CHAPITRE 2

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Elaïa

MUSIQUE :
Dancing All Alone, Clinton Kane

14 h 45, Nice, Faculté de lettres, Amphithéâtre B

J'ai échangé ma bonne vieille romance, contre Orgueil et Préjugés de Jane Austen. Ce livre est étudié encore et encore, année après année. Je le connais par cœur, et ce n'est pas mon préféré, même si Darcy à l'étoffe d'un « bookboyfriend » des temps modernes.

Roxanne me rejoint, tire sur mon casque, me force à reprendre pieds dans la réalité.

—Veux-tu un peu de bonheur ? s'exclame-t-elle fièrement, il a allumé Apopute.

Je hausse les épaules, ils se sont très certainement engueulés mais en un coup de langue bien placé, il a rampé à ses pieds. Cam ne sait pas vraiment tout ce que me fait vivre Apolline. J'ai interdit à Roxie de lui en parler. En revanche, ma meilleure amie ne se prive pas pour incendier Cam quand elle aperçoit Apolline m'attaquer.

Je hais Apolline profondément.

Le professeur entre dans l'amphithéâtre et le silence se fait en seulement quelques minutes. Certains bavardages persistent, néanmoins, j'ai la chance de faire partie d'une promotion plutôt travailleuse, ainsi les cours en grand groupe s'avèrent pour la majorité, supportables.

— Bien, comme nous avons pu le voir lundi dernier, Jane Austen développe un aspect psychologique de la dépendance de la femme dans son roman. Dans quelle mesure Austen considère la femme dépendante à l'homme?

— Tout dépend de sa classe sociale, intervient un étudiant.

— Peu importe sa classe sociale, rétorque un autre, Austen démontre que la femme ne s'intéresse que par l'obtention d'un bon mariage, un bon parti.

— C'est complètement absurde, puisque les deux premières filles Bennett choisissent l'amour au reste, s'offusque une fille derrière moi.

— Mais elles s'en sortent bien, ricane un autre étudiant, elles ont l'amour et le bon parti.

— C'est tellement réducteur de considérer cette œuvre à un simple choix de parti et d'amour, pesté-je dans un murmure.

Roxie m'envoie un coup de coude pour m'inciter à parler, à donner mon avis, pourtant elle sait que j'en suis incapable. Tous les yeux se braqueraient sur moi et s'y attarderaient. Mon assurance en prendrait un coup et forcément, mon argumentation serait tout de suite bien moins fluide qu'elle ne l'est actuellement dans mon crâne. Roxie souffle et prend la parole, utilisant les notes que je lui tends discrètement.

— Pourquoi réduire l'œuvre à un simple point de vue romantique? Amour ou raison, c'est un peu plus profond, l'homme à cette époque a l'ascendant sur la femme dans un grand nombre de domaines. Il crée la dépendance, la femme se retrouve donc forcée de choisir sa classe sociale, son amour propre ou son propre bonheur. Elle démontre également les revers d'une société en évolution, Elizabeth Bennett par exemple est la représentation même de la révolte et de la bataille intérieure.

— Très bonne réflexion mademoiselle Benson, intervient l'enseignant.

Roxie sourit, je baisse la tête, arrondis les épaules. Il sait que Roxanne n'est pas l'autrice de cette analyse. Même si c'est une excellente étudiante, les cours de monsieur Berry ne l'intéressent guère.

— Elle révèle les travers d'une société entière, poursuit Roxie, chaque personnage représente un vice, par exemple, Miss Bingley est orgueilleuse, vantarde, tout comme Wickham, tous deux représentent la manipulation et l'hypocrisie, chacun à un niveau différent.

Sous Le Masque Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant