HOPELESS

Chapitre 11 - Nina

Nous passons la matinée à débriefer sur l'importance du déjeuner avec les investisseurs. J'écoute d'une oreille distraite, pas vraiment intéressé par cet aspect de l'entreprise, surtout que je n'aurais que pour seul objectif de prendre des notes. Lola dessine gentiment à mes côtés, je regarde son œuvre et manque de m'étouffer en me retenant de rire. Kim me fusille du regard, M. Turner Senior lève un sourcil contrarié alors qu'Andrew éclate de rire en comprenant ce qui m'amuse. Lola a dessiné une sorcière aux cheveux blonds et aux yeux bleus, à l'image de Kim. Une jupe trop courte et des seins proéminent avec un sourire relevé de dents pointues, le tout perché sur un balai. 

— Montre voir ce que tu dessines? demande Mme Turner avec un sourire.

Lola lui tend son dessin avant même que je n'ai le temps de l'arrêter et c'est horrifié que je vois les couleurs quitter le visage de Mme Turner. Kim devient écarlate et ses ongles griffes la nappe de fureur.

— Non mais tu appelles ça une secrétaire? hurle t elle. Tu l'as trouvé où, dans un bidonville?

 Sa réflexion me blesse terriblement. J'attrape la main de Lola et me lève précipitamment pour quitter la salle de réunion. J'entends qu'on m'appelle ainsi que des cris et des hurlements hystériques mais je n'écoute pas, je n'entends plus rien. On remonte rapidement dans notre chambre et je commence à rassembler nos affaires quand on frappe à la porte. Tout en continuant à remplir ma valise, j'interdis à Lola d'ouvrir. 

— Nina, s'il te plait. 

Mon cœur loupe un battement, ma respiration se coupe. Il m'a appelé par mon prénom? Il me tutoie? Au mon Dieu, que va t il s'imaginer après cette nuit? 

— Nina, j'ai le code de ta porte. J'entrerai d'une manière ou d'une autre. 

Sa voix est calme et posée, pas menaçante même s'il ne me laisse pas vraiment le choix. Quand j'ouvre le battant, ses prunelles s'arriment aux miennes avec forces et je n'arrive pas à m'en détacher.

— Je suis désolé pour ce qu'elle t'a dit.

— Ce n'est pas à vous de vous excusez M. Turner.

Ses mâchoires se crispent lorsque je prononce son nom, mais je me refuse à l'appeler par son prénom. Cette proximité me mettrait bien trop mal à l'aise. 

— Ca n'empêche que j'en suis désolé. Cette femme est le diable en puissance, constate t il en frottant son visage d'une main lasse.

— C'est VOTRE femme, je lui fais remarquer alors qu'il grimace.

— EX femme ... On fait tous de mauvais choix, non?

Je ne réponds pas. Question mauvais choix, j'en connais un rayon mais pas la peine d'en rajouter devant lui.

— Ne partez pas...

— Je n'ai pas ma place ici! Vous m'avez bien regardé?

— Plutôt oui, rétorque t il en détaillant ma tenue. 

Il se racle la gorge en se rendant compte de ce qu'il vient de faire. Ses yeux fuyants, il ajoute : 

— On part à 11h30, je vous attendrai dans le hall. Avec Lola, précise t il en se tournant.

— Comment ça? Ce n'est pas ce qu'on avait convenu.

— Il n'a jamais été question de la laisser seule ici. A tout à l'heure Mlle Alvarez. 

Nous sommes assis autour d'une table ronde, Lola juste à côté sur une table à part. Son cahier de devoir, elle s'occupe sans faire de vague. Kim me jette des regards noirs et l'un des investisseurs me regardent avec un peu trop d'insistance. Je tente de me concentrer et de prendre les notes que M. Turner attend de moi, même si je ne comprends pas la moitié de la discussion. Je sens que ça va être un calvaire. On me tend une carte. Je n'ai jamais vu des prix aussi élevés. 45$ pour une salade verte?! 

— Qu'en pensez vous Mlle Alvarez? me demande l'homme au regard lubrique.

— Je vous demande pardon?

Concentrée sur la carte, je n'ai pas écouté un seul mot de ce qu'il se disait. Kim soupire fortement pour marquer son mécontentement.

— Souhaitez vous qu'on partage un plateau de fruit de mer?

Le serveur attend, les mains croisées dans le dos.

— Une salade suffira, merci.

— Vous n'allez pas manger une simple salade? s'indigne Mme Turner.

— Vu le prix de la dite salade, je pourrais sans doute manger une semaine complète. Si j'ose regarder le prix des plats, j'ai peur de faire un malaise Mme Turner.  

 M. Turner Senior me regarde les yeux ronds, Kim couvre sa bouche de sa main et je sens mes joues rougir à vitesse grand V. Pourquoi j'ai dit ça, bon Dieu?! Je n'ose tourner la tête vers mon boss qui doit vouloir m'étriper. 

— Mettez nous la suggestion du chef, pour la demoiselle également, intervient Andrew avec un naturel déconcertant.

— Vous désirez tout de même une salade? me demande le serveur un peu perdue.

Je me ratatine sur ma chaise alors qu'Andrew confirme à ma place. Il enchaîne ensuite avec ses investisseurs comme si de rien était. Griffonnant mon carnet au fur et à mesure que les informations me viennent. 

A la fin du repas, Lola somnole derrière nous. Manquerait plus qu'elle s'endorme sur la table pour me mettre un peu plus dans l'embarras. Je l'appelle discrètement, mais cela ne marche pas très bien. Après la nuit chaotique que nous avons passé, elle est épuisée. Andrew se lève et va lui chuchoter quelque chose à l'oreille. Elle hoche la tête avant de se pendre à son cou. Il revient s'asseoir, Lola sur ses genoux qui s'endort contre sa poitrine. Comme tout à l'heure, il reprend la discussion comme si de rien n'était.

Mes yeux ne le quittent pas une seconde. Comment fait il ça? Je ne cesse d'enchaîner les faux pas et il se contente de rattraper chacun d'eux avec adresse. Concentré sur ses investisseurs, il ne fait pas attention à moi. C'est en tout cas ce que je croyais jusqu'à ce qu'il se penche, un sourire fleurissant sur ses lèvres.

— Les notes Mlle Alvarez.

Je me détourne de lui comme si une guêpe m'avait piqué et griffonne à toutes vitesses. Un rire léger lui échappe. Nous continuons à discuter ainsi pendant encore 2 bonnes heures avant d'être enfin libérés de ses échanges interminables et barbant, il faut le dire.