🫀 Mauvais perdant

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Je m'enfonce dans la forêt, sans me retourner. La douleur de mes blessures accompagne chacun de mes pas. Un filet de sang trace un chemin sur ma joue. Mon souffle est court, mes membres lourds, mais mon esprit est en proie à une urgence : échapper à cet enfer.

Dans mon enfance, ce lieu ne fut qu'un univers étranger dont ma mère me préservait. Je préférais les contes, la musique et les dessins animés aux sombres réalités qui m'entourent maintenant. Aujourd'hui, je perçois enfin la terreur qu'elle a eue, mais je doute d'avoir sa résilience, sa force. Je m'accorde une pause pour tenter de retrouver mon souffle. Mes yeux peinent à distinguer les contours flous de la forêt, brouillés par la pluie qui s'abat. Mes pieds s'enfoncent dans la terre, alors que le tonnerre gronde au-dessus de moi, déchirant le ciel de sa colère.

Je relève doucement la tête et scrute l'environnement. Les arbres s'élèvent à une grande hauteur, leurs branches épaisses s'entrelacent comme des doigts griffus tendus vers l'obscurité. Je suis perdue, sans aucune indication sur la direction à prendre. Un hurlement s'échappe de mes lèvres tandis qu'une alarme résonne dans l'enceinte. Ils vont s'élancer à ma poursuite.

Je fonce à nouveau. Mes pieds martèlent le sol dans une course éperdue. Mon cœur tambourine violemment, l'adrénaline embrasée par la peur. Mes membres, engourdis par le froid, me font presque défaut, mais je ne peux pas m'arrêter, pas maintenant. Les bourrasques fouettent mon visage. La tempête se lève. Je dois trouver une issue avant que la nature elle-même ne me consume.

Soudain, j'entends des aboiements. Un frisson parcourt mon échine. Je déglutis, figée sur place. Ils ont lancé des chiens à mes trousses. D'un mouvement abrupt, je bifurque à droite. Chaque craquement de brindille, chaque souffle du vent dans les feuilles me fait sursauter. Quelques minutes à peine s'écoulent avant que je ne m'arrête brusquement. Un panneau se dresse devant moi, arborant l'avertissement sinistre : « Attention, pièges à ours ». Les yeux écarquillés, je me demande si c'est une plaisanterie pour dissuader les téméraires. Mais je n'ai pas le temps de réfléchir : ils se rapprochent. Je reprends ma marche, l'esprit en éveil, mes sens aiguisés.

Je traverse le sentier, effleure de près la mise en action du système. La main crispée sur ma poitrine, je lutte pour résister, pour ne pas sombrer. J'ai frôlé la mort. Après un soupir de soulagement, je m'avance jusqu'à me retrouver face à une clôture rouillée.

Un sourire se dessine sur mes lèvres à l'idée de l'escalader, mais ma respiration se coupe brusquement au moment où mes doigts entrent en contact avec le grillage. Un frisson d'horreur me parcourt alors que je prends conscience de l'impasse. Les pulsations électriques me transpercent.

Je n'ai même pas le temps de chercher une échappatoire que leur regard brille dans le noir. Je peux discerner leurs crocs acérés, prêts à me déchiqueter. Mon cri se perd dans la mélodie de la pluie qui tombe. Je suis paralysée par la peur.

— Timo, Caspar, aux pieds ! ordonne-t-il.

Les deux chiens reculent et s'assoient. Néanmoins, ils grognent encore, leurs aboiements résonnent en moi comme une bombe à retardement. Je prends une profonde inspiration et le fixe intensément, lui qui éclate de rire de manière hystérique. À ce moment précis, j'ai envie de l'étrangler, mais cette course effrénée m'a épuisée. Ma tête tourne, j'ai l'impression que mon corps va céder sous le poids de mes émotions.

— Tu croyais réellement t'évader ? ricane Lucian. J'ai rencontré des connes, mais toi, tu décroches la palme d'or.

— Va au diable, grogné-je.

Il s'approche lentement. Je sens son regard perçant scruter chaque parcelle de mon être avec minutie. Je ravale avec difficulté ma salive, mais je suis piégée, quelle que soit l'issue.

The Thieves Of Hearts, TOME 1 : Bienvenue en enfer - DARKROMANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant