CHAPITRE XXXVIII

701 54 2
                                    

L'air se charge d'électricité dès lors que la porte des toilettes se referme derrière nous. La pièce est si petite qu'elle ne nous laisse aucune échappatoire possible. Ainsi, je m'adosse au lavabo et lui, contre le mur d'en face, instaurant un maximum de distance entre nous.

Nos téléphones nous ont été confisqués avant d'entrer. Cette manœuvre nous empêche de trouver une distraction pour échapper à la longueur de ces sept minutes. Nous saurons que nous sommes arrivés à la fin de ces dernières lorsqu'un autre joueur viendra toquer à la porte.

C'est en fixant mes pieds pour éviter de croiser son regard que je me rends compte que j'aurais dû abandonner le jeu plus tôt. Jouer un dernier tour était à l'évidence une perche tendue au Karma pour qu'il se joue de moi. Une perche qu'il s'est empressé de prendre.

Les secondes passent sans qu'aucun de nous n'ouvre la bouche. Je suis si tendue que les muscles de mon dos en deviennent douloureux. Et l'air qui nous entoure paraît se raréfier tant j'ai du mal à respirer de manière régulière.

— Tu ne crois pas que c'est le moment de discuter tous les deux ? Finit-il par dire.

Surprise qu'il soit le premier à rompre le silence, un instant passe avant que ma bouche conçoive à parler.

— De quoi veux-tu parler au juste ?

Neil hausse les épaules.

— Du fait qu'on s'évite depuis plus de deux mois, par exemple.

Le pronom personnel "on" n'est pas très adapté pour parler de cette situation. Ce climat pour le moins glacial, il est le premier à l'avoir instauré. C'est en grande partie à cause de lui que nous ne nous parlons plus. Je n'ai fait que m'accommoder à son silence.

— Pourtant, tu ne semblais pas vouloir changer ça. Enoncé-je d'un ton qui ne laisse planer aucun doute sur l'agacement qui m'habite.

— Comment ça ?

Ses sourcils qui se froncent me font comprendre qu'il ne voit vraiment pas de quoi je parle. Face à sa perplexité, je pousse un long soupir.

— La dernière fois qu'on s'est parlé, tu m'as chassé comme une vulgaire mouche. Parler avec un mur aurait été bien plus productif.

— Mais pas du tout ! S'insurge-t-il.

— Tu as raison. Je me trompe sûrement. Tu avais l'air si investi dans la conversation !

Neil se pince l'arrête du nez en secouant la tête comme si tout ce que je disais était parfaitement absurde. Il laisse ses deux bras retomber le long de son corps avant de glisser ses mains dans ses poches.

— Ce n'est pas que je ne voulais pas te parler. Je ne pouvais pas.

À sa manière d'insister sur ces quatre derniers mots, je ne peux m'empêcher d'arquer les sourcils d'étonnement.

Je ne comprends rien. Et ce n'est pas bien étonnant. Rien n'est vraiment simple avec Neil. Je dois toujours essayer de déchiffrer ce qu'il souhaite réellement exprimer derrière les mots qu'ils prononcent.

— Tu ne « pouvais » pas ? Que veux-tu dire par là ?

Pour la première fois depuis que nous sommes enfermés ensemble, ses yeux se lèvent vers les miens. Ils s'y perdent un moment. Ce dernier s'éternise un peu trop, me faisant comprendre qu'il ne compte pas répondre.

— Bref. Tu ne peux pas non plus m'en vouloir d'être distant alors que je t'ai surpris dans le pieu d'Andreas !

Je savais que ce sujet allait être remis sur le tapis. Et cela ne me plaît pas particulièrement. La raison étant que je n'ai pas de vraies explications à lui donner. C'est arrivé, c'est tout.

Hellion HighOù les histoires vivent. Découvrez maintenant