17 - Premier palier

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Le pirate n'arrête pas d'essayer de formuler des mots. Il fait l'effort d'articuler, de pousser sa voix mais les réacteurs coupent court à ses ambitions. Arwan lève la tête et hausse le ton. Rien n'y fait : on comprend rien.

Il avait espéré une mise en scène spectaculaire. C'est quand même un amoureux de la folie des grandeurs. Allons tout de même, il respire le théâtre ! C'est avec ardeur qu'il a toujours cherché à en faire plus que ce que la réalité lui offrait. Ce n'est pas pour se retrouver sur un navire pour malentendants !

Des retrouvailles de sourds sont perpétuées par la cacophonie ambiante. Jack s'énerve. Fou de rage, il tape du pied en direction d'un membre de l'équipage. Il réagit aussitôt, dévale et glisse sur le pont vers une manivelle située sur le mât. Il tourne autour pour la pousser, comme s'il voulait jeter l'ancre, et voilà ! Eureka ! Le bruit diminue : mais ils tombent.

Le bateau s'écrase dans le vide tandis qu'un membre nain réussi à actionner un bouton sur le gouvernail. Des ailes d'azur se dressent sur les côtés du navire, comme des voiles à l'horizontale, et le bateau se redresse pour planer au cœur des nuages.

Parfait. Il est soulagé, rien de mieux que le danger pour soigner son entrée, pense l'artiste-marin. Ça s'est déroulé si vite qu'on a manqué son exploit : il a réussi à tisser plus vite que la chute afin qu'ils restent debout, fermement accrochés par les pieds.

Arwan, si fermement accroché aux interrogations qui débordent en lui, passe à côté d'une réaction à la catastrophe. Il lui assène tout de suite une rafale de questions.

- Monsieur Jack ! Comment êtes vous là ? Qu'est ce qui s'est passé ? Pourquoi ?!

Un tsunami qu'il attendait. C'est sa vague. Celle qu'il a dors et déjà préparé, répété pour que l'occasion soit extraordinaire. C'est comme s'il se retrouve à présent sur une scène devant des milliers de personnes. Il imagine que la pénombre enveloppe la pièce, que les rideaux se lèvent tandis que les yeux sont rivés sur lui. Il se voit, mis en avant par un faisceau de lumière, prêt à l'annonce d'une longue tirade.

Il prend la pose. Sa posture se tient fière et élégante. D'un genoux légèrement relevé, une main sur son chapeau de pirate, plaqué pour qu'on ne distingue pas son regard. Ainsi se tient-il mystérieux. C'est là qu'il se laisse porter par les mots, qu'il s'imagine accompagné par le drame d'une mélodie transporté par un violon :

- Ô Arwan, loin de moi l'idée de te marquer par l'encre de mes mots, des horreurs que j'ai vécu pour en arriver là. Je te dirai qu'une chose, c'est que j'ai trouvé un phare, un guide qui m'a mené jusqu'ici.

Arwan plisse les yeux et coupe court à sa fantaisie.

- Oulah, vous vous y croyez trop là.

Cassé, brisé, percuté par les palabres si brutalement présentées, et pourtant criant de vérité, le beau-parleur tousse pour reprendre.

- Soit. Petit, il est temps que tu saches la vérité sur notre présence ici. Suis-moi.

Le jeune artiste ne perd pas son sourire, trop euphorique pour être sérieux. Jack a tellement l'air d'un clown avec son comportement et son visage souvent empreint de multiples grimaces, qu'il se retient de pouffer à chaque instant.

Le porteur d'hilarité l'emmène vers l'une des portes de la cale, qui s'ouvre sur une grande salle éclairée par des lanternes aux lueurs violacées. Différentes figures inconnues s'engouffrent, les uns après les autres. Au centre de la pièce, une grande table en bois forme un grand triangle. Ils s'y installent tous, confortables dans leur siège en cuir.

Arwan & JackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant