CHAPITRE 47

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Elaïa

Musique : Lonely Hearts - Lynn/Drown at the World - Baby Jane

12 h 45, Loft de Simon, Monaco

Le précipice au fond duquel des flammes infernales s'embrasent et attendent nos deux corps avec une impatience indescriptible. Je nous y pousse. Encore. Cependant, cette fois, il n'y est pas forcé, non, il saute avec moi, peu importe les risques et les conséquences. Néanmoins, je doute que ses conséquences soient aussi désastreuses que les miennes. Mes défenses et certitudes s'écroulent à mesure que Simon s'immisce dans ma vie. Le danger qu'il représente ne fait que grandir. Pourtant, comme une foutue addiction, il injecte de nouveau, après cinq jours de sevrage forcé, son poison dans mes veines et je m'en délecte avec un plaisir beaucoup trop intense pour être sans risque.

Tandis que mon corps s'avance lentement vers le sien, son cœur s'arrache de sa cage thoracique, ses yeux hurlent de ne pas aller plus loin, pourtant, son corps attend le mien.

Ses yeux.

Rien dans son regard ne représente mon passé et les dégâts que ce regard a engendrés dans ma vie. Pourquoi ? Pourquoi est-il identique et pourtant si différent ? Ma réflexion n'a pas le temps de fleurir pleinement dans mon esprit quand sa voix tremble, menace et hurle. Mes genoux contre les siens, il m'ordonne de ne pas aller plus loin. Pire encore, il fuit, dépassé par la situation. Ses pas le dirigent instantanément vers l'évier. Sans plus tarder, le liquide se vide entre ses doigts, le jet d'eau fait disparaître les traces invisibles d'un démon trop grand pour que j'en saisisse tous les contours. Il frictionne encore et encore, ses muscles se contractant à chaque nouveau mouvement. Puis, je fais un choix. Un mauvais. Comme tous ceux que je réalise depuis que Simon Davis a décidé de me pourrir la vie et l'esprit.

Trop absorbé par son besoin de nettoyer un contact qui n'a pas eu lieu, il ne prête aucune attention à mes déplacements. Je ravale mes geignements et m'avance jusqu'à lui. Profitant de ses paupières closes, j'enferme ses mains dans les miennes et les garde sous l'eau. Ses yeux s'écarquillent, me foudroient. Il se débat mais je refuse d'abdiquer. Ce foutu précipice est trop près de nous pour qu'on rebrousse chemin encore une fois.

—    Elaïa, m'avertit-il d'une voix rauque mais sans assurance.

—    Si tu as besoin de les laver, alors, je suppose que c'est pareil pour moi.

J'ignore son regard et ses sourcils froncés, libère une de mes mains et attrape le savon. Je retourne une de ses paumes et y verse une noisette de liquide. Je réalise le même processus avec la mienne. J'entremêle nos doigts, le feu se décidant d'attaquer mes joues, ma poitrine et peut-être même un morceau de mon estomac. Je tais chaque émotion et me concentre sur ma tâche. Si je craignais de rejoindre le premier mur, la tête la première, il n'en est rien. Simon, figé, me laisse savonner nos mains.

—    Nous n'avons plus les mains sales, ni toi ni moi, murmuré-je. Sans nous séparer, nous allons les sécher et tu me montreras où tu planques tes crèmes.

Comme un enfant à qui on apprend la vie, il s'exécute. Après un séchage relativement express, il me dirige vers son tiroir, qui, comme dans le garage, regorge de tubes en tout genre. J'entame le même processus que pour le nettoyage. Une noisette de crème dans sa paume, puis dans la mienne et nous hydratons, ensemble.

Un vertige me prend, mes paupières papillonnent, toutefois trop têtue pour m'arrêter maintenant, je nous dirige vers l'une des chaises hautes sans jamais rompre notre contact.

—    Voilà ce qu'on va faire, annoncé-je tandis qu'il résiste toujours entre mes mains. Je vais compter jusqu'à dix, toi, tu te concentres sur ma voix. À partir de dix, tu pourras retirer tes mains. Pas avant.

Sous Le Masque Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant