10 - À la hauteur.

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Encore et toujours, ses mains d'enfant glissent sur l'armure -par les larmes, par un poids qui l'engouffre dans la pénombre. Éreinté - ses forces s'evaporent, ses muscles s'engourdissent.

Une charge immense pèse sur son ventre, et remonte aigrement jusqu'au coeur. Son dos se courbe, se plie, s'enfonce, colle et aimante la cuirasse qui l'empêche de bouger.

Il ne le supporte pas. Il n'arrive pas à encaisser ce qui lui arrive. Ses yeux se perdent dans le vide, perdent de leur éclat. Tandis que son front se fixe sur le métal froid...

Il ressent l'absence, comme si quelque chose en lui venait de s'endormir un moment. Ses pensées s'arrêtent, ne laissant place qu'aux sensations. Il ressent quelques sauts.

Quelques virages venir l'emporter vers l'inconnu, prisonnier d'un habit d'acier...

Il s'ébruite de petits clapotis suivi d'un léger ruissellement. S'ensuit le glougloutement qui précède les quelques gouttelettes, heurtant une surface quelconque.

Il sent son petit corps transporté, puis adossé contre une surface abrupte. Le voilà assis dans un espace humide et chaud. Des petits pas résonnent, lui indiquant que sa sauveuse - ou celle qui vient de le kidnapper, s'éloigne de lui. Il s'apprête à bouger par angoisse.

Quand soudain. La mélodie prend forme. D'une étincelle. Une torche s'allume. En face, son flamboiement crépusculaire oscille sur l'eau. S'expose, un vaste ruisseau bordant un fleuve, plus loin.

Il y voit un drakkar, posé sur de longs et gros rochers qui jonchent le côté gauche de la rivière. Au centre du bateau, une lanterne éteinte est fixé sur le mât.

L'enfant regarde à droite, la chevaleresse triture un sac en cuir, avant de le positionner sur le bateau. Elle lui fait signe de venir s'installer, mais il ne bouge pas. À vrai dire, il ne fait plus attention à rien.

Pourquoi. Pense-t-il. Pourquoi je ne peux rien faire. Je ne fais que regarder. Attendre que les adultes fassent ce qu'ils peuvent. Je ne peux que compter sur eux. Et moi, je finis toujours par être impuissant. J'en peux plus...

La chevalière marche vers lui, il relève la tête. Puis constate le plastron. Il y est dessiné, d'un trait léger, -un cœur. Cette dernière s'accroupit, et étrangement, elle ne dit mot. Vient son geste, tendre et chaleureux, - une main délicatement posée sur le buste du garçon.

Mais celui-ci ne le voit pas du même oeil. Il lui en veut. Terriblement. C'est pourquoi il se débat. Se lève. Très vite, il tente de fuir, sans réfléchir. Aussitôt son corps vole. Dans les airs. Ses jambes continuant de battre dans le vide.

La sauveuse s'est mise à le prendre par le col, comme le faisait sa maman. Il y pense, son cœur en souffre ; mais les larmes ne viennent pas. Il a tellement donné de ses forces, qu'il est devenu d'un calme, d'une paix à toute épreuve. Cet élan de sang-froid, mène sans surprise aux questionnements.

- Madame la chevalier, pourquoi m'avez-vous emmené ?

Un long silence s'installe. Seul un mot s'extirpe de son armure.

- Survivre...

Surpris, Arwan se dit qu'elle doit avoir un problème à parler, ou qu'elle n'est pas très bavarde.

- Mais alors pourquoi moi, pourquoi pas eux aussi ? ! C'est parce que je suis un enfant ?! Pourquoi ma vie compte plus que la leur !

- Chhht. Fit-elle d'un index posé sur sa bouche.

Il s'exécute. Elle se saisit du petit, l'entraîne sur son dos.
Ils s'envolent. Se posent. Puis se cachent au-dessus, bien haut, dans un renfoncement de la caverne. Des bruits de pattes, de griffes, suivent un mugissement. Un grognement. Un cri animal qu'il n'avait jamais entendu auparavant.

Arwan & JackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant