Chapitre 30 - Oeil pour œil, dent pour dent

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La règle « œil pour œil, dent pour dent » était présente dans la Bible , Nolvine me l'avait dit. Initialement, elle était là pour empêcher les gens de se venger, en laissant la justice appliquer une sentence proportionnelle aux crimes commis. Cette règle fut abolie par Jésus, qui l'expliqua sous un nouvel angle, car elle était mal comprise.

En cette fin de vingt-et-unième siècle, la justice ne mettait pas en prison les violeurs et les meurtriers, elle ne mettait en prison que les citoyens lambda qui avaient fait une bêtise du style « je n'arrive plus à payer mon loyer. » Ne connaissant pas très bien la Bible et n'étant pas croyante, je me suis permise de reprendre cette règle et de l'appliquer, en tant que juge, juré et bourreau. La justice ne faisait plus son devoir, alors je me suis permise de le faire à sa place.

La bataille entre Steve et moi dura une demi-heure. Pendant les dix premières minutes, aucun de nous deux n'arrivait à s'imposer. Sous les grondements du tonnerre et de la pluie glaciale, nous échangeâmes les coups les plus durs et violents que nous connaissions. Il saignait, je saignais, il avait l'arcade brisée, je l'avais aussi. On se faisait atrocement mal, et lui comme moi étions prêt à aller jusqu'à la mort! Après une dizaine de minutes, il attrapa un de mes coups de poing, et enchaîna avec un coup de pied en plein dans le ventre, m'éjectant en arrière et me faisant tomber. Il sortit un couteau et tenta de m'égorger sur place, mais j'eus juste le temps de rouler sur le côté.

Il avait raison: il était plus costaud, fort et habile que moi, mais j'étais plus endurante, rapide et souple que lui. On se complétait parfaitement, et lui comme moi étions conscient de nos faiblesses et de nos forces. Nous étions si concentrés dans cette bataille que tous nos sens étaient en éveil, même le goût (sait-on jamais). Je me relevai et je sortis mon couteau à mon tour, s'en suivit un nouvel échange de coups avec les couteaux qui s'étaient invités dans le combat, ils s'entrechoquaient, et parfois, on s'en servait pour transpercer l'autre, sans jamais y arriver complètement. Soudain, enfin, l'un de nous prit légèrement le dessus.

Malheureusement, c'était lui.

Il réussit à me donner un coup de poing en plein dans la gorge, et enchaîna en un quart de millième de seconde, en me plantant son couteau sur le haut de mon épaule droite. Ensuite, de nouveau un coup de pied dans l'estomac pour me projeter en arrière et me faire tomber. Je souffrais, mais je n'eus pas le temps de me plaindre. À peine à terre, il tenta de m'achever en venant sur moi et en prenant le couteau pour m'égorger (encore), mais alors qu'il me sautait dessus, il ne put m'immobiliser complètement et je pus lui donner un coup de shocker électrique avant qu'il ne m'égorge. Il fut projeté en arrière et resta paralysé deux bonnes minutes. Malheureusement, j'étais trop mal en point pour en profiter, je passai les deux minutes suivantes à essayer de me relever.

Je réussis, mais mon bras droit me faisait très mal et j'avais du mal à le bouger. En ce qui le concerne, la décharge électrique l'avait rendu amorphe et c'est avec peine qu'il se releva. Lui comme moi, avions compris à ce moment-là que nous entrions dans la phase finale. Le prochain coup serait décisif. Il avait encore son couteau en main, je n'avais plus le mien. « Ramasse ton arme », me dit-il, probablement pour rendre le combat équitable.

Lui comme moi voulions gagner dans les règles. Certes, nous étions ennemis, mais gagner avec honneur était important! Je pris mon couteau et me mis en position d'attaque face à lui. Après quelques secondes, nous recommençâmes à nous affronter en donnant tout ce que nous connaissions. Coups de pied, esquives, coups de poing, nous donnions tout et je réussis à lui planter mon couteau dans son estomac. Il fut grièvement blessé, mais je baissai ma garde trop vite. Le voyant se reculer en hurlant, je pensai que j'avais enfin le dessus, mais il se précipita sur moi et réussi à me couper grièvement à la jambe gauche, ce qui me força à poser un genou à terre. Nous perdîmes les deux beaucoup de sang, mais ce n'était pas fini. Nous reprîmes le combat, il était hors de question d'abandonner. Alors que nous étions les deux gravement blessés, lui perdait plus de sang que moi, et cela le rendit plus faible. Je finis par réussir à lui taillader une joue et je me reculai (pas deux fois la même erreur). Je tentai de me remettre debout, et je réussis, même si je n'étais pas droite à cause de ma jambe. Je sortis mon arme et le laissa me regarder une dernière fois.

Ensuite, je lui tirai dans la tête.

Fini.

C'était terminé, ma vengeance était accomplie. Dans le même temps, la secte était morte, j'avais joué mon propre jeu et mon devoir était accompli. Enfin, c'était terminé. La petite fille qui pleurait à l'intérieur de moi depuis ce jour obscur sur cette plage se calma enfin. Plus de cauchemars, plus rien, j'avais atteint mon but. Je commençai à rire comme une hystérique, je tombai à genoux et je ne trouvai rien de mieux, sous l'orage menaçant et face au corps de mon violeur, de rire comme une enragée.

J'étais heureuse. Et morte. Stélina était... morte.

Comprenez, j'étais toujours en vie, mais la vengeance m'avait entièrement dévorée, il ne restait plus rien de moi. Pourtant, je ne m'étais jamais autant sentie rassasiée, complète, comme une renaissance. La vengeance m'avait autant tuée que sauvée, je venais littéralement de renaître. Après quelques minutes, je finis par me calmer et je m'écroulai sur le sol. Mes forces commençaient à m'abandonner et la mort me guettait. Mon sang commençait à tapisser une grande surface sur le sol et le sommeil me guettait. Mais j'avais encore une chose à faire. Je passai un coup de fil à Züger en lui demandant de venir me chercher. Je ne sais plus trop ce que je lui dis, tant j'étais à moitié dans les vapes. Toujours est-il qu'il est venu dans les dix minutes. J'ignore s'il était sur le chemin, où s'il conduisit comme un malade dans une voiture de luxe, mais il était là tôt, et à peine voyais-je son visage et celui de trois gorilles qui ressemblaient plus à des tueurs à gages qu'autre chose, que je finis par fermer les yeux.

Mais lorsqu'ils furent fermés, je souris légèrement, mon devoir était accompli.

L'ombre des puissantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant