Chapitre 38

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"Comment ça va là ?"

"Ouais... aïe, non, tu appuies trop fort."

"Pardon, comme ça ?"

Je lache un petit gémissement.

"Ouais, c'est parfait."

Bill continue de me masser le ventre, ce qui me soulage grandement.

"Merci de lui avoir parlé."

"C'est normal, je ne pouvais pas te laisser comme ça. Et ça me fait plaisir de passer du temps avec toi."

Après avoir quitté le travail, Bill a insisté pour qu'on aille chez lui. Ou plutôt dans son hôtel. La femme à la réception est toujours aussi aimable.

"Dis, pourquoi tu ne me regardes pas ?"

Ah, il a remarqué.

"Je ne vois pas de quoi tu parles."

"Ne me mens pas. J'ai très bien vu que tu évitais autant que possible le contact visuel avec moi. Y'a un problème ?"

"Non, il n'y a rien."

"Est-ce que j'ai fait quelque chose ?"

Je soupire.

"Non. Non, tu n'as rien fait. C'est juste que cette nuit, j'ai fait un rêve où... où nous nous regardions, et tu as commencé à fondre. Tu as littéralement brûlé vif de l'intérieur devant moi, et je crois que j'ai peur de te regarder pour éviter que ça ne se reproduise."

Il est inimaginable que je lui dise que j'ai rêvé qu'on s'embrassait.

"Eh bien, si ça peut te rassurer, je ne me sens pas chaud à l'intérieur."

"Pff, idiot."

"Crois-le ou non, mais t'entendre m'insulter d'idiot m'avait manqué."

Je souris légèrement, mais une nouvelle douleur apparaît et me fait grimacer.

Aucun de nous ne rajoute quoi que ce soit. Puis Bill se décide à parler.

"Il m'a volé ma copine."

Quoi ?

Vu mon regard perdu, il affiche un léger sourire et reprend.

"Mon frère. Tom. Si je ne lui parle plus, c'est parce qu'il est sorti avec ma copine dans mon dos et Gustav et Georg le savaient et n'ont rien dit."

Je me redresse et me mets face à lui, laissant la douleur de côté pour le moment.

"Quand je l'ai appris, j'ai pété un plomb. Et... j'ai cassé la batterie de Gustav avec la basse de Georg, puis j'ai explosé la guitare préférée de Tom contre un mur."

Il fixe la couverture du lit sans aucune émotion, mais je vois bien ses yeux devenir de plus en plus brillants.

"Je l'aimais vraiment... enfin, du moins c'est ce que je croyais. Mais quand j'ai appris la vérité, je n'ai même pas été surpris. Une partie de moi savait que cela arriverait. Tom a toujours été le plus beau entre nous deux, le plus attirant. Les filles s'approchaient de moi pour se rapprocher de lui. Sauf une... notre meilleure amie. Elle elle était vraiment différente. Et elle n'était pas au courant. Mais pour Jeanne...je pensais sincèrement qu'elle était différente. Je me trompais. Et lui... je n'aurais jamais pensé qu'il me trahirait de cette manière. C'est la même chose pour Gustav et Georg. J'avais confiance en eux, et eux... ils m'ont trahi et menti."

Maintenant, des larmes coulent sur ses joues, et je m'approche pour le prendre dans mes bras.

"Avant de partir, je leur ai dit de ne plus me parler, que le groupe était fini, ou du moins que je n'en faisais plus partie. Ils n'ont pas essayé de m'arrêter, pensant que c'était sur le coup de la colère. Mais quand ils m'ont vu descendre avec ma valise, je crois que c'est là qu'ils ont compris. Ils ont compris que j'étais sérieux. Tom a essayé de me retenir, mais je ne voulais rien entendre. J'ai... je l'ai frappé au visage."

Sa voix se brise encore plus.

"Je revois encore son visage choqué et le sang couler de son nez... je ne pourrais pas me pardonner ça. J'ai frappé mon propre frère..."

"Il t'a menti, Bill."

"Mais il ne méritait pas ça quand même... c'est mon deuxième moi... il a toujours été là pour moi et à la moindre petite erreur, je-"

"Non, Bill. Ce n'est pas une petite erreur comme tu le dis. Ils se sont tous fichus de toi. Ils t'ont parlé et regardé dans les yeux en sachant très bien ce qui se passait. Il aurait mérité plus que ça. Tous. Tu as été beaucoup trop gentil et je refuse que tu t'en veuilles."

Il me regarde dans les yeux même si, à cause des larmes, je doute qu'il voie quelque chose.

Mes mains se posent sur ses joues et j'en profite pour les essuyer.

"Je te pardonne. Comme je t'ai pardonné cette nuit-là. Je sais que tu as besoin de ça pour avancer, alors je le fais. Tu es pardonné."

Je vois dans ses yeux qu'il réalise que je me souviens de la nuit où il m'a confié qu'il avait fait quelque chose de mal.

"Je croyais que... je croyais que tu ne te rappelais de rien ?"

"Ça m'est revenu pas longtemps après."

"J'imagine que tu voudrais savoir, hein ?"

"Oui, mais je ne vais pas te brusquer, pas encore une fois. Si tu te sens prêt à m'en parler, fais-le, sinon je peux attendre."

"J'ai volé de l'argent à une famille riche lors d'une fête, pendant que personne ne regardait. J'ai fouillé partout, j'ai pris tout ce que je pouvais et j'ai trouvé un coffre."

D'accord, j'avoue que je m'y attendais, mais l'entendre le dire me fait quand même un choc.

"Oui, il y a un coffre dans toutes les maisons de riches."

"Je me suis servis et je suis venu ici. Il m'en reste pas mal, c'est pour ça que je peux me permettre autant de choses."

Je retire mes mains de son visage.

"Tu as volé qui ?"

"Je n'en ai aucune idée. J'ai refusé de regarder leurs visages sur les photos au mur pour éviter de tout leur dire si je les croise un jour."

Il est clair que je le vois légèrement différemment maintenant. Mais il reste l'homme qui m'a aidé avec mes courses, qui m'a réconforté quand je n'étais pas bien lors du dernier cycle, qui est venu me voir à l'hôpital. Il reste Bill.

"Tu ne veux plus de moi, hein ?"

D'où lui vient cette idée ?

"Quoi ? Bien sûr que si ! C'est quoi cette question ? Non, j'étais juste en train d'assimiler tout ça, c'est tout. Mais tu restes Bill. Mon Bill que j'apprécie et que j'aime."

Il me regarde en haussant les sourcils et je me sens obligé de rajouter « en ami, bien sûr ! »

MAIS BIEN SÛR, ELENA.

De tout a Bill, de tout à rien.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant