Chapitre 9 - La mort de Stélina

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J'avais beaucoup de peine à me calmer, je me sentis tout d'un coup faible, triste et vulnérable. Mon père venait de percer un trou dans mon cœur et de m'émouvoir. Tout se retourna d'un seul coup contre moi. Je commençai à penser que j'étais une mauvaise fille, qu'ils ne méritaient pas que je les haïsse à ce point et que j'avais un problème. Ma tristesse était telle que je pensai sortir de chez moi pour le rattraper et lui dire que j'étais désolée. La seule chose qui m'empêcha de le faire, c'était que je pleurais et que je ne voulais pas sortir comme ça. Je finis par aller m'asseoir sur le canapé, pour aller plonger ma tête entre mes mains et me morfondre sur moi-même.

Ma culpabilité laissa petit à petit place à la bonté et au pardon, je commençais à penser qu'il fallait que je les appelle, que je me réconcilie avec eux, et que nous ayons ce que nous n'avons pas eu depuis des années : une bonne discussion. Avant que tout cela n'arrive, j'étais très proche d'eux, et même à mon adolescence, je m'étais dit que je voudrais être à leur côté le plus longtemps possible. Nous étions une famille unie. C'était si rare dans ce pays, nous étions si bien tous ensemble. Les bons moments me revinrent à l'esprit, et c'est alors que j'ai réalisé que j'étais un peu plus proche de mon père que de ma mère. C'était un homme bien, un homme comme on en fait plus. Il était autonome, fort, honnête... à se demander comment une personne comme lui ne s'était pas encore fait broyer par cette société maudite. Il ne jugeait personne, et essayait, sans vraiment y parvenir, de trouver des qualités chez tous les gens qu'il croisait dans sa vie. Avec moi, il avait toujours été adorable, et il avait tout abandonné pour s'occuper de mon éducation. Je lui devais beaucoup, peut-être même tout. Je sentis en mon cœur une chaleur plus humaine m'envahir, celle du pardon. Alors que je m'étais calmée, je me dis qu'il fallait vraiment que je l'appelle. Je laissai mes pensées vagabonder pendant dix minutes, pendant lesquelles elles alternaient entre de bons souvenirs, de la nostalgie, et beaucoup de culpabilité.

Puis, mon cœur se referma.

J'avais fait un choix, je voulais me venger de Steve, abattre l'un des puissants, montrer qu'ils étaient vulnérables et accomplir ce que je m'étais fixé comme le but ultime de ma vie : renverser celui qui me l'avait prise. La visite de mon père commença à apparaître sous un autre jour dans ma tête. En fait, il m'avait fragilisé. Or, j'avais fait le choix de ne laisser aucun sentiment me freiner. Seules la colère et la haine pouvaient librement me guider, tous les autres étaient proscrits et mon père m'avait rendue vulnérable. C'était hors de question que je me laisse avoir aussi facilement. J'ignore pourquoi il était venu maintenant, était-ce Dieu qui me l'avait envoyé pour m'arrêter? Qu'importe ce que c'était... il avait échoué.

Non, il était hors de question que je sois faible. Trop longtemps je l'avais été, trop longtemps j'avais laissé la société me dicter qui j'étais et j'en avais bien trop souffert. Désormais, je devais tuer Steve socialement, afin de me venger, et de faire en sorte qu'il y ait un minimum de justice dans ce pays laxiste. Mon père attendra, aujourd'hui, il n'était pas l'heure d'avoir des regrets et de vivre dans le passé. Mon cœur se referma et bien que je ne puisse le voir, je le vis dans mon regard; il devint plus noir. Je me relevai plus déterminée que jamais et je me flagellais d'avoir eu un moment de faiblesse. Cette épreuve n'avait toutefois pas que du négatif, je m'étais encore plus endurcie. Soit j'appelais mon père et je faisais la paix avec mes parents, soit ma vengeance les supplantait.

J'ai choisi, ils attendront.

Une fois Steve renversé, une fois que ce violeur aura payé pour tout ses crimes, alors à ce moment-là, j'aurai du temps pour jouer la gentille fille. D'ici là, je ne vivrai que pour voir la mort de cette ordure, et toute mon énergie sera consacrée à ça. Je me pris un whisky cul sec et je me remis au travail. En faisant cela, je venais de me tuer moi-même. Stélina, l'amie de Nolvine, la fille de mes parents, était morte. À ce moment-là, je ne le savais pas, mais en choisissant ce chemin je venais d'éliminer le peu de bien qui restait en moi. Depuis cet instant précis, tout allait changer.

L'ombre des puissantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant