CHAPITRE 38

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Simon

2 h 30, Loft de Simon, Monaco

La serviette nouée sur les hanches, le t-shirt tout juste enfilé, j'avale au goulot une grande lampée de whisky et allume une clope. J'échange la serviette pour un jogging avant de rejoindre ma terrasse extérieure. Le mégot encore chaud dans le cendrier, je grille une nouvelle clope. Je délaisse la bouteille pour mon portable, la luminosité de l'écran se réverbère dans mes pupilles. Mes doigts glissent sur ma liste de contact puis pressent sur son numéro. Plusieurs sonneries retentissent avant qu'elle ne décroche. La tension est oppressante, elle reste silencieuse à l'autre bout. Je me racle la gorge, tire une nouvelle latte, expulse la fumée et cède.

—    Combien de livres as-tu lus aujourd'hui?

Elle raccroche, mes lèvres se pincent. Je crois que je l'ai blessée, enfin d'après les éléments que j'ai en ma possession, elle semble en colère contre moi. J'ai horreur de cette émotion-là. Je l'exècre chez moi et la maudis chez les autres. D'autant plus quand elle est illégitime. La mienne l'est, pas la sienne. Juste avant la soirée de scène ouverte au restaurant de mon père, j'ai obtenu l'accord pour l'appeler. Ma curiosité quant à sa relation avec Arthur et ma désagréable nuit aux côtés de la version médiocre de la sorcière m'ont poussé à assouvir mon obsession pour Elaïa Benson. Elle a décroché à la troisième sonnerie comme elle le fait à chaque appel. Alors que l'on discutait de nos moments respectifs au restaurant, j'ai défini la fausse sorcière comme une pute insipide et fade. J'assurais à Elaïa qui elle n'attendait qu'une seule chose : se faire fourrer à ne plus se souvenir de son prénom. S'il est évident que j'ai raison en la décrivant de cette manière, il semble qu'Elaïa n'ait pas apprécié. Elle m'a fait tout un laïus sur le respect de la gent féminine puis a exigé que je me rétracte. Elle m'a défini à son tour de sexiste, misogyne et d'autres termes que je n'ai pas retenus, peu intéressé par ses attaques. 

Elle voulait des excuses et je suppose qu'elle en attend encore ce soir. Elle n'en aura pas.

«Il n'y a que les faibles qui s'excusent, Simon.»

C'est véridique. Les excuses sont pour les faibles.

Contrairement à la dernière fois, je la rappelle. Mon altercation avec Hécate a bien failli réduire en cendre le travail de Victor. J'ai besoin d'éponger la frustration de savoir que cette sorcière respire encore et s'en est sorti indemne. D'autant plus que sa brûlure a réveillé chaque démon, les uns après les autres avec une violence telle que j'en ressens les séquelles.

Je compose de nouveau son numéro, les trois premières sonneries retentissent, cependant cette fois, il y en a trois de plus qui résonnent. Mon pouls s'accélère, elle doit répondre. Cela fonctionne de cette manière, si j'appelle, elle répond et inversement. Il n'y a pas d'autres issues possibles. À la dernière sonnerie, son souffle s'étire dans le micro. Je réitère ma question, elle raccroche.

Elle n'aura pas d'excuses, elle doit s'y faire. Je ne me soumettrais pas à ses exigences. J'écrase – l'agacement s'inflitre lentement sous ma chair – le mégot dans le cendrier. J'avale plusieurs gorgées d'alcool et tente une dernière fois de la contacter. Ce sera ma dernière tentative. Comme lors de mon deuxième essai, elle me fait languir mais décroche à la dernière sonnerie.

—    Combien de livres as-tu lus aujourd'hui?

Elle grogne, je claque ma langue contre mon palais, elle soupire.

—    Simon Davis, tu es un connard.

J'esquisse un léger sourire, le soulagement apaise la boule d'anxiété qui se formait lentement dans ma gorge.

Sous Le Masque Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant