Chapitre 6 - Le pacte

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Quelque chose en moi s'était brisé à ce moment-là. Le lendemain, lorsque j'étais revenue dans mon appartement, je le sentis. Ma bonne conscience avait compris qu'elle devait se taire et que je ne l'écouterais plus. Désormais, plus rien ne pouvait me retenir de me venger. Ce désir de prendre ma revanche avait pris possession de moi, je sentis ma colère devenir si puissante que c'était comme si un liquide noir coulait dans mes veines. Je me sentis plus forte, plus déterminée, presque invincible. Je me servis un tord-boyaux et je regardais par ma fenêtre en le buvant, mais je ne faisais pas vraiment attention à ce qui se passait à l'extérieur. C'était moi que je fixais, mon reflet. Mon cerveau changea, comme si le maître de mon corps avait été détrôné pour laisser place à une autre forme de commandement. Mes pensées s'embrumèrent et se répétèrent. Je pensais que j'étais faible, vulnérable et stupide, mais que maintenant, cela ne serait plus jamais le cas. Pas de sentiment, force, haine et détermination étaient désormais mes principes. 

Steve Valen était ma cible.

Je vis mon reflet me sourire, bien que je ne le fisse pas. Il leva le verre et le but, comme pour créer un pacte provisoire. Je lui répondis par le même mouvement, mais mon sourire était plus glacial que le sien. Après avoir descendu mon verre cul sec, c'était comme si nous nous étions mis d'accord, ma nouvelle conscience et moi-même. Le Dr Jekyll, dans l'histoire de Robert Louis Stevenson, devient une horrible créature du nom de M. Hyde, qui sème la terreur et la mort dans l'ignorance totale de Jekyll qui, lorsqu'il l'apprend, tombe à la renverse. Moi ce n'était pas pareil, je venais de réaliser comme tout être humain, que j'avais une créature noire enfouie en moi, mais plutôt que de la rejeter, je venais de l'accepter et de m'allier avec elle. Alors que l'alcool coulait en moi en chauffant mon corps, la véritable chaleur provenait de mon cœur. Je ne sais pas si Dieu existe, s'il y a un bien et un mal, mais je venais de couper les ponts avec quelque chose. Les deux, sûrement. Je devins à cet instant maître de moi-même, prête à défier n'importe qui, même une divinité, pour lui montrer que je me fichais de pêcher et de faire ce qu'elle ne voudrait pas que je fasse.

Pas pour lui désobéir, non. Juste pour lui montrer que désormais, j'étais libre.

Je posai mon verre dans l'évier de la cuisine et j'allai me voir dans ma salle de bain. Je me vis, et mon regard sur moi changea. Je m'étais toujours trouvée peu jolie et j'avais toujours eu de la peine à m'accepter. Mais là, je me voyais différemment. Mes cheveux bruns légèrement bouclés, mes yeux bleus, ma peau claire, mon doux regard, mes lèvres fines, je faisais attention à chaque partie de mon corps. J'avais envie de m'améliorer, voir ce que je pouvais changer sur moi pour symboliser une sorte de renaissance, que je sentais monter à l'intérieur de mon corps. Je commençai par me lisser les cheveux et je me les attachai, ensuite, j'enlevai mon maquillage, désormais il était hors de question que je me cache derrière des produits chimiques, je resterai naturelle. Quant à mes habits, je ne changeai rien. Pantalon, pull serré à col roulé, chaussures en cuir, tout en noir, cela m'allait bien. Enfin, j'avais tout de même changé quelque chose, j'avais arrêté de mettre des pantalons en cuir, désormais je mettais des pantalons simples, voire des jeans de temps en temps, question de confort, et j'avais supprimé tous les bijoux: plus de boucles d'oreilles, de collier ou autre. Simple et neutre, c'était ce que je voulais être.

C'était la nouvelle moi. Celle qui allait se venger et résoudre les problèmes de son passé. Au fait, pourquoi tout en noir? Peut-être parce que je sentais cette colère prendre possession de moi ou, parce que dernièrement, Zéxane m'avait inspiré.

Qu'importe.

Après plusieurs verres, je finis par m'endormir, pour me réveiller le lendemain et aller au travail à contrecœur. Je n'avais pas été très utile à l'entreprise ce jour-là, toutes mes pensées étaient fixées sur la manière d'abattre Steve. J'étais dans mon monde, à défaut d'être dans le vrai. Nolvine me fit un compliment sur mon relooking, mais elle avait du mal à cacher son inquiétude quant à mon attitude qui avait changé. Elle ne me fit cependant aucun commentaire. Et Dieu sait qu'elle aurait dû...

L'ombre des puissantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant