CHAPITRE 39

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Victor

7 h 45, Loft de Simon

Je fais disparaître dans un sac les draps ensanglantés avant de quitter la chambre avec le plus de discrétion possible. Je griffonne sur un papier mon planning de la journée ainsi que le sien et le plaque sur le comptoir de la cuisine. Mes pas décidés me dirigent vers la porte d'entrée quand je soupire et baisse la tête. Je me tourne et lui accorde un regard en coin. Figé dans le couloir, ses émeraudes me transpercent tandis que mon regard empli de culpabilité glisse sur la totalité de son corps recouvert d'un simple boxer.

Mes lèvres s'entrouvrent quand le bruit de son briquet résonne en échos au centre de ma poitrine. Mes yeux s'embuent tandis qu'un poids indéfinissable comprime mes poumons.

«C'est ainsi que les démons gagnent.»

Je délaisse le sac devant la porte et réduis la distance entre nous. Ses pupilles s'assombrissent, silencieusement mais avec son autorité vicieuse me défendent de faire un pas de plus dans sa direction.

Je le supplie sans un mot, malheureusement, il rompt le contact visuel et retourne s'enfermer dans sa chambre. Le son du verrou qui tourne à l'effet d'une balle qui perfore un cœur. Je grimace, mes paupières se ferment, mes cils capturent quelques perles humides sans qu'elles se décident à couler. Je longe le couloir et me plante devant cette porte fermée. Nous vivons tous dans une cage, seulement j'ai horreur quand il me pousse hors de la sienne. Ma paume s'étale contre le bois peint en noir, ma gorge s'assèche. Enseveli par le désespoir, je prie un Dieu auquel je ne crois pas de me laisser reprendre place aux côtés de mon meilleur ami. Malheureusement, on ne peut pas attendre d'une prière qu'elle soit entendue quand on prie par besoin et non par croyance.

********

J'enfonce les preuves de sa déchéance de la nuit dans mon lave-linge, je claque la porte et démarre le lavage. Mes genoux cèdent à la pression, mon dos percute le mur de la buanderie. Mes mains fourragent mes cheveux tandis que je m'autorise une seconde de faiblesse, la rage brûle mes poumons pendant qu'un juron hurlé vibre contre mes cordes vocales.

«Tu ne peux pas me sauver, Victor. Il aurait fallu me tuer dans l'œuf pour ça.»

—    Si, sangloté-je, la voix teintée de douleur, si, je te sauverais. Je n'abandonnerais jamais.

Mes mains retombent contre mes genoux relevés que je glisse lentement au sol. Les doigts tremblants, j'observe les quelques légères égratignures qui décorent plusieurs de mes phalanges. Je serre les dents et presse mon index de mon pouce pour nettoyer le sang séché. Je frictionne à m'en arracher la peau, le souffle court, je me redresse et me précipite à l'évier. Je savonne à l'excès chaque trace de la nuit avant qu'un rire nerveux cogne contre ma langue. Je ris de manière exagérée et plante mes ongles dans le métal. Puis, le silence m'entoure violemment.

«Elles sont propres.

Elles ne le sont jamais assez.»

L'enfer peut prendre tant de visages différents. Le mien porte les traits de mon meilleur ami mais se révèle sous un autre masque quand les démons prennent possession de son âme meurtrie. Je dois réussir à faire fonctionner ce plan ou il sombrera et je le suivrais de près.

Le tintement de la sonnette m'arrache de ma rumination, je bombe le torse, sèche mes mains et remonte à l'étage. J'ouvre sur la tornade aux cheveux gris dont le regard m'évite, bouffé par la culpabilité. Je l'invite à rejoindre le salon. Pourvue d'une timidité que je ne lui connaissais pas, elle s'enfonce dans le cuir et se rapetisse dans l'espoir de ne pas subir les foudres qui l'attendent.

Sous Le Masque Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant