Chapitre 12 - Un lien dangereux

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Après m'avoir traitée d'inconsciente d'avoir fait autant de route d'un coup et d'être allée voir le journaliste seule, elle me dit qu'elle avait une « réponse » à une de mes interrogations. Sur le moment, j'avais mal pris son agacement, je pensais qu'elle était en colère parce qu'elle voulait participer plus activement à mon plan de vengeance. Aujourd'hui je réalise qu'elle était inquiète pour moi et... bref, revenons à cet instant.

Elle m'expliqua qu'elle avait trouvé la raison de l'ascension de Steve entre son adhésion au parti et sa notoriété soudaine dès les premières élections. Elle avait déjà vu ça. Selon elle, Steve devait être affilié à un « lobby de l'ombre », le genre d'organisation qui possédait des moyens illimités pour défendre les intérêts de leurs clients. C'était le genre de lobbys dont on ne connaissait ni leur nom ni leur origine ni qui les dirigeait. Leur influence était puissante, ils n'hésitaient pas à menacer des élus, à créer une mode pour changer l'opinion publique et surtout, à pratiquer le principe de « gagner du temps » et ils excellaient dans ce dernier domaine. Les lobbys de l'ombre ne cherchaient jamais à annuler une loi qui restreignait le produit de leurs clients, ils cherchaient simplement à « gagner du temps », à créer des moratoires, des « discussions entre État et entreprise » pour « parler du problème », et les discussions pouvaient durer quarante, cinquante ou même, cent ans. Peu importe, leur but, c'était de gagner du temps, et cela marchait. Ainsi le prix des cigarettes n'augmentait pas, celui de l'alcool non plus, les taxes environnementales ne faisaient que se multiplier pour faire tomber le lobby du pétrole qui n'avait plus autant de pouvoir. Toutes ces organisations jouaient avec le peuple comme une enfant jouait avec ses poupées, ils avaient tellement le contrôle des citoyens que les gouvernements les craignaient, car s'ils le voulaient, ils pouvaient en renverser un grâce à la pub, à des modes, à des médecins, scientifiques ou autres qui acceptaient d'être achetés.

Steve avait certainement accepté de rejoindre une de ces organisations obscures jouant sur les failles de la loi et profitant d'un financement douteux. Jamais on ne saurait laquelle, mais Nolvine était sûre et certaine que c'était la raison de son ascension soudaine. Selon elle, cela pouvait être une bonne piste pour l'abattre, car si son organisation perdait confiance en lui, il perdrait instantanément tout ce qu'il avait, sauf peut-être sa famille. Après m'avoir raconté tout ça, elle revint brièvement sur ce que je lui avais dit, et elle s'adressa à moi avec un ton dur. «

- Stélina, que tu sois déterminée dans ton choix de te venger je veux bien, mais je te rappelle qu'on est amie. Conduire deux fois dix heures de route d'affilée c'était inconscient et dangereux, aller voir ce journaliste et le menacer, c'était stupide, et lui dire ton vrai prénom, alors là franchement... tu es débile ou quoi? Espérons qu'il garde ça pour lui et qu'il n'appelle pas ce mystérieux type pour le prévenir que tu le cherches.

- Pourquoi ferait-il ça?

- Pour se dédouaner du problème... Tu changes Stélina, je m'y attendais, mais fais tout de même attention.

- À quoi?

- Fais juste attention c'est tout. Tu es libre de faire des choix obscurs, mais n'oublie pas qu'on en paie tous la facture un jour.

- Bien... Nolvine, écoute-moi très attentivement parce que je ne te le dirais qu'une seule fois. Ne t'avise plus de me faire la morale, c'est compris? Je ne t'oblige pas à m'aider, et je ne t'ai pas obligé à me suivre, si mes décisions ne te plaisent pas, alors reste en dehors de tout ça. J'irai jusqu'au bout, avec ou sans ton aide, et si cela ne te plaît pas, alors tu n'as qu'à sortir de ma vie. »

Elle était face à moi, assise à me regarder et elle était surprise que je lui réponde ceci d'un ton si froid, terne et insensible. Comme si soudainement, elle ne comptait plus pour moi. Elle me regarda comme un enfant qui se sentirait mal à l'aise face à la réprimande d'un adulte. Il était difficile de ne pas voir qu'elle était triste, surprise et qu'elle ne se sentit plus à sa place. Elle baissa la tête et finit par se lever, pour aller prendre son sac et s'en aller, sans piper un mot et sans même me jeter un dernier regard. Elle n'était pas en colère, au contraire, elle fit tout lentement et à mon avis, elle devait se retenir de pleurer. Cela ne fit qu'amplifier ma colère envers elle. Je la trouvai soudainement faible, trop sensible et mon esprit ne fit que lui trouver un nombre incalculable de défauts. Alors que la porte d'entrée se referma, je pensai même « tant mieux, dorénavant cela ira plus vite ». Je me servis un verre de whisky, pour me regarder face à ma fenêtre habituelle. Le temps était gris, et particulièrement sombre, cela rendait mon reflet plus visible que d'habitude.

Je commençais à me dire qu'on n'était jamais mieux servi que par soi- même, surtout pour ce genre de parcours. Mes pensées commencèrent à aller vers Steve, mes fantasmes me firent imaginer ce dernier à terre, entrain de me supplier sous une pluie battante que je ne le tue pas. Alors je me vis tuer sa famille sous ses yeux, et le poignarder dans le dos en un point précis pour l'handicapé à vie. Imaginer cela me rendit heureuse, le voir crier, supplier, pleurer... Mais les rêves sont pour les faibles, moi je veux que cela devienne réalité et cela le deviendra. Je me resservis un deuxième verre, et à mesure que je le bus, je vis que mon reflet s'arrêta de me suivre, pour me sourire comme à son habitude, lever son verre et le boire, comme pour dire « à notre vengeance ». Je me surpris à lui adresser la parole, pour lui dire d'arrêter son manège et de me laisser tranquille, qu'il n'était pas réel et que sans ma consommation d'alcool plus que limite, il n'existerait pas. Il garda son sourire énorme jusqu'aux oreilles et me répondit. Cela me glaça le sang, car mon reflet changea légèrement, son visage devint plus pâle, ses yeux tout blancs et ses cheveux tout noirs. Sa voix était glaciale, ce n'était pas vraiment la mienne, on aurait dit une voix de femme plus rauque, plus cassée. «

- Tu as bien fait de te débarrasser de Nolvine, elle n'était qu'un poids dans ta noble décision de panser les plaies de ton passé. Je lève mon verre à notre réussite, ensemble, nous découperons cet homme en morceaux.

- Je ne veux pas le tuer.

- Oh si tu le veux, je le sais, car je suis en toi Stélina. Tu ne fais que t'imaginer entrain de lui ôter la vie. Finis ton verre et allons voir cet homme qui a réussi à se venger. Nous devons prendre note de ce qu'il a fait pour pouvoir établir notre plan d'attaque.

- Tu es réel...?

- Je suis toi, ma chère. Tu m'as créé le jour où tu étais allongée sur ces cailloux, en sang, inconsciente et...

- OUI c'est bon, je n'aime pas parler de ce moment, après les photos de cet instant me reviennent dans la tête.

- Je sais.

- Et pourquoi t'ai-je créé?

- Pour lui arracher le cœur. Pour t'endurcir face à tous les porcs de cette société, pour résister, pour leur écraser la face et t'affirmer.

- Tu es Stélina, une personne qui a le droit d'exister et de faire ce dont tu as envie. Personne ne peut te dicter ce que tu dois faire. Je suis là pour que tu sois enfin toi-même.

- Alors... levons notre verre.

- Oui, levons notre verre. »

Nous bûmes ensemble cul sec, puis mon reflet redevint lui-même, après m'avoir fait un clin d'œil. Je voulus appeler l'homme qui avait réussi à se venger, mais c'était dimanche et... je ne sais pas, je me suis dit qu'il fallait que j'attende lundi, et que j'aille le voir sur place. J'ai laissé passer la journée, et le lendemain, je ne suis pas allée au travail pour aller directement le voir.

L'ombre des puissantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant