Arwan & Jack

16 - Le phénix et l'araignée

Les visages sont fermés et le silence se pèse en angoisses. Le moindre regard retient une impulsion, tandis que le moindre mouvement relève du frisson. Le petit connaît ça, il se souvient du regard que lui portait le prédateur dans la grotte.

Là où les positions sont figées et les ennemis prêts à bondir. L'expérience lui rappelle des souvenirs, et lui donne le courage d'espérer s'en sortir. En revanche, la tâche n'en devient pas moins difficile.

Surtout lorsqu'il ne s'agit pas d'un monstre, mais d'un Homme. N'est-ce-pas plus effrayant, d'avoir comme ennemi un autre que soi, avec qui l'on partage les gènes de son espèce ? Un animal se contente de l'instinct, mais l'homme dispose d'une intelligence bien différente, plus imprévisible et bien plus mesquine...

Cependant, Arwan a appris à réagir en conséquence : la peur ne le fige plus. Il se place devant la dame et lance vaillamment :

- Si vous la laissez tranquille, je suis prêt à vous sui-

Dame Moon le coupe.

- Oh non, certainement pas.

Une masse d'air se met à tournoyer autour d'elle. Un nuage blanc aux reflets d'or prend forme au-dessus de sa tête. Une auréole couleur safran dont le centre se cristallise. En sort une brume épaisse qui se dissipe. Un corps entier en cristal, translucide, brillant, de forme féminine surgit de l'anneau.

Sa silhouette sans peau ni chair dévoile une splendide sculpture, des tracés détaillés qui portent des yeux d'or luminescents. Une enveloppe robuste qui ne perd guère son côté longiligne et majestueux, se dresse au côté de sa majesté sans un mot.

Partout le sol se cristallise. Des milliers de cristaux se mettent à assaillir l'ennemi. Ils déchaînent leurs branches et pics vertigineux. Le vieil homme n'a pas le temps de respirer. Il se baisse, se penche et forme le grand écart sans soupirer. Une forme à la souplesse dantesque pour quelqu'un qui tient une canne.

Le petit le sait maintenant, ce n'est pas un simple bout de bois : c'est un sceptre. Un geste, un bras lancé lui suffit pour briser les offensives. Le bâton s'est mit à prendre une couleur rubis. Sa texture y ressemble aussi.

Le faciès de celle qui a donné la vie, regarde son fils avec dégoût face à ce pouvoir qui s'oppose à elle. Des vagues rougeoyantes s'engouffrent comme un poison au coeur des diamants. Plus de transparence, plus d'éclat, simplement une sombre couleur sanguine qui s'empare de la lumière...

La dame aux cristaux prend un timbre entre tristesse et colère, qui inspire la nausée :

- Tu n'as donc rien gardé de moi. Tout ce que tu connais c'est la fausse idée du pouvoir. Factice. Puérile. Sans valeurs ni morales. Tu en as même gardé le symbole : le rubis. Toi qui ne sais qu'exercer une supériorité sur les autres, je te plains.

- Je n'ai pas de leçon à recevoir d'une traître. Finissons-en.

Ses pierres s'amassent pour former un dôme autour d'eux. Puis des murs. Un véritable labyrinthe s'ensuit. Il n'y a plus qu'une vive et sombre lumière écarlate, comme un miroir peint et fracturé. La torpeur gagne les cœurs et les corps qui tressaillent.

Le petit et la reine s'accrochent. Leur main s'entrecroisent et s'agrippent fermement. D'une diagonale, elle balance son bras la paume ouverte. D'un instant à l'autre, on passe du sang au ciel : comme purifié.

De véritables miroirs scintillent et se déploient d'une magie apaisante. Jusqu'à leur éclat. Survient une explosion en poussière de verre, brillant, que l'on contemple comme un spectacle à coupée le souffle.

Ça continue. Les cristaux sont maniés de formes qu'ils lancent et modèlent d'une vitesse hallucinante. Ça vole, percute et disparaît pour revenir à la charge d'une nouvelle manière. D'un angle mort jusqu'au front. Les attaques deviennent plus intelligentes, plus rapides, plus tranchante.