37 - Démon partie IV

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Peut-on rester fermement accroché à la bonté, à la paix, à l'amour quand le monde nous oppresse de sa noirceur ? 

Traîné, tiré, griffé par l'asphalte sur les roches coupantes pour finir percuté par le buste d'un géant qui coince ses bras par les siens : le jeune homme a trop mal pour hurler, il est dans un état second. Pourtant, ses membres sont bel et bien éraflés, tout du long. Il se concentre sur sa douleur pour l'atténuer ; sa vision rétrécit. 

Son cœur bombarde de souffrance et de peur comme ses paumons qui brûlent. Ses veines soudainement stimulées par la colère le pousserait à exploser. Mais il résiste. Non, il ne souhaite pas se défendre. En lui, le tonnerre gronde, la lave boue, sur le point de jaillir pour se libérer de cette cage d'oppression mais, il ravale, enferme, comprime cette force pour accepter son sort. Il ne souhaite pas devenir comme eux, à la place, sa nervosité  l'envoie ricaner discrètement devant ses ennemis. 

Une silhouette longiligne porte le pas vers lui, dévoilant sa peau, ses petites cornes, son regard qui brille, luit de ce même coloris sanguin à sclère noire, si fidèle aux démons. Sa voix ne suit pas un timbre précis, elle démarre d'un grave et se transforme au cours des mots, comme si l'on y ajoutait parfois des effets inhumains, comme un écho, ou un murmure, une voix horrifique par-dessus. Cette fois, elle est masculine :

- Regardez comme il nous prend de haut. Son espèce se croit supérieur alors qu'ils sont nés de l'ennemi. Dégoûtant, ils doivent comprendre ce que ça fait d'être en enfer. Tenez le. 

Le jeune homme l'imprime dans sa mémoire. Le souvenir parlera de ses yeux, grands et profonds, du flottement de sa longue chevelure qui bouge à la manière d'un être vivant, mais aussi de ses rides frontales, signe des nerfs qui impose la colère.

Le jeune monstre laisse sa paume ouverte flamboyer d'une lueur violacée, des lignes blanches vienne tracer des motifs sur sa main, puis il tend son bras vers le visage du néphilim qui laisse glisser quelques mots, tremblants : 

- Vous.. Vous ne devriez guère-

- C'est trop tard pour regretter.

Le pouvoir prend forme, sa force est effrayante et fait pression sur la peau du garçon, prêt à s'abattre contre son corps, si bien qu'il ferme les yeux. Puis il la sent, bien avant eux :  cet être qui s'avance.

 Ses pas résonnent, chaque claquement de talon est le supplice de voir arriver un monstre. Tout est comme figé, le temps en premier, l'oxygène ne semble plus traverser le vent qui s'abstient de faire ne serait-ce qu'un son.  Il n'y a que cette marche, lente et régulière, ce tintement contre la roche qui sonnent à leurs oreilles. Certains s'évanouissent, tombent raide sur la pierre par l'épouvante. Une aura monstrueuse est en chemin, un cauchemar sur le point de se montrer. Personne n'est capable de bouger comme s'il s'agissait d'un effort surhumain. Un poids, une angoisse pèse sur leur respiration, gonfler son ventre devient impossible, humer l'air inconcevable. Elle arrive, elle est proche.

- J'aurai dû vous préparer un tissus pour pleurer. murmure le jeunot, d'un sourire crispé. 

Une traînée noire et blanche marque les esprits, comme une fumée prête à les engloutir. On y voit des yeux démoniaques, grands ouverts dans cette brume d'énergie, qui se glisse,  lentement sur leur flanc... Certains sentent la dureté d'ongles long sur leurs épaules, des doigts long et fin, pourtant si fort, faisant vibrer leur corps au moindre toucher. Ils tapotent au départ pour griffer ensuite. L'un d'eux tombe à terre : celui qui retenait l'innocent contre son gré. Le jeune homme tombe sur les genoux et grimace, commence à rire plus amplement, un rire qu'il exagérait, aussi horrifiant que le murmure qu'elle prononce au chef de la bande.  Une voix féminine mais caverneuse ébranle ses tympans :

- Cours.

Il hurle, cavale, se cogne contre tous les murs, pour ramper au sol avant de se relever puis trébuche à la sortie où il rouvre sa bouche pour appeler à l'aide. Le garçon blessé rie et sanglote en même temps, heureux mais encore sous le choc. Il ne pouvait être qu'apeuré par les conséquences qu'il aurait subit sans elle. 

Une dame qui se dessine à vue d'œil. Le brouillard se dissipe sur une jeunesse charismatique. Elle se tient droite et replace son chapeau doué d'un motif florale par son tissu organza. Sa longue robe estivale diaphane contraste avec l'obscurité de son couvre-chef de cérémonie. Le clair de ses yeux noisettes transcrit sa malice, tellement qu'elle les plisse. Elle arque un sourcil, les fronce, porte ses mains sur ses hanches en faisant la moue.

- Jack. Voyons. Vous esclaffez de la sorte dégrade ma crédibilité. Ai-je la mine d'un troubadour pour mériter cela ! ? Que je ne vous y reprenne plus !

- Assurément, j'y penserai d'avantage la prochaine fois.

- Bien je- elle marque un temps d'arrêt, une veine frontale gonflée à vue d'oeil. Vous avez donc choisi la souffrance.

- LOIN DE MOI CETTE IDÉE-

Elle saute sur lui pour lui tirer les joues quand des tambours résonnent au loin.

- C'est l'heure, n'est-ce pas Madame De Sparot ?

- Oui Jacky, c'est ça. 

- MADAME ! 

- Allons, allons ! ronchonne-t-elle avant de pousser le dos du marin. Rappelez-vous, c'est le seul moyen d'y arriver. Vous entrez, vous vainquez, vous trouvez ce qu'il nous faut, vous revenez et pouf ! Je vous envoie loin de ces brutes épaisses. Simple, n'est-ce pas ?

- Pourquoi.. Pourquoi ne le faites-vous pas, vous êtes d'autant plus forte je ne le suis ! 

Elle soupire, lui sourit avant de reprendre :

- Je vous ai mentoré au service de ces monstres, pour que vous puissiez encore disposer d'un cœur pour aimer, et non pour haïr. C'est ici qu'est ma place, pour que des garçons comme toi puisse vivre, qu'ils puissent au moins finir comme moi...

- Mais vous pourriez-

- C'est frustrant mais, je ne peux pas les atteindre, mon cher ami. Je ne peux pas concourir, la pyramide n'est accessible que pour les champions, souvenez-vous. Et puis, l'on se méfie moins d'un enfant, que d'un soldat...


Prochain chapitre : L'héritier.


Arwan & JackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant