Alors que je savoure ses lèvres sur les miennes, un raclement de gorge nous interrompt. Je rouvre les yeux brusquement et découvre Juan derrière Andrew. Mon visage perd toutes ses couleurs.
Pas maintenant, pas devant lui, non ...
— Je vois que tu as changé d'avis. Ca tombe bien j'ai besoin de plus.
Sa voix raisonne comme une hache qui fend l'air. Je savais que je ne devais pas me rapprocher d'Andrew. Je savais que lui ouvrir la porte ne ferait qu'empirer les choses. Je savais que je ne pouvais rien lui apporter de bon. Je savais que je ne devais pas espérer. Je savais et j'ai cédé. Je savais et je suis piégée. Je savais et je vais tout perdre.
— Nina, regarde il a réussi à ...
Lola ne finit pas sa phrase. Ses yeux se posent sur Juan et elle se précipite à l'intérieur pour s'enfermer à clés, comme je le lui ai répété tant de fois. A sa réaction, Andrew change totalement de comportement. Jusqu'à présent perdu, il semble comprendre ce que Juan représente. Son poing valide se ferme et son corps se place devant moi, me cachant de Juan qui laisse échapper un rire gras.
— Tu crois faire quoi mon gars? Ta pute est à moi. Alors paies ta passe et dégage.
Je ne peux pas voir le visage d'Andrew mais mon cœur se brise en imaginant ce qui lui traverse l'esprit à cet instant. Sans que j'ai le temps de réagir, Andrew abat son poing sur le nez de Juan qui tombe assommé. Andrew au dessus de lui, je hurle et lui demande d'arrêter alors qu'il continue à le frapper, encore et encore. Juan finit par réussir à se relever, le regard noir qu'il m'adresse vaut milles mots.
Nous sommes mortes.
Il s'enfuit en crachant à nos pieds. Encore tremblante, mon cerveau étudie toutes les possibilités qui s'offrent à moi. Il y en a peu, j'ai vite fait le tour. On doit disparaître, maintenant. Demain sera trop tard. Seulement, je n'ai ni voiture, ni argent. Ma poitrine se soulève frénétiquement.
— Nina, ça va?
Sa main se pose sur ma joue et je le repousse violemment.
— Dégage, je crache.
— Mais?!
— Va t'en, je lui hurle. Tu n'as aucune idée de ce que tu viens de faire. Pars, je ne veux plus te voir.
Ses yeux s'assombrissent en entendant mes mots. Sa main retombe le long de son corps et il recule lentement, sans comprendre mon rejet. Je ne veux pas qu'il comprenne de toute façon, je veux qu'il disparaisse. Heureusement pour lui, Juan a pensé que c'était un client et tant mieux, sinon il s'en serait pris à lui aussi.
Je me précipite à l'intérieur, Lola est en boule sous la table et se couvre les oreilles, terrifiée. Je la rassure autant que possible avant de lui dire de rassembler ses affaires. Elle comprend l'urgence de la situation même si elle ne devrait pas. En moins d'une heure, nous partons, nos sacs à dos sur les épaules et la cage de Pouic dans les mains.
Au coin de la rue, Lola s'enfuit et court vers une berline noire. Je me fige. Pourquoi il est là? La portière s'ouvre quand Lola arrive à son niveau, Andrew sort et lui ouvre la portière arrière avant de prendre la cage de l'écureuil et son sac à dos.
— Qu'est ce que tu fais là?
— Tu as vraiment cru que j'allais vous laisser vous enfuir comme ça?
Evidemment! Mais je garde la bouche fermée. Son coffre ouvert, il tend la main attendant que je lui donne mes affaires. On reste un long moment à se scruter sans un mot. Il ne lâche rien et je n'arrive pas à lui laisser la main. Sa persévérance est aussi effrayante que rassurante.
— Bon, tu viens Nina? m'appelle Lola depuis la banquette arrière.
Je soupire et donne mon sac à Andrew. A peine assise, qu'il sincère dans la circulation pour nous éloigner de ce quartier qui hante mes jours et mes nuits.
— On va où? demande Lola.
— Chez moi, répond Andrew.
— On ne peut pas!, je dis choquée.
— Je ne t'ai pas demandé ton avis Nina. Ce soir, vous dormez chez moi, ensuite on s'expliquera tous les deux et on avisera.
Son ton est ferme, sa voix aussi glaciale que la banquise. Je me ratatine sur mon siège, les larmes aux yeux. Andrew se gare dans un parking souterrain et, nos sacs à la main, nous monte jusqu'à son appartement. On arrive dans une grande pièce ouverte, une cuisine avec un îlot central et un grand séjour sur la gauche. Face à nous un couloir, il nous montre où se trouve la salle de bain et les WC, ainsi que la chambre d'amis.
— Où est ce que je mets Pouic? Y a trop de place, ici. Il va se perdre.
— Tu peux le mettre dans ta chambre, il y a un petit bureau sur lequel tu pourras le poser.
Lola court, sa cage entre les mains pour s'installer dans sa chambre pour la nuit. Andrew s'assoit sur un tabouret près de l'îlot et en tire un dans une invitation silencieuse. Je n'ai pas le choix, je vais bien devoir lui expliquer.
— C'est qui ce mec?
— Le dealer de ma mère.
— Tu lui dois combien?
— Ca dépend, si on prend en compte la consommation du jour ou pas.
— Pourquoi est ce qu'il ne règle pas ça avec elle?
— Parce que j'étais une enfant avec un nouveau né lorsqu'il est venu réclamer de l'argent la première fois. J'aurais dû lui dire de voir sa avec elle et pas moi, mais j'avais 15 ans, j'étais seule avec un bébé, j'avais peur, je voulais la protéger et je devais nous faire survivre toutes les deux.
— Pourquoi il a parlé de prostitution?
— C'est un proxénète, il veut que je travaille pour lui pour rembourser plus vite.
— Tu l'as fait?
— ....
— Nina! Tu te prostitues?
— Non.
— C'est déjà arrivé?
Une larme serpente sur ma joue. Figée, je n'arrive pas à desserrer les dents. Il se lève et m'entoure de ses bras. Sa main caresse mon dos avec douceur. Mon cœur loupe un battement quand ses lèvres se posent sur mon front. Son index remonte mon menton, mes yeux baissés, je n'ose croiser son regard. Il embrasse à nouveau mon front, puis mon nez, ma joue et enfin mes lèvres. Son baiser est bien plus doux que celui qu'il m'a donné tout à l'heure. Je rêve une seconde que cet homme est fait pour moi, qu'il m'aime malgré mon histoire, qu'il sera toujours là. Ce n'est qu'un rêve, éphémère.

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HOPELESS
RomanceParfois, lorsque nous sommes happés par les ténèbres, une lumière scintille au loin comme un appel à l'espérance. Encore faut il la laisser illuminer notre univers. Nina retrouve un peu d'espoir en découvrant cette offre d'emploi et si elle allait e...