A peine rentrée, je file chez Paola pour récupérer mon petit trésor. Je frappe deux coups, la porte s'ouvre et une fusée brune me saute dans les bras. J'embrasse ses cheveux avant de saluer ma voisine.
— Tu as passé une bonne journée jolie trésor?
— Ouiiii, c'était l'anniversaire de Troy aujourd'hui, on a mangé du gâteau à l'école.
Génial, avec un peu de chance, elle n'aura pas trop faim ce soir. Mon cœur se serre à cette pensée, c'est horrible, JE suis horrible. Je lui offre un sourire qui n'atteint pas mes oreilles.
— Regard ce que j'ai trouvé Nina, me dit Paola en me tendant un article de journal.
Je prends le papier froissé entre mes doigts et lis l'annonce, sceptique.
— Je n'ai pas les compétences nécessaire.
— Ah oui? Qu'en sais tu?
— Je n'ai même pas de tailleur, je ne peux pas y aller comme ça, je me lamente en regardant mon jean's usé jusqu'à la corde et mes baskets tâchées.
Paola se lève dans l'espace exigüe et ouvre une boîte en ferraille qu'elle cache dans un placard. Elle en sort quelques billets et me les tends.
— Je ne peux pas, je ...
— Prends, c'est pour les urgences. Tu as vu le salaire? C'est une urgence, c'est sur!, rigole t elle.
Je n'ose pas lui dire qu'avec 16$ je ne vais pas pouvoir m'offrir une tenue adéquate, et calcule rapidement ce qu'il me reste pour terminer la semaine. On doit être autour des 50$, si j'arrive à m'habiller pour 30, Lola pourra manger à sa faim toute la semaine. Je l'embrasse et la sers contre moi avant de la laisser à ses occupations et rentrer avec Lola. Je m'occupe de ses devoirs, de la douche et du repas. Une fois prête, je la couche, elle s'endort après 2 histoires de princesses et contes de fées que je lui souhaite de connaître un jour, même si j'en doute fortement.
Je me tourne vers la cuisine et regarde le triste fond de la casserole. 4 raviolis, c'est tout ce qu'il reste, mais Lola s'est endormie repu, c'est le principal. Je savoure chaque bouchées comme si c'était la dernière et prends mon temps pour les mastiquer afin de faire croire à mon estomac que j'ai mangé pendant des heures. Parfois ça marche, parfois non.
Le lendemain, je me rends à la friperie du quartier. J'y trouve un tailleur noir, la jupe a besoin d'un point de couture, le chemisier à une tâche près d'un bouton et la veste un petit trou au niveau de la poche. Ca devrait faire l'affaire. Je prends une paire d'escarpins, 2 pointures trop grandes mais ils n'en n'avaient pas d'autres, je mettrai du coton au bout. La caissière me regarde avec un air dédaigneux avant de m'annoncer.
— 37 dollars.
— Mais ... le tailleur est affiché à 22$ et les chaussures à 7$.
— Bah les étiquettes sont pas bonnes. 37 dollars, répète t elle.
— Mais ..
— Bon, vous les prenez ou pas? J'ai d'autres clients à servir, s'énerve t elle.
Je me tourne, personne. Tu parles qu'elle a d'autres clients! Je lui dirais bien le fond de ma pensée mais Lola est là et je ne veux pas m'énerver devant elle. Je lance un regard noir à la caissière qui sourit triomphante lorsque je lui tends les billets.
Je passe le dimanche à essayer d'arranger le tailleur en faisant des points sur la jupe et le trou de la poche. Le résultat n'est pas parfait mais devrait suffire, enfin j'espère. J'ai essayé de me renseigner sur l'entreprise, malheureusement dans le quartier, personne ne connaît. Aucune idée de la personne que je vais rencontrer ni de celle pour qui je vais devoir travailler. Enfin, s'ils me prennent ...
Le lundi matin, j'ai le temps de déposer Lola à l'école avant d'arriver devant Turner Corporation avec 45 minutes d'avance. Mes pieds me font atrocement souffrir, je suis sur qu'ils sont en sang à cause des ampoules mais ce n'est pas le moment de me plaindre. Je pleurerai plus tard, enfin si j'ai le temps. J'entre dans le building gigantesque et me présente à l'accueil. Une femme rondouillette au visage joviale m'accueille avec le sourire. Isabella, d'après son badge.
— Vous êtes en avance, mais ce n'est pas grave, vous n'êtes pas la première, rigole t elle alors que je la fixe sans comprendre ce qu'il y a de drôle. Montez au 7ème, et patientez dans le couloir à votre droite, M. Turner vous recevra dès que possible.
Après l'avoir remercié, je suis le chemin indiqué. Tout est propre et sent bon. Mon reflet dans la vitre me fait grimacer. J'essaie de recoiffer mon chignon flou pour paraître moins débraillée. Les portes s'ouvrent et un brouha sur ma droite m'interpelle. Une douzaine de femmes, toutes plus magnifiques les unes que les autres, patientent avec chacune un dossier imposant dans les mains. Je regarde mon CV qui tient sur une page simple. Un soupire s'échappe de mes lèvres alors que plusieurs têtes se tournent vers moi pour m'inspecter avec un dédain certain.
J'ignore les pimbèches et m'installe sur une chaise libre. Je peux l'avoir ce poste, j'en suis sûre. Bon, il faut encore que je trouve comment mais je vais y arriver, il le faut. Ma jambe au dessus de l'autre, je défroisse ma jupe et retiens une exclamation d'effroi quand je vois ma couture se défaire, au ralenti comme si elle voulait me narguer. "Prends le temps de m'observer me défaire et foutre ta vie en l'air". Je décroise aussitôt mes jambes et n'ose plus bouger. Des bribes de conversations me parviennent de gauche à droite.
"Il est toujours célibataire."
"J'ai entendu dire qu'il cherchait une nouvelle fiancée."
"Il est tellement séduisant."
"Je parie qu'il craquera avant même la fin de la première semaine."
"Moi, je suis sûre d'arriver à mes fins avant la fin de l'entretien."
Prise d'un doute, je ressors l'annonce que Paola m'a dégoté. C'est un poste d'assistante ou une journée speed dating?!
" Recherche assistante administrative, temps plein, expérience 5 ans exigée"
Les murmures de ses femmes venues chercher un futur époux bourdonnent à mes oreilles pendant de longues heures encore.

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HOPELESS
RomanceParfois, lorsque nous sommes happés par les ténèbres, une lumière scintille au loin comme un appel à l'espérance. Encore faut il la laisser illuminer notre univers. Nina retrouve un peu d'espoir en découvrant cette offre d'emploi et si elle allait e...