15 - L'archange

46 6 18
                                    

La dame s'agite dans le salon du chalet. Sous pression, sa hâte est transcrite par les cents pas qu'elle mène à droite, à gauche. Ses gestes bruts provoquent un boucan d'enfer. À voix basse elle marmonne :

- On prend donc cette voie, la passeuse, puis l'érudite. Faut rassembler beaucoup plus sinon ça tombe à l'eau, il ne faut pas oublier-

- Madame ! s'écrie-t-il inquiet. Qu'est-ce qui se passe sérieux ?

- Mon enfant... Il faut aller vite. Je pensais avoir plus de temps pour te l'amener, te le faire comprendre, mais j'avais encore des doutes, et je n'en ai plus maintenant. Ils vont arriver, alors je te prie de m'écouter. Tu vas te cacher, juste le temps qu'ils s'en aillent. Ces gens-là ne te veulent pas du bien. Ils veulent utiliser ce que tu détiens, ils seraient prêts à tout. Je te promets qu'après tout ça, nous prendrons le temps d'en parler. Je sais que je t'en demande beaucoup, mais s'il te plaît, laisse-moi le temps de régler ça. Tu peux faire ça ?

Il se pince les lèvres, frustré, lassé de devoir toujours obéir sans savoir, sans comprendre, sans être capable, lui aussi, de protéger autrui....

Sous un fauteuil réside un tapis, sous le tapis une trappe : elle le cache ici. À peine a-t-elle le temps de camoufler son passage que l'on frappe à la porte. Ça s'ouvre.

Des pas lourds se dressent contre le plancher. On entend un bois le percuter, puis une voix sombre vibrer d'un rauque abyssal.

- Quel plaisir de vous voir Madame Moon, où devrais-je vous appeler votre ex majesté ?

- Cessez vos enfantillages et parlez.

- Toujours si autoritaire, le trône ne vous a jamais quitté là-dessus... Vous savez pertinemment pourquoi je suis venu. D'ailleurs, c'est même la raison pour laquelle vous êtes encore en liberté. Pour vos talents qu'aucune machine ne peut, du moins pas encore, nous apporter.

- Allez droit au but.

- Kalon est sortie du temple. Cela veut dire que l'archange n'est pas loin. À tout hasard, vous ne l'auriez pas aperçu ?

- Quoi ?! Kalon est sortie de stase ?

- Ne jouez pas les sottes. Votre fille était le temple peu après cette découverte. Ne me dites pas qu'elle y a été sans votre permission. Vous le savez sûrement depuis longtemps, vous qui êtes chargée de l'entretien. Et puis, ne croyez-vous pas que c'est un scénario plus que probable que vous, dans un énième élan de rébellion, puissiez commettre une trahison ?

- Qu'êtes-vous en train d'insinuer ? Que je cache l'existence de l'archange ? Alors que je suis menacé par l'ordre, mon mari et mes propres sujets ?

- VOUS. reprend-t-il d'un ton sévère. Vous êtes une sujette, c'est vous qui me devez obéissance désormais. Les tables ont tourné... Fouillez les lieux !

D'un signe, tous les hommes encapuchonnés se mirent à la recherche d'indices. Ils bousculent, cassent, s'esclaffe de cela avec plaisir. Les moindres objets qui passent sous leur nez y passent.

Arwan ne peut qu'imaginer le sinistre personnage qui en a donné l'ordre, car il n'y a pas une once de lumière là-dessous. La poussière envahit et brûle ses poumons qu'il retient de tousser. Il est au bord de céder.

La dame se retient de parler, et surtout de s'énerver. Elle se pince pour se détendre face à la rage qui l'habite, et fait preuve d'une concentration hors norme pour y arriver. Avec indifférence, vide du regard, elle croise l'un des yeux du vieil homme qui lui fait face.

Ce donneur de leçon s'appuie sur sa canne en bois, dévoile un sourire machiavélique, puis remet son cache-oeil sur sa cicatrice qu'il tâte légèrement. La nostalgie le prend d'un coup :

Arwan & JackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant