CHAPITRE 26

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Victor

MUSIQUE :
Riptide - Grandson

7 h 45, Loft de Simon, Monte-Carlo.

L'odeur du café chaud le fait émerger. Ses grognements indiquent que le réveil est, comme d'ordinaire, aussi difficile que l'endormissement. Il n'a pas une seule seconde de répit. Il se couche entourer de démons et se lève, les ravages qu'ils ont faits, marqués sur le corps. Parfois je me surprends à espérer qu'il oublie. Qu'il oublie tout. Une amnésie totale qui rebouterait son esprit et lui offrirait un nouveau départ. Ça n'effacerait pas les atrocités du passé, toutefois, ça lui laisserait une vraie opportunité de choisir quel chemin il choisirait de lui-même. Il s'empresse d'ouvrir la baie vitrée donnant sur la terrasse tandis que mes yeux se perdent sur le haut de son corps abîmé. Même si les tatouages cachent les vestiges de son passé, je ne sais que trop bien repérer les plaies de son présent. Il m'ignore, récupère la tasse chaude de café, tire une clope de son paquet et disparaît à l'extérieur.

Clopes, douches, whisky. Douches, clopes, whisky. Clopes, douches. Douches, douches, douches. Voilà un parfait résumé de sa nuit. Quand il m'est impossible de rester jusqu'à ce qu'il s'endorme, la culpabilité m'étouffe, parce que je le sais. Je suis l'un des remparts aux voix qui l'assaillent et cette nuit, je ne pouvais pas l'être.

J'expire, baisse la tête avant de me pincer l'arête du nez. J'étais venu pour le réprimander comme on le ferait avec un enfant, cependant, son état lamentable et ma culpabilité m'empêchent de lâcher sur lui la totalité de mon irritation.

Je glisse mes doigts dans l'anse de la tasse et prends le chemin de l'extérieur. À l'embrasure de la baie vitrée, je l'observe discrètement jouer avec son briquet-tempête. Mes maxillaires se crispent tandis que la flamme ne cesse d'apparaître puis disparaître sous le clapet.

C'est une mauvaise journée.

Je me racle la gorge dans l'espoir de lui rappeler ma présence, en vain. Son esprit est ailleurs, ce matin, elle gagne. Je m'installe à ses côtés et récupère avec la plus grande des délicatesses, le briquet. Son regard s'arrime au mien avant que sa tête ne se balance contre le dossier et que son soupir d'impuissance s'étiole dans les airs.

Trois, chuchoté-je après avoir rangé l'objet de malheur dans ma poche.

Trois.

Il ne tolèrera pas de quatrième corps. Moi non plus d'ailleurs.

Pas de quatrième corps.

Quant à hier soir, au Casino, ça ne se reproduira pas. Tu ne t'approches plus d'elle.

Je ne l'approcherais plus.

Son rictus insolent me fait grincer des dents. J'ai horreur de ce sourire qui n'annonce jamais rien de bon surtout quand il se plie aux exigences sans broncher.

Simon. Tu as un laissez-passer, pas une immunité.

Je ne l'approcherais pas et il n'y aura pas de quatrième corps, articule-t-il, les narines dilatées par l'agacement.

Je pose ma tasse sur la table entre nous, tire mon fauteuil face au sien, mes coudes s'appuient sur le bord de mes genoux. J'arque un sourcil, je décèle, malgré son agacement, sa sournoiserie. Je le côtoie depuis assez de temps pour savoir quand il ne me dit pas tout.

Pourquoi ne mens-tu pas?

Il hausse un sourcil, ses iris verts se plantent un peu plus dans le gris des miens. Il lit avec attention chaque expression sur mon visage avant de répliquer froidement :

Sous Le Masque Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant