Chapitre 6 - Nina

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Il s'éloigne et rejoint ses amis. Je les connais bien, ce sont des habitués et les rares à ne pas faire d'histoires. Bien sûr que j'ai entendu ce qu'ils ont dit et j'espère sincèrement qu'il n'est pas ce genre d'homme. Malheureusement, je n'ai pas la possibilité de faire la fine bouche sur mon job. 

Les semaines s'enchainent et se ressemblent. J'ai pris mes marques chez Turner Corporation. Je suis presque sûre d'avoir compris ce qu'ils produisent et vendent. M. Turner est un patron plutôt agréable et bienveillant. Mes collègues, je les évite par habitude.

 Ce soir, je retrouve Lola chez Paola les bras chargés de courses. Mon petit trésor me saute dans les bras, manquant de faire tomber nos victuailles. 

— Doucement petite tornade. Tu m'aides à ranger tout ça? 

— Waaaah y a du chocolat?

Je hoche la tête avec un grand sourire qui s'efface dès que je le vois arriver. Je presse Lola vers notre caravane et lui demande de s'enfermer comme à chaque fois. 

— Eh bien eh bien, la paie a été bonne à ce que je vois. Tu as mon fric?

Sans réponse, je lui tends l'enveloppe. Il compte chaque billets un à un avant de me jauger en fronçant les sourcils.

— Je suis sûre que tu peux faire mieux.

— Je ne peux pas faire plus que d'habitude Juan.

Ma voix tremble légèrement ce qui ne lui échappe pas. 

— Je repasserai demain, je veux la même chose.

— Quoi?! Mais enfin comment veux tu que je ...

Sa main s'enroule autour de ma gorge avec puissance, l'air ne passe plus jusqu'à mes poumons et la panique s'empare de moi. Je me débats et griffe ses bras, en vain, ne faisant qu'étirer son sourire diabolique. Il finit par relâcher la pression, juste assez pour me laisser respirer avant de caresser ma joue avec son pouce. Nauséeuse, je me fige le regardant descendre sa main jusqu'à ma poitrine. 

— C'est toi qui voit ... on peut toujours s'arranger autrement. 

Mes narines frémissent et je lui crache au visage lorsqu'il me relâche enfin. Sa main rencontre ma joue avec force. Ma peau brûle et mes yeux s'embuent. Un sourire carnassier s'étire sur son visage qui me répulse.

— Elle aussi était hargneuse au début, regarde ce qu'elle est devenue. Tu paies ses dettes. Quelques nuits à travailler pour moi et je te laisse tranquille. Réfléchis y. A demain.

Je sais qu'il ment, même si j'acceptais il ne me lâcherait pas. Je le regarde s'éloigner, mon corps encore tremblant de rage. A chaque fois que je pense nos dettes, enfin SES dettes, épongées, il en rajoute de nouvelles. Malgré son abandon, elle continue à nous pourrir la vie. Quand cela s'arrêtera? Surement pas avant que son cœur ne lâche, si seulement elle pouvait mourir d'une overdose, une bonne fois pour toute.

J'essaie de garder le sourire face à Lola, mais elle remarque les traces rouges autour de mon cou et son front se plisse mais je secoue la tête la dissuadant de poser des questions. On se couche en silence. Je ne trouve pas le sommeil cette nuit.

Le lendemain matin, je suis plongée sur mon ordinateur quand M. Turner me salue. Je marmonne un vague bonjour en continuant à traiter mes dossiers. 

— Mlle Alvarez?

— Hmm?

— Tout va bien?

— Une merveille, je marmonne.

La porte se ferme et je soupire de soulagement avant de me figer en me rendant compte qu'il n'est pas sorti. Mes yeux rencontrent ses prunelles dans vert envoutant. Je déglutis avec difficulté alors qu'il détaille chaque centimètre de mon visage.

— Qui a fait ça?

Je n'ai pas de maquillage à la maison et n'ai donc pas pu masquer les traces de doigts sur ma joue et mon cou. Mais jusqu'à présent je n'avais jamais eue à les cacher parce que personne n'a jamais fait assez attention à moi pour s'en rendre compte.

— Personne d'important.

— Les mensonges Nina, râle t il en s'asseyant sur la chaise face à moi.

C'est la première fois qu'il fait ça. Ses yeux me scrutent, attendant une réponse que je ne compte pas lui donner. Cette proximité me réchauffe le cœur autant qu'elle me déplaît.

— On avait décidé que les omissions volontaires n'étaient pas considérées comme des mensonges, je lui fais remarquer avec une moue.

Un sourire en coin, il me regarde avec une lueur étrange au fond des yeux.

— Ca c'est vous qui l'avez décidé, je n'ai jamais donné mon accord.

Je grimace, il n'a pas tord et ce n'est vraiment pas le moment que je perde mon travail. Je mordille mon pouce en réfléchissant à ce que je pourrais lui dire sans faire trop d'omissions ni trop de mensonges.

— Votre petit ami? tente t il.

Je ricane.

— Personne n'est assez stupide pour partager ma vie.

J'ai lâché ça dans un souffle et ses yeux s'arrondissent. Ca aussi c'était une omission mais il n'en saura jamais rien. C'est plutôt moi qui ne suit pas assez stupide pour laisser quelqu'un entrer dans nos vies.

—  Bon, abdique t il en ne voyant aucun information franchir mes lèvres. On part en déplacement ce weekend. Je vous enverrai un mail avec les réservations dont vous devrez vous occuper.

— Quand vous dites "on"...?

— Il fallait lire votre contrat Mlle Alvarez, se moque mon patron. Les déplacements font parties de vos attributions. Nous devons rencontrer d'importants investisseurs  et j'ai besoin de vous pour organiser le weekend et rédiger les comptes rendus. 

— Ca ne va pas être possible.

— Et pourquoi ça? Vous avez un chien dont vous ne pouvez pas vous séparer plus d'une nuit?

— En quelque sorte ...

— Vous n'aurez qu'à choisir un hôtel qui accepte les animaux. C'est non négociable, tranche t il en se levant.

La main sur la poignée, il hésite une seconde avant de se tourner vers moi.

— Quand vous voudrez vous confier, je me ferai un plaisir de m'occuper du non petit ami qui a oublié qu'une femme se respecte et se traite avec autant de valeur qu'un diamant brut.

Sur ses mots, il sort. Je fixe cette porte de longues minutes. Ne pouvant plus les retenir, mes larmes baignent mes joues. Je m'effondre sur mon bureau, secouée de sanglots incontrôlables. Ma vie est pathétique et je vais devoir partir en déplacement. M'éloigner de Lola durant 2 jours est impensable, pas que je sois une mère poule mais plutôt que je n'ai aucune confiance en Juan et Paola n'est pas de taille à le repousser. Je serai surement renvoyée après ce weekend, lorsqu'il se rendra compte de la moins que rien qu'il a embauché. 

Lorsque je relève la tête, je le vois m'observer à travers la vitre qui nous sépare. J'essuie mes joues et respire un grand coup avant de me replonger dans mes dossiers. 

HOPELESSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant