Chapitre 13.2

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Pdv Ellie

Ce soir, je prends soin de moi. L'appel avec Vincent terminé, j'entre pile au même moment dans mon appartement. Je me débarrasse de mes chaussures et de ma veste, puis retire le harnais de Myrtille. Je lui remplis sa gamelle de croquettes, la seconde d'eau, comme chaque matin et soir. Je décide d'aller prendre une bonne douche bien chaude pour me relaxer de cette longue journée. J'en profite même pour faire un soin à mes cheveux. En soit, j'ai eu une journée assez tranquille. Ma journée de travail était banal, un énième projet pour une nouvelle entreprise. Ma séance l'était tout autant finalement. Je n'ai jamais le recul nécessaire après chaque entretien pour me rentre compte de mon évolution. Au moins, je le remarque sur le long terme, c'est le plus important. Je sors de ma douche, et enfile un peignoir, et place une serviette autour de mes cheveux que je laisse sur ma tête pour les essorer. Je me fais ensuite des masques et autres soins que je prenais rarement le temps de faire, voir jamais. Maintenant, ça me permet de me vider la tête. Chaque vendredi soir est réservé pour cette routine installée depuis quelques mois. Un moment rien qu'avec moi-même. Voilà l'une de mes résolutions parmi pleins d'autres depuis que je suis suivie par des professionnels. Par phase, je me rends compte du chemin que j'ai parcouru depuis que je suis à Bruxelles. Parfois je le vois, que j'ai évolué, et à d'autres moments, j'ai l'impression que rien n'a changé. Faire un pas en avant mais trois en arrière. Les rechutes font partis de la pente à remonter. Ne plus fumer. Ne plus boire d'alcool. Manger à sa faim, et donc ne plus sauter de repas. Ne plus faire attention aux regards des autres. Ne plus se laisser aller. Prendre sa vie en main finalement. Et profiter surtout. Je crois que c'est le plus important. Avant, j'étais toujours sur mes gardes. Jamais détendue. Mais ce mode de vie te bouffe à petit feu, en commençant par l'intérieur de toi. Les crises d'angoisses où tu te sens passer l'arme à gauche, les tremblements à longueur de journée, les pensées intrusives que tu ne contrôles pas, les nausées qui t'empêche de t'alimenter normalement, le stress permanent qui te pèse sur les épaules. J'ai réussi à passer au dessus de tous ces symptômes. Si j'ai réussi, alors tout le monde peut le faire. Je pense qu'un échappatoire sain permet aussi de t'aider et de tenir le cap. Pour moi, je crois que c'est le travail. Ou Vincent et Elyne. Ou la musique. Je ne passe pas une journée sans en écouter. Mais je ne passe pas, non plus, une journée sans leur parler. Et encore moins une journée sans travailler. C'est bien le seul inconvénient qu'il y a en Belgique. Mes deux meilleurs amis ne sont pas à mes côtés.

Après ce long moment de détente et de rétrospection, je sors de la salle de bain habillée d'un jogging et d'un sweat, avec des chaussettes pilou-pilou bien chaudes aux pieds. Je fais quelques caresses à Myrtille, et me prépare mon repas sur soir dans la cuisine. Je m'assois ensuite sur mon canapé avec une assiette, et lance ma série préférée, que je connais sur le bout des doigts. J'utilise surtout ma télévision pour créer un fond sonore dans mon appartement. Ça me rassure. Encore un signe d'anxiété, pour empêcher les pensées intrusives. Et pourquoi la même série ? Simplement parce qu'en connaissant les épisodes par cœur, je sais exactement à quoi m'attendre. Ce sentiment de confort m'apaise. J'en ai parlé une fois en thérapie, et j'ai eu ces explications qui m'ont fait comprendre que je ne me sentais pas en sécurité sans bruit autour de moi. Un paradoxe entre préférer être seule, mais apprécier avoir du bruit pour me réconforter.

Je mange donc devant cette série, puis décide de vérifier mon téléphone en même temps. Je regarde mes mails reçus dans la journée, mes réseaux sociaux, et y traine quelques minutes. Soudain, une notification attire mon attention. Elle provient de Sylvain. Sylvain ? Oh putain, Sylvain. Il est possible qu'en sortant d'une réunion pour le travail, je lui ai envoyé un message. Au moins, le numéro que Vincent m'avait donné il y a maintenant plusieurs mois sert enfin à quelque chose. Après tout, nous nous étions quand même bien parlé quand il était venu chercher l'Alien ici. Et puis, nous ne pouvons pas rester en mauvais terme éternellement. Pour nos amis communs, surtout. Et sûrement aussi parce que j'ai envie que tout cela change, une bonne fois pour toute. Je vais sur la conversation entre Sylvain et moi, puis perds mon sourire. Pas de réponse. Juste un vu. J'ai eu simplement la notification comme quoi il écrivait, mais il n'a jamais rien envoyé. Je quitte la conversation et attends. Je vérifie sans cesse mon téléphone, dans l'espoir de recevoir une réponse. Une minute. Cinq minutes. Dix minutes. Vingt-cinq minutes, et l'épisode se termine, un nouveau commence. Toujours rien. Aucune réponse de sa part. J'ai été si idiote et naïve de penser qu'il allait répondre. Il faut vraiment que j'arrête de me faire des films sur notre relation. Elle n'existe plus à présent, et depuis longtemps d'ailleurs. Elyne a raison. Je devrais le savoir, merde.

Je mets en veille mon téléphone et le pose à côté de moi. Je me recouvre d'un plaid, et finis mon assiette en regardant la série qui défile en face de moi. Il faut que je passe à autre chose. Peut-être que je devrais sortir ? Aller en boîte ? Dans un bar ? M'inscrire sur un site de rencontre ? J'en ai aucune foutue idée. Myrtille me rejoint en montant sur le canapé, s'allonge et finit par poser sa tête sur mon genou. Je souris tristement et caresse sa petit tête après avoir posé mon assiette et mon verre vides sur la table basse. Après une dizaine de minutes, je me lève pour débarrasser. Je fais la vaisselle, puis me réinstaller dans mon canapé avec une tasse de café ainsi que mon ordinateur. Je le pose sur mes genoux, et m'avance sur le prochain site à rendre, pour une nouvelle librairie qui a ouverte dans un village voisin. Tard dans la soirée, j'enregistre mon projet et décide de faire une pause. Je récupère mon portable et vois un message, non pas de Sylvain, mais de Vincent. Il m'invite à passer une semaine à Nîmes, pour me faire écouter son nouveau projet solo et passer du temps ensemble. Je lui réponds que ça me ferait plaisir, mais que j'hésite, que j'ai quand même beaucoup de travail, même si je peux le faire en distanciel. Je repose mon téléphone et soupire. Bordel, je suis complètement perdue. Est-ce que je dois y aller ? Même si cela veut dire que je vais revoir Sylvain ? Mais Vincent me manque. Il doit être tellement content d'avoir enfin du temps libre pour pouvoir m'inviter toute une semaine. Je ne sais absolument pas quoi faire, ni même quoi répondre à sa proposition. J'ai tellement honte du message que j'ai laissé à Sylvain, alors j'ai encore moins envie de le croiser à présent.

-À qui parler ?- | VSO [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant