alors cesse de te plaindre. Si tu en es là aujourd'hui, c'est de ton propre gré. Veux-tu revenir à ta misérable vie où ton père se droguait et ta mère te battait ? ricane-t-il.

Soudain, un bruit retentit. Je me retourne et aperçois papa qui se tient la joue. Des larmes coulent sur mon visage. D'ordinaire, leurs disputes sont suivies de rapides réconciliations, mais cette fois, c'est différent. Je sens qu'elle a peur. Elle tente de lui tenir tête, mais dans ses yeux rouges, une étincelle de frayeur brille. Subitement, il serre ses doigts autour de sa gorge et la plaque contre le mur. Maman pleure, se débat, mais papa est plus fort. J'entends ses sanglots, mais lui affiche un large sourire sur ses lèvres. Je ne veux pas qu'il lui fasse du mal. J'ai horreur de la voir souffrir. La douleur m'enveloppe. Je mets ma main sur ma bouche pour étouffer mes cris.

— Ne me pousse pas à te tuer  ! s'énerve-t-il. Maintenant, tais-toi et obéis-moi.

— Je ne désire plus rester avec toi, Tobias !

Alors que maman crache ces mots à son visage, papa la gifle si violemment qu'elle s'effondre par terre. Il la frappe à plusieurs reprises dans le ventre. Elle gémit. Elle pleure. Il semble indifférent et continue de marmonner des paroles que je ne comprends pas. J'ai envie de hurler, de la sauver, mais je suis impuissante. Il commence à nous faire du mal à nouveau.

Je place mes mains sur mes oreilles pour ne plus entendre les cris de ma mère. Je ne veux plus souffrir. Lorsque je tourne la tête doucement, je vois mon frère regarder depuis l'embrasure de la porte. Il ne réagit pas, bien qu'il ait dix ans de plus que moi. Il pourrait aider maman à se défendre contre ce monstre, mais il reste indifférent. Je les déteste tous, je hais cette famille. J'aurais préféré ne jamais naître pour ne pas endurer cette souffrance.

Finalement, après quelques minutes, papa s'en va furieux et ordonne à Jonas de le suivre. Quant à maman, allongée par terre, elle a du mal à se relever. Le sang se mélange tellement à sa peau que je ne peux même plus distinguer ses beaux yeux verts. Je tremble. Je n'arrive plus à respirer. Je reste là, sous la table, immobile. J'ai peur qu'il revienne pour nous tuer.

— Il est l'heure de partir, mon cœur, chuchote-t-elle. Tu n'as plus rien à craindre. 

The Thieves Of Hearts, TOME 1 : Bienvenue en enfer - DARKROMANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant