Tous nos dérapages

40 - Plus rien n'a de saveur, plus rien n'a de couleur

Depuis plusieurs jours, je n'ai pas trouvé la force de quitter mon lit. La douleur qui me tenaille est devenue une compagne constante, et même l'idée de m'alimenter semble un effort insurmontable. Mes yeux, rougis par des jours de pleurs incessants, se posent sur les murs de ma chambre, mais je ne vois rien. Tout est flou, comme si la vie autour de moi s'était estompée, laissant place à un néant émotionnel.

Épuisée de toute énergie, je me suis résignée à l'immobilité. Mon corps réclame le repos, mais mon esprit est tourmenté. Les draps froissés témoignent du chaos qui règne dans mon refuge. J'ai épuisé mon stock de larmes, et désormais, même pleurer semble une tâche trop ardue. La tristesse s'est muée en un vide, une absence d'émotion qui me ronge de l'intérieur.

Penser à mes parents est devenu un supplice. Leur vie a été arrachée par les mains du coupable, Christian Poiret. Chaque pensée est comme un étau qui serre mon cœur déjà meurtri. Les souvenirs de moments heureux se heurtent aux images de leur tragique destin, créant un abîme de chagrin qui m'engloutit sans pitié.

Les nuits sont sans sommeil, mes paupières lourdes ne parvenant pas à s'abandonner au repos. Je me contente de fixer le plafond, espérant peut-être qu'une force invisible viendra m'arracher à cette réalité douloureuse. L'idée même de la mort devient une tentante, une porte de sortie de cette existence insupportable.

Les jours s'étirent, et le temps, autrefois un allié, se transforme en un ennemi insidieux qui dévore chaque seconde. Plus rien n'a de saveur, plus rien n'a de couleur. Le monde qui m'entoure est devenu terne, englouti par une obscurité qui m'oppresse.

La solitude m'enveloppe de ses ailes transparentes. Je me sens isolée, une solitude que je mérite amplement. Les mensonges tissés autour de mon histoire ont créé un mur infranchissable entre Pierre et moi. Si seulement je n'avais pas dissimulé la vérité, peut-être qu'il serait toujours là, à mes côtés. Je reconnais que j'ai récolté ce que j'ai semé, mais l'accepter est une épreuve douloureuse.

Le monde s'est obscurci, noirci par mes propres erreurs. Je me débats avec ce poids immense sur mes épaules, me questionnant sur la possibilité de revenir en arrière. Deux jours se sont déjà écoulés depuis que j'ai commencé à le harceler de messages d'excuses. Chaque tentative, une goutte d'eau dans un océan de regrets. Ses réponses ne brillent que par leur absence. Mon numéro est bloqué, une barrière invisible érigée entre nous.

Je ne sais plus comment m'approcher de lui. D'un côté, la tristesse face au dénouement de ces années de recherche, et de l'autre, le désespoir de réaliser que Pierre n'a peut-être été qu'un éphémère passage dans ma vie. Une réalisation qui m'étreint le cœur, m'arrachant à la fois mon dernier espoir et l'ancrage précieux que représentait sa présence.

En ce qui concerne Christian Poiret, mes pensées sont toujours empreintes d'une colère froide, d'une volonté implacable de justice. Il doit payer pour le crime qu'il a commis, cela ne fait aucun doute. Cependant, la route vers la rétribution légale me semble pavée d'embûches insurmontables.

Je ne me sens pas encore prête à entreprendre toutes les démarches pénales nécessaires. Mon état émotionnel fragile rend chaque pas dans cette direction laborieux, presque impossible. L'idée de m'engager dans un procès, avec toutes les batailles juridiques et les épreuves émotionnelles qui l'accompagnent, ne m'enchante guère. C'est un parcours semé d'obstacles et de souffrances auxquels je ne suis pas sûre de pouvoir faire face à l'heure actuelle.

Pourtant, je suis consciente que c'est une étape nécessaire. C'est une voie difficile, certes, mais cruciale pour que la justice soit rendue. Cela ne me ramènera jamais mes parents, mais peut-être cela me permettra-t-il de tourner la page. L'idée de trouver un nouveau sens à ma vie, débarrassée du fardeau du passé, me motive à envisager sérieusement cette voie, aussi éprouvante soit-elle. Il est temps de prendre une décision, même si le chemin à parcourir s'annonce long et douloureux.