18 - Oblivion

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Le ciel se dégage, l'horizon se découvre. À perte de vue, l'océan emporte le regard par sa puissance, son inconnu, son immensité. Grandiose et bruyante, dangereuse et captivante, elle est dévastatrice. Elle offre un spectacle dansant, infesté par des centaines de typhons venus de nuages de mêmes compositions. De véritables tornades s'abattent sur ses flots. Les points touchés deviennent de grands maelstrom alors qu'il en vient de nouveaux. Ça part de partout.

De l'eau lévite. De grosses orbes se détachent et continuent de flotter, de prendre en altitude et de s'accumuler jusqu'à former de gigantesques masses nuageuses.

Elles grandissent, s'alourdissent et s'assombrissent avant de lâcher d'énormes tornades hydrauliques. La mer, fendue par leurs tournoiements infernaux, voit ses déferlantes s'accentuer. Ces cataclysmes se multiplient, de plus en plus. Certains se courbent, voltigent, tandis que d'autres se projettent d'un éclair vers le ciel.

On les voit fusionner pour en former de plus gros. Impossible de prévoir leurs mouvements. Ils défient le moindre repère, les moindres lois de l'univers. Ils partent à gauche, à droite, forment des diagonales, et passent d' horizontal à vertical en un rien de temps.

C'est comme si elles avaient leur propre volonté. Une bourrasque tournoyante débarque vers le bateau qui pivote d'un coup sec à bâbord. Elle trace sa route avant de revenir à la charge. La capitaine sonne l'alerte :

- GABIER ! LA LUMIÈRE !

C'est le nom de son rôle. C'est dangereux d'être gabier, mais c'est essentiel. Elle s'occupe des voiles et se balance d'acrobaties légendaires sur les mâts avant d'atteindre le poste d'observation. Au plus haut, elle la cherche du regard : la lumière. Elle doit apparaître quelque part, en plein cœur d'une tornade. C'est la clé . Il s'agit d'une faible luminescence qui sert de phare. Lorsqu'on la voit, on plonge dedans.

Ça y est elle l'a. À tribord.

- TRIBORD MON CAPITAINE ! s'écrie-t-elle avant de remonter les fines mèches blanches qui tapissent son front.

- QUE TOUT LE MONDE S'ACCROCHE, ÇA VA SECOUER ! Hurle la guide au gouvernail.

Tout le monde le sait, mais c'est le code. Rares sont les jours sans y être confronté. Cette épreuve est obligatoire pour entrer. Même s'il y a toujours une chance pour être bloqué dans les profondeurs, chose qu'elle manque évidemment de dire pour éviter la panique.

L'attirail mécanique du bateau ébruite ses engrenages. Un nouveau bijou surgit des entrailles du navire : la proue. Une statue d'ange se déplie, puis déploie ses ailes. Au-dessus de sa tête, un halo s'illumine d'une brillante source d'énergie blanche, juste au-dessus de sa tête. On devine les contours d'un chapeau de champignon. Soudain, l'énergie dévoile ses ondes à l'oeil nue. Son intensité devient aveuglante. De pulsations en pulsations, un champ de force commence à recouvrir le bateau entier.

Jack tient le petit contre le bastingage par la force de sa cire d'oreille arachnide, qui est apparemment le moteur de sa force à présent. Il l'entoure dans un cocon, comme une momie ou un début de crysalide. Arwan, interloqué, se débat avant de protester :

- HEY ! qu'est-ce-que tu fais ?!

Ce à quoi il répond d'un sourire en coin :

- Oh, tu me remercieras après.

Les moteurs bombardent. Puis d'un trait. D'une seconde à l'autre. Le navire pulvérise les airs et s'engouffre dans une tornade lumineuse. La frégate est projetée dans un tunnel. Rapidement. Immergée sous l'eau, inhalée par la force d'une attraction suprême. Ils glissent, emportés par un courant au plafond étoilé, comme s'ils rejoignaient l'espace. D'un clin d'œil, ils se retrouvent à sortir de l'eau. La proue s'envole vers un ciel orangé, avant que la coque se rabatte violemment sur l'océan. La force étincelante qui les entourent se dissipe, pour mieux laisser son nouveau paysage les bercer de toute sa splendeur.

Arwan & JackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant