Lorsque nous franchissons le seuil de l'établissement, je reste émerveillée par la beauté du restaurant. Même si j'ai déjà dîné plusieurs fois dans des endroits prestigieux avec ma mère, celui-ci m'attire particulièrement. Lucian n'a pas lésiné sur les détails. Peut-être éprouve-t-il la nécessité de se racheter, ou peut-être tente-t-il simplement d'être sympathique pour une fois ? Ces idées esquissent un sourire sur mon visage, mais il s'efface aussitôt lorsque je repense à ce qu'il m'a dit quelques heures plus tôt. Qu'est-ce qui a bien pu se passer dans son enfance pour qu'il soit aussi méprisant envers les autres ? J'ai essayé de considérer plusieurs possibilités, mais la seule qui revient est la même que la mienne. Un soupir de frustration m'échappe, perturbée par une hypothèse qui me glace le sang.
Nous avançons sur le carrelage, là où mon reflet se distingue à merveille, si bien nettoyé. La salle est éclairée par des spirales pendues au plafond qui propage une lumière tamisée. Je lève les yeux et peux admirer le ciel à travers la vitre transparente. C'est vraiment splendide. Nous choisissons de nous installer au premier étage, où il n'y a personne. C'est parfait, car cela me permet d'avoir une vue dégagée sur toute la pièce. L'endroit est agrémenté de plusieurs plantes suspendues aux poutres et disposées au sol. Je prends place à la table noire où Lucian s'assoit en face de moi. Je jette un rapide coup d'œil aux tableaux qui décorent les murs, la plupart font référence à des écrivains de notre pays. Ma bouche s'étire en une gaieté tandis que Lucian range son téléphone et me fixe.
— Qu'aimes-tu en dehors de torturer des personnes ? débuté-je pour briser ce silence pesant.
— Imaginer te loger une balle entre les deux yeux est-ce ça compte ?
Un léger sourire apparaît sur mon visage.
— Je suis consciente que ça te démange, mais si nous pouvions éviter d'en arriver là, cela me plairait bien, plaisanté-je.
— La guitare, avoue-t-il. J'ai commencé à m'y adonner à l'âge de dix ans et je persiste à en jouer, même à l'approche de mes trente ans.
— Une raison particulière à cette passion ?
— Afin de soulager ses crises d'angoisse, ma mère trouvait du réconfort en écoutant les mélodies de cet instrument. Chaque soir, dans sa chambre, je venais lui offrir un petit concert pour qu'elle puisse s'endormir sans se soucier du reste.
Mes sourcils se soulèvent à la suite de ces paroles. Je m'attendais à toutes sortes de conversations pendant ce repas, mais pas à entendre une part de sa vie.
— Elle n'est plus parmi nous ? lui demandé-je, ressentant de la peine.
— Tessa, je ne suis pas du genre à étaler mon passé, mais sache que je te comprends.
Son visage pâlit et sa voix tremblante révèle qu'il est ému par ces confidences. Pour la première fois, je discerne une expression de sensibilité en lui et cela ne me met pas mal à l'aise, bien au contraire. J'aimerais pouvoir l'assister, l'aider, mais mes moyens sont limités. Il soupire puis s'adresse au serveur qui vient d'arriver, et fort heureusement, car je n'aurais pas eu le cœur de prolonger cette conversation marquée de tristesse, même si une part de ma curiosité aspire à en apprendre davantage. Je parcours brièvement la carte des menus et opte pour une choucroute savoureuse. Ma mère avait l'habitude d'en préparer chaque dimanche midi et ça me manque. Justus, dont le nom est brodé sur sa chemise bleue, prend des notes sur un carnet puis s'écarte.
— Et toi, en dehors de faire des doigts et de casser les couilles, as-tu d'autres passe-temps ? interroge Lucian.
Je manque de m'étouffer avec l'eau que je venais de porter à mes lèvres.
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The Thieves Of Hearts, TOME 1 : Bienvenue en enfer - DARKROMANCE
Romance« N'oublie jamais que tu n'es qu'une proie au milieu des prédateurs, et si jamais l'envie me prend de te dévorer, je le ferai volontiers. » *** Tessa, élevée par sa mère, voit sa vie basculer lorsqu'elle est accusée à tort de complicité de meurtre...