Chapitre 50 : La chevelure

164 9 1
                                    

     Alors que nous quittons les bras rassurants d'Abdel, une clochette retentit. Nous entendons de l'agitation. Soraya, Sofyan et Abdel n'ont pas l'air d'être étonnés, et attrapent leur veste, avant de se diriger vers le salon. Complètement perdue, je les suis. Qu'est-ce qu'il se passe ?

     Nous entrons dans la pièce de vie, où tout le monde s'est réuni autour du piano central. Tous ont une coupe de champagne pleine en main. Lorsque nous nous approchons, un serveur nous plaque à chacun une flûte. Un décompte est lancé entre les invités. Je regarde rapidement mon téléphone, il va être minuit.

     Alors que les gens crient « bonne année », le piano se fait entendre. Un air de jazz se lance. Je me place sur la pointe des pieds et aperçois les parents de Soraya. Le père de ma copine joue au piano, tandis que sa femme est placée telle une cantatrice au pied de celui-ci. Leur joie est contagieuse.

     Cindy commence à chanter le premier couplet d'une chanson que je ne connais pas. C'est en anglais. J'avoue que j'écoute peu de jazz de toute manière. Mais cela ne m'empêche pas d'apprécier le moment. Cindy est vite rejointe par son mari, qui a une voix très grave. Leurs voix s'accordent à merveille.

     Alors que la chanson se termine sur une harmonie extraordinaire, tous les invités applaudissent. Les parents de Soraya se regardent tendrement et s'embrassent. Ils semblent si amoureux alors que cela fait plus de trente ans qu'ils sont ensemble. C'est une belle source d'espoir en l'amour véritable.

     Une grande lumière éclaire la pièce. Un gâteau gigantesque, couvert de bougies arrive. Une inscription bonne année, trône fièrement sur la pâtisserie. Je me retourne vers Soraya, incrédule. Elle hausse un sourcil et me glisse à l'oreille.


– Ils aiment trop se faire remarquer...


     Je ne peux qu'acquiescer. A ce niveau-là, il faut vraiment aimer se donner en spectacle, pour organiser une aussi grande réception, être le centre de l'attention à minuit, et mettre le paquet sur chaque détail.

     Un des serveurs vient nous donner une part de gâteau. Soraya et moi enfilons nos manteaux d'un air entendu, et sortons de la maison, verre et gâteau en main. Nous suivons le chemin que nous connaissons par cœur, menant à la plage. Nous débriefons la prestation de ses parents en mangeant le succulent dessert. Puis nous profitons de la douce mélodie des vagues, tandis que nous nous enlaçons.

     L'odeur iodée, mélangée aux produits pour cheveux de Soraya, sont pour moi un délice. J'ai l'impression de revoir les images que m'inspiraient le poème de la chevelure de Baudelaire. Ce sont les cheveux de Soraya qui sont pour moi une incitation au voyage.


– Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse, dans ce noir océan où l'autre est enfermé... soufflais-je un peu pour moi-même.

– Qu'est-ce que tu as dit ? me demande l'objet de mes pensées.

– Rien, souriais-je contre sa peau. J'étais dans mes pensées.

– Tu es souvent dans tes pensées en ce moment, signale-t-elle.

– Ça t'embête ? questionnais-je en me décollant pour la regarder.

– Non, tu es belle quand tu penses trop.

– C'est le champagne qui te délie la langue ? m'amusais-je.

– Peut-être, sourit-elle en posant sa tête sur mon épaule. Je sais que tu évites certains sujets avec moi, par peur de m'ennuyer, face à mon froncement de sourcils, elle ajoute. Par rapport à la musique tout ça... C'est pas parce que j'aime pas le comportement que mes parents ont face à ce métier, que je veux que tu ne m'en parles pas.

La Reine des GlacesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant