Chapitre 32 - Le prix du sang

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Je restai une semaine au chalet, où je ne fis que dormir, un peu de jardinage, dormir, manger, et encore dormir, afin de reprendre des forces. Je ne pensais pas à grand-chose durant cette semaine, je crois que je voulais éviter de réfléchir à ce que j'avais fait et ce que j'avais vu. J'eus un instant de faiblesse une fois, j'allumai la télévision. Je vis les informations, des télé-réalités débiles, un documentaire sur des animaux, sur la Seconde Guerre mondiale, à peu près autant de temps de publicités abrutissantes, et je finis par tomber sur un débat politique. Je regardai tout ça avec un œil nouveau. Le monde dans lequel je vivais avait perdu toute sa saveur. J'avais certes vaincu la secte, mais les puissants étaient toujours là et tiraient les ficelles un peu partout. Des ultra-riches surpuissants réunis en caste, gérant les moindres conflits mondiaux, les débats, les sujets sociaux, créant d'un côté des gens incivils et de l'autre des gens voulant faire régner « l'ordre ». J'étais entrain de me dire que je faisais maintenant partie du petit nombre d'êtres humains à connaître la vérité, j'étais une sacrée privilégiée.

Mais je n'étais pas stupide.

J'allais mourir... si les puissants me laissaient en vie, c'était seulement pour mieux espionner les moindres recoins de mon existence et s'assurer qu'ils savaient déjà tout. Un jour ou l'autre, un homme viendrait me tuer, c'était certain. Quand? Je ne sais pas... Après tout, Carl était toujours en vie, malgré son privilège similaire au mien. Mais comme il voulait mourir, il est fort probable que ce fut la raison pour laquelle ils ne l'avaient pas tué. Quand j'y pense, il y a une jolie part d'ironie : le désir de mourir l'a maintenu en vie.

Après ma semaine de repos, j'allai voir mes parents. Les puissants m'avaient redonné la voiture de Carl. C'était sympa de leur part, parce que je n'avais aucune idée de l'endroit où Zéxane l'avait abandonnée. Quand j'arrivai au domicile de mes parents, j'ai trouvé l'extérieur de la maison peu entretenu, ce qui était étonnant les connaissant. Enfin... je sonnai, mais personne ne répondit. Pourtant, c'était une belle journée, le soleil brillait dans le ciel, le climat était agréable, comme il l'est d'habitude au Tessin. La maison, de couleur jaune, resplendissait. J'appuyai sur la poignée de la porte, et je découvris qu'elle n'était pas verrouillée.

Tant mieux après tout.

J'appelai mon père, mais rien. Ma mère, rien non plus. Je les cherchai, mais personne ne répondit. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose : ils étaient dehors, sur la terrasse, c'était le seul endroit où ils ne pouvaient pas m'entendre. J'étais sûre qu'ils étaient là, parce que leur voiture était garée à l'extérieur. Je traversai mon ancienne grande maison, et je sortis sur la terrasse, donnant sur notre jardin spacieux, avec vue sur la région, et je vis mon père assis, un verre de grappa à côté de lui, et notre vieux chien - un rottweiler - qui venait à peine de remarquer qu'une inconnue était entrée dans la maison. Toutefois, il reconnut mon odeur, et n'aboya pas. En fait, il se fichait totalement que je sois là. J'allai vers mon père, et je lui dis bonjour. Il se tourna vers moi brièvement et me répondit d'un ton sobre, morose, et neutre. « Ah, Stélina! Cela fait plaisir de te voir. Assieds-toi donc. »

Inutile de vous dire que l'ambiance était bizarre...

Je m'assis près de lui, mais il ne me regarda pas, il regardait droit devant lui, comme s'il fixait quelque chose, mais il n'y avait rien. Je positionnai ma chaise de façon à le regarder, ce qui l'obligeait, à mesure qu'il parlait, de se tourner vers moi de temps en temps. Mais il ne me regarda jamais dans les yeux. Jamais. «

- Tu es venu voir ton vieux père?

- Oui... où est maman?

- Morte... »

L'ombre des puissantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant