Chapitre 43

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Nino

Je suis enfermé dans ces murs à attendre depuis hier. J'ai signé un tas de documents. Ils m'ont tout pris l'entreprise Guevara va désormais devenir l'entreprise Martinez. Quelle ironie.

J'ai vu le soleil se coucher la nuit défiler et le soleil se lever haut dans le ciel mais personne n'est venu depuis hier. Je meurs de soif et je donnerais cher pour aller aux toilettes. Tout ça n'est rien face à la douleur et au manque d'Ella. Je me fais mal à la tête à penser à eux. Je prie tous les Dieux pour qu'il ne me laisse pas crever ici.

J'entends des bruits de tirs et me redresse sur ma chaise. Et s'ils avaient prévu de se débarrasser de moi ainsi que de toutes les personnes qui sont passés par là ? Une boule d'angoisse se forme en moi. Je ne veux pas crever, pas ici, pas maintenant. Si près du but du bonheur ultime. Les bruits se rapprochent comme pour me prévenir que ça peut bientôt être mon tour. J'entends des éclats de voix se rapprocher également. Des hurlements aussi, c'est une putain de mauvaise journée, ou un cauchemar duquel je vais finir par me réveiller. Pendant plusieurs minutes je n'entends plus un bruit, c'est encore plus stressant. D'un coup la porte s'ouvre brusquement sur deux hommes lourdement armés. Je ferme les yeux et contracte tout mon corps.

— Nino ! Enfin tu es là, me lance James.

Je rouvre les yeux et expire tout le souffle que j'avais contenu. Je crois même que j'en ai oublié de respirer.

— Il faut faire vite on n'a pas beaucoup de temps, dit-il en venant me détacher, tu peux marcher tu es blessé ?

— Ella elle est en danger il faut qu'on aille chez elle, soufflé-je en m'accrochant à lui.

— Suis-moi.

Il me fait sortir de la pièce rapidement. En sortant je vois deux hommes agenouillés à terre. Je suis dans une des résidences des frères, je la reconnais je suis venu une fois avec Victoire il y a des années. Il me conduit jusqu'à sa voiture et j'y monte sans me faire prier.

— Nino c'est Ella on doit partir vite, dit-il inquiet.

— Quoi Ella ? James qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qu'ils lui ont fait ? je le supplie de répondre alors que je sens mon cœur se serrer dans ma poitrine.

— Ils sont à la maternité je crois que tu vas être papa, dit-il en souriant, mais on doit se bouger on est à une heure d'eux prends mon portable et appelle Andrew.

Mes oreilles bourdonnent, je vais devenir père.

Je ne réalise pas bien encore sonné par les dernières heures où je n'ai pas été ménagé. James fait claquer ses doigts devant mon visage et je saisis son téléphone. J'appelle Ella mais elle ne répond pas puis je fais comme il dit et j'appelle Andrew.

— Papa dis-moi que vous l'avez retrouvé je crois que c'est pour bientôt, lance-t-il je sens la panique dans sa voix.

Je sens même qu'il est désemparé. Je l'imagine bien à la maternité. J'ai toujours pensé qu'avec toutes ses conquêtes un accident de parcours aurait pu arriver, je l'ai toujours charrié à ce sujet. Aujourd'hui il est à la maternité et c'est pour notre accident à Ella et à moi. Un accident, c'est terrible mais c'est le bon mot, le plus bel et le plus heureux de toute ma vie.

— C'est Nino, passe-moi Ella.

— Nino, oh mon frère je n'ai jamais été aussi content de t'entendre, attends quelques secondes je crois qu'elle ne peut pas te parler là.

J'entends souffler derrière le téléphone. Au son de sa voix je peux ressentir sa douleur. Je m'en veux tellement d'être loin d'elle. J'ai dû lui faire tellement de mal. Dire qu'elle est à la maternité alors qu'elle ne devrait accoucher que dans deux mois.

— Nino je t'en supplie viens vite me retrouver, la voix que j'attendais me heurte entre deux sanglots.

En un souffle et avec le peu de force qu'il semble lui rester elle m'attend, moi. Cette femme m'attend même après tout ça. Je l'aime tellement que mon cœur palpite dans ma cage thoracique.

— Je te promets qu'on arrive au plus vite, Ella je t'aime je vous aime, je vous aime comme un fou, accroche-toi et torture Andy s'il le faut, je te promets que j'arrive à temps, tiens bon.

Je l'entends de nouveau souffler. Andrew me dit de nous dépêcher avant de finir par raccrocher. Sans mentir les minutes qui suivent avant de finalement arriver à l'hôpital me paraissent des heures. J'ai eu un dernier message d'Andrew qui me disait que l'accouchement aller bientôt commencer et qu'elle était avec Elena. Ce con n'a plus de batterie donc je ne peux même plus le joindre.

Je dévale les couloirs et je le retrouve dans une salle d'attente. Une sage-femme accepte de me faire rentrer après m'avoir équipé. Elle ouvre la porte et mon cœur fait un bon dans ma poitrine.

— Nino... murmure Ella en me tendant une main.

Ses cheveux sont collés sur son front et sur son visage, je vois des goutes perler. Ses traits lui donnent l'air épuisée. Elena me fait venir à côté d'elle pour prendre sa place. Je lui prends la main et embrasse chacun de ses doigts.

— Ella, je suis tellement désolé je suis l'homme le plus heureux du monde grâce à toi je veux que tu le saches.

Elle serre ma main si fort qu'elle pourrait me briser le pouce. J'entends une femme lui demander de pousser encore. Elle se redresse et siffle entre ses dents. Je la vois pousser de toutes ses forces jusqu'à pleurer. Son ventre est tellement rond que c'en est impressionnant.

— Nino je n'en peux plus, chuchote-t-elle, j'ai tellement mal depuis des heures.

— Vous ne pouvez rien faire ?! râlé-je auprès du personnel.

On m'explique calmement que la femme de ma vie souffre et qu'il n'y a rien à faire. Elle est là depuis des heures mais n'a pas pu avoir la péridurale. Je la vois pleurer et l'embrasse sur la tempe. J'aimerais pouvoir prendre sa douleur. Elle pousse encore pendant bien trop longtemps, je maudits chaque minute auprès d'elle à la voir souffrir. Elle a déjà tant souffert. Je me sens tellement impuissant face à elle. Dire que j'ai tout loupé, je n'ai pas eu le temps de caresser son ventre. Je n'ai pas pu embrasser l'arrondi qu'il forme et chuchoter à mon enfant que je donnerais tout pour lui et sa mère. Dire que je n'ai pas pu passer des heures à admirer mon âme sœur et son corps magnifique porter notre enfant.

— Madame, je sais que c'est dur mais je vous assure que cette fois c'est la dernière donnez tout, votre bébé est juste là, dit la femme toujours à la même place.

L'un deux me place derrière elle, je la prends entre mes jambes. Elle m'attrape les avant-bras et lorsque la contraction arrive je la vois pousser contre moi de toutes ses forces.

Un minuscule cri vient à nos oreilles, au même moment j'entends Ella pleurer. De joie cette fois.

— Je vous présente votre petite fille, dit la femme qui la dépose sur la poitrine de sa mère.

Mon cœur est prêt à exploser dans ma poitrine, une fille.

— Une fille ? Ella c'est une fille, dis-je les larmes me montant aux yeux.

— Victoria Luna Guevara, murmure Ella en m'arrachant le reste de cœur qu'il me restait.

Notre fille est si petite qu'elle nous est arrachée, elle est placée en couveuse avec tout ce qui va avec.

Mon cœur a explosé, explosé d'amour pour un être qui je l'espère sera le portrait de la femme qui est avec moi. J'espère qu'elle aura sa douceur et sa bonté. J'espère la voir dans chacun de ses traits, de ses cheveux bruns à ses yeux verts. J'espère qu'elle m'aimera autant que je soupçonne sa mère de le faire. Elles sont les femmes de ma vie et tout prend un nouveau sens.

Mon soleil a brillé si fort qu'un de ses rayons a pris vie. Elle a donné la vie. La femme forte et fragile, parfaitement imparfaite, heureuse et en pleurs à la fois. Tout ce qu'elle a m'a fait reprendre vie, encore une fois. Je sais que je vais passer le restant de mes jours à les aimer. Dire que j'ai osé prétendre un jour que je ne voudrai pas d'enfants. Quelle ironie, je crois désormais que j'en veux autant qu'une équipe de football, remplaçant inclus.


Le soleil de mes nuits, Lune & soleil Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant