Quand je suis rentrée dans mon appartement, je n'étais pas très bien. La noirceur qui faisait partie de moi depuis mon choix de me venger et à laquelle je m'étais habituée me fit me sentir mal à l'aise. Prenais-je conscience que je faisais des choses qui ne me ressemblaient pas? Après avoir bu un verre de whisky cul sec, je me suis laissée emporter par une douce mélancolie qui m'avait envahie, je me suis plu à fermer les yeux, assise confortablement sur mon canapé.
Je me suis imaginée au milieu d'une forêt, sous un ciel gris et où la neige était reine. Les arbres morts et noirs étaient espacés et ne régnait dans ce monde que le silence. Ce petit monde, présent seulement dans mon imagination, était mon échappatoire. De temps en temps, après un verre d'alcool, je m'y évadais et je réfléchissais à ma propre existence. L'homme avait dit que notre perception des choses allait changer, que rien ne serait pareil. Lui-même semblait en souffrir. Est-ce que cette histoire allait me détruire? Nolvine était moins naïve que moi, elle avait toutes les raisons d'emprunter le même chemin, mais elle était restée en retrait. Cet homme vivait en dehors de la société et m'avait conseillé de faire de même, pourtant il avait atteint son but.
Je ne sais pas si c'était l'alcool, mais dans mon monde, assise sur une pierre recouverte de neige, le silence se fit plus lourd et une légère bise vint me caresser le visage. Je vis au loin mon reflet machiavélique me sourire et me persécuter en me tournant autour. Qui était-il en réalité? Un démon? Était-ce réellement moi? Tous les êtres humains avaient-ils une part d'ombre si puissante en eux? Était-ce normal que le doute commençât à m'envahir? D'un seul coup, un bref instant, je ne me reconnus plus. Qu'avais-je fait? Étais-je réellement allée en France menacer une personne contre une adresse? Avais-je vraiment accepté l'offre d'une personne inconnue de me venger de mon ennemi, après avoir écouté un discours qui m'avait si bouleversée sur ce que je croyais savoir sur mon pays que j'en avais perdu mes repères? Mon reflet s'en alla, en me narguant que j'étais désormais seule, seule dans cette forêt, seule avec moi-même, et que je le serais toujours. J'avais renoncé au bonheur à tout jamais, pour n'accepter que la haine envers moi-même. Il repartit, comme s'il avait réussi son œuvre. Je ne sais pourquoi, mais je savais que c'était la dernière fois que je le voyais. Je me suis levée et j'ai marché dans cette lugubre forêt recouverte de ce si beau duvet blanc, un or perdu que je n'avais vu qu'une seule fois lorsque j'étais petite. Désormais, l'hiver n'était que froid et désagréable, sans le plaisir de voir la neige, sans le plaisir de voir les gens s'amuser et se jeter des boules de neige. Plus de patins à glace sur le lac gelé... Pas étonnant que je m'imaginais un monde si triste et beau, le vrai était tellement... gris. Dieu que j'aurais aimé à ce moment qu'un être surnaturel ou quelque chose, vienne me rencontrer dans ma forêt imaginaire et me dire que j'empruntais la mauvaise voie, qu'il était là pour moi et pour m'aider. J'étais proche de Nolvine, elle était pour moi comme une sœur, mais parfois, je me sentais quand même seule dans l'univers.
N'étais-je qu'un pion dans une société où seule une poignée d'êtres humains gouvernait les autres par un pouvoir intouchable, comme l'homme des bois nous l'avait expliqué? Ma vie n'était donc que mensonge?
Si c'était le cas, alors j'allais sur un chemin qui allait m'apprendre la vérité et à cette idée, j'étais terrifiée, car je risquais de trouver que j'étais seule...
Toute seule, sans Dieu, sans sens à ma vie, sans maître et sans but à
atteindre. Une humaine née par hasard et qui allait mourir dans l'indifférence, ayant fait sa vie dans un monde où nous étions tous esclaves de quelques bonhommes ouvertement monstrueux, pensant que j'étais libre sans même voir que j'étais enchaînée.
J'allais voir que je serais seule...
Toute seule...
Mon téléphone sonna et me tira de mes pensées, me ramenant dans ce monde obscur où tout semble empoisonné par le mal. C'était Nolvine qui me demanda si elle pouvait passer, car elle n'allait pas très bien. J'ai naturellement accepté, et à son arrivée, nous avons échangé des sentiments bien pessimistes quant à la voie quand nous étions entrain de prendre. Dieu sait qu'à ce moment-là nous avons pensé plus d'une fois à faire machine arrière. Et IL aurait dû intervenir...
S'il existe, je lui poserai la question après ma mort, avant qu'il me jette en enfer, de savoir pourquoi il m'a laissée toute seule et m'a laissé emprunter ce chemin si macabre.
VOUS LISEZ
L'ombre des puissants
Science FictionSuisse, fin du XXIe siècle. Stélina est une jeune adolescente pleine de vie et indifférente aux problèmes de la société qui l'entoure. Elle ne se rend pas compte qu'elle vit dans un monde de plus en plus déshumanisé, absent de toute morale et en pro...