Tous nos dérapages

41 - Je m'aimerai

Je sors tout juste du commissariat, encore toute tremblante suite à cette convocation éprouvante. Les échos des discussions résonnent dans ma tête, les paroles prononcées m'atteignent profondément. Christian Poiret, cet homme qui a détruit ma vie le quatre juillet deux mille six, s'est dénoncé à la police et a plaidé coupable. Les détails de cet accident sont revenus hanter mes pensées alors que je devais les relater à nouveau, déposer plainte encore une fois, remontant dans les méandres d'un passé douloureux.

J'ai fait tout ce qu'on m'a demandé pour avoir la paix. Absolument tout.

Maintenant, il ne reste plus qu'à attendre le procès, une nouvelle étape dans cette longue quête de justice. Normalement, cela ne devrait pas tarder, mais le simple fait d'avoir pu mettre des mots sur ces souvenirs et de savoir que la justice sera bientôt rendue soulage mon cœur d'un poids que je portais depuis trop longtemps. C'est comme si enfin, tout reprenait sa place, que la justice prenait le relais pour rétablir l'équilibre brisé depuis toutes ces années.

Aspirer à retrouver cet équilibre, cette délicate harmonie qui semble perpétuellement échapper à ma portée. Tel est le sentiment qui m'anime à l'instant même, même après avoir franchi cette étape au commissariat.

Les souvenirs déchirants ont été remués, mais je crains que la véritable guérison ne puisse commencer tant que je n'aurai pas été honnête avec les personnes qui me sont chères, en particulier Pierre. C'est la dernière étape nécessaire pour amorcer ma reconstruction.

Égarée dans mes pensées, je me laisse guider par le méandre des rues, indifférente à la trajectoire qu'empruntent mes pas. La marche devient un exutoire, une manière de ventiler mon esprit et de faire le point. Comme mue par un instinct inné, mes pieds m'orientent vers cette route familière qui surplombe le ravin, ce lieu imprégné de souvenirs poignants. Installée sur le muret, mes yeux se perdent dans l'horizon étendu devant moi. Cet endroit, d'une manière ineffable, établit un lien avec mes parents. Assise là, je peux presque discerner leur présence à mes côtés.

Inconsciemment, je me livre à eux verbalement, comme si le vent avait la capacité de transporter mes paroles jusqu'à leurs âmes :

- Papa, maman... Ne vous inquiétez pas pour moi, je vais m'en sortir. Bientôt, justice sera rendue, et peut-être que je trouverai le courage d'avancer dans ma vie.

Bientôt, ils pourront reposer en paix, libérés des ombres du passé qui ont longtemps occulté la clarté de leur mémoire. Je me prends à imaginer ce que peuvent bien penser mes parents, là où ils sont.

Sont-ils apaisés de constater que leur fille a ardemment lutté pour dévoiler la vérité ? Sont-ils satisfaits du chemin parcouru par la jeune femme que je suis devenue ? Ou bien sont-ils empreints de tristesse en observant la voir s'ensevelir à nouveau dans la solitude ? Je me rends compte que je suis bien loin de la petite Maxine de huit ans qu'ils ont connue. Le temps a filé, chaque traumatisme de ma vie a sculpté la femme que je suis à présent.

Je me questionne sur le sentiment qu'ils peuvent éprouver à travers cette connexion invisible qui subsiste entre nos mondes. La fierté, celle que je n'ai jamais véritablement ressentie envers moi-même, est-elle la même pour eux ? Ou peut-être est-ce une compréhension mêlée de douleur face à ce que je suis devenue dans le sillage des épreuves ? J'imagine qu'ils voient en moi une force forgée dans l'adversité, mais je ne suis pas sûre qu'ils applaudiraient mes choix et mes erreurs.

La solitude qui me hante actuellement doit être difficile à comprendre pour eux, qui ont connu une Maxine toujours entourée d'amis et d'affection. Sont-ils déçus de la voir, encore une fois, se replier sur elle-même ? Mon cœur oscille entre la recherche d'approbation et l'acceptation résignée que, malgré tout, je dois me satisfaire de la personne que je suis devenue.