CHAPITRE 23

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Elaïa

MUSIQUE :
Sharks - Imagine Dragons

0 h 45, Casino, Monte-Carlo

Roxie soupire de soulagement quand après une longue heure d'attente nous entrons enfin dans le Casino. Les manteaux abandonnés aux vestiaires, nous prenons le chemin de la grande salle principale. Les lumières ensorcellent, le bruit des pièces qui tombent dans les machines à sous attire, l'odeur du luxe mélangé à l'argent empli mes narines, une sensation d'adrénaline parcourt chaque muscle qui forme mon être entier. Les jeux d'argents sont comme les Dark Romance : malsains, toxiques toutefois enivrants. On en redemande, encore et encore, jamais rassasié. L'Homme, ici, s'avère toujours trop pauvre. S'il gagne, il en veut plus, s'il perd, il supplie pour une nouvelle chance.

Les cartes sont mélangées, les croupiers chantent des mélodies hypnotiques, les yeux sont fixés sur des espoirs de combinaisons réussis. Les verres claquent contre les comptoirs, effleurent les lèvres des participants ; moi, je suis là, juste au centre et absorbe chaque son, chaque émotion, chaque sensation qui envahissent mon corps. Les jetons luisent d'un poison qu'on appelle addiction ; une fois en main, on ne veut plus les lâcher, ils sont notre prison ou pour certain une possible rédemption. J'entends les « ce soir, chérie, je deviens riche » ou les « promis, c'est la dernière » s'étioler dans les airs. Mon cœur palpite de cette excitation passagère toutefois profondément vicieuse.

Roulette, Poker, Texas Hold'em, Craps, Baccara, Blackjack et j'en passe. Chacun de ces divertissements attire des Hommes prêts à battre la banque, quitte à ressortir de la guerre sans un sou. « J'avais gagné », murmureront-ils, « pourquoi ne me suis-je pas arrêté là » poursuivront-ils. Coupables. Ils se sentiront coupables d'avoir cédé à l'appel du jeu. Malades, ils se rendront pour tenter un nouveau sevrage. Faibles, ils deviendront, le soir suivant, aux portes du Casino.

Je suis de ces Hommes, qui jouent, qui perdent, qui en redemandent. Je suis de ceux qui lancent une nouvelle partie malgré une maigre main. Je suis de ceux qui se sentent coupables, malades puis deviennent faibles.

—    Vas-tu jouer? m'arrache Roxie de ma contemplation empoisonnée.

Je secoue négativement la tête. Elle le sait, le premier soir où nous avons foulé le sol d'un Casino, je l'ai prévenue : « Ne me laisse jamais jouer, Roxie. » « Surveille-moi comme on surveille du lait sur le feu. »

Je gagne. Souvent. Seulement, je perds tout autant. Dans mon ancienne vie nantaise, c'était le seul moment où les gens m'admiraient, me respectaient. Du moins, durant un temps. Je les plumais. Je les plumais tous. Un par un. Puis je perdais tout pendant la partie de trop, celle dans laquelle la transe se faisait plus forte que la raison.

—    Si tu craques, je serais ton maître du temps, murmure-t-elle tandis que je suis de nouveau aspiré par l'appel du jeu.

Je hoche la tête, incapable de prononcer un seul mot tant je suis imprégnée par l'ambiance. Arthur brise ma nébuleuse et embrasse mon front.

—    Une partie, c'est OK, deux, c'est un avertissement, trois, c'est le moment d'arrêter, chuchote-t-il contre mon crâne.

Un sourire remonte les commissures de ma bouche.

—    Sois le banquier, jamais le joueur, répliqué-je, les yeux brillants d'excitation.

—    Et si on se trouvait simplement une table rien que pour nous? intervient Cam. Tu serais à la fois banquière et joueuse.

Sous Le Masque Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant