CHAPITRE 48

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Elaïa

Musique :
I'll Never Learn - Saint Chaos / Allez Allez - Jesse Abbey

10 h 30, deux jours plus tard, appartement d'Elaïa, Nice,

Je rejette pour la énième fois l'appel et recouvre ma tête. Je refuse les cinq appels suivants avant de céder au sixième.

—    Ne pas répondre est une manière de me faire prendre le premier avion?

Je reste muette, Arthur soupire.

—    Tout le monde essaye de te joindre, Laurent a même décidé de s'octroyer un petit voyage à Nice.

Je grogne.

—    Je l'en ai dissuadé mais tu vas devoir l'appeler.

Le silence reprend son droit sur la conversation. Je dégage la couette du dessus de ma tête et me déplie. Je grimace quand mes jambes s'étendent. J'ai dû rester plus longtemps que je ne le pensais dans cette position. Le tissu tombant sur mes chevilles à mesure que je m'étire, mes yeux fixent mes plaies qui, pour certaines, commencent à s'effacer.

—    Carla est morte, murmuré-je.

—    Je sais.

—    J'ai eu un accident de moto.

—    Je sais.

—    J'ai évité Roxie et Cam.

—    Ça aussi, je le sais.

J'expire, mes paupières se fermant d'épuisement.

—    Et tu sèches les cours.

—    Arthur... je...

—    Oui, je sais, articule-t-il, un sourire dans la voix.

Je soupire, me tourne sur le flanc, reprends ma position initiale, recroquevillée, les genoux sous le menton.

—    Dois-je venir, Ela?

Aucun mot ne traverse la barrière de mes lèvres. Si Arthur repart, Laurent va commencer à s'inquiéter, à s'inquiéter vraiment et si je sais plus ou moins bien gérer Arthur, Laurent est une autre histoire. J'ai érigé de grands murs entre lui et moi. Il m'a aidée, certes, il m'a sortie de la maison et m'a permis de trouver une source d'oublis et d'apaisement grâce à la mécanique. Toutefois, quand sa femme me malmenait, il n'agissait pas, ses yeux restaient fermés. Il a énormément fait pour moi et il ressemble à un père que je n'ai jamais eu, malheureusement, son silence à toujours alimenter ma rancune. Il ne peut pas venir ici, Laurent deviendrait fou devant mes choix.

—    Non, pas besoin, je vais bien, finis-je par murmurer.

—    Justement, Ela, tu vas toujours bien, c'est le problème.

Parce que je ne peux pas être vulnérable, jamais. Parce que je ne peux pas faiblir, pas quand dans chaque ombre, chaque regard, chaque coin de rue, ses yeux me tourmentent. Je vais bien parce qu'il le faut et que me plaindre au quotidien ne m'aiderait pas non plus. Ai-je des jours plus compliqués que d'autres ? Oui, mais je ne me plaindrais pas, je ne me laisserais pas couler. Même si, actuellement, je donne une impression inverse.

—    Comment as-tu su pour l'accident de moto? éludé-je.

Son silence me fait plisser des yeux. Je me redresse, quitte pour la première fois en deux jours mon lit et enfile un jogging avant de rejoindre la salle de bains. Je place le haut-parleur malgré son silence et me brosse les dents. Les minutes s'égrainent mais il ne dit toujours rien. Puis, un éclair de lucidité passe dans mon esprit.

Sous Le Masque Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant