Chapitre 15 - Nina

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On atterrit en début d'après midi. Lola a passé tout le vol à embêter Andrew qui n'a pas perdu patience une seule seconde. Je récupère ma valise et salue tout le monde avant de m'éloigner du jet de la société. 

— Attends.

Je me retourne alors qu'Andrew se dirige vers nous avec un sourire.

— Je vous raccompagne.

— On peut rentrer toutes seules, je lui fais remarquer.

— Désolé, je n'avais pas vu ta voiture, raille t il en scrutant le parking.

— J'ai appelé un taxi, je mens.

— Sans téléphone? Les mensonges, Nina, râle t il en levant les yeux au ciel. 

Malgré de nombreux arguments, il ne lâche rien et insiste pour nous ramener. Je lui donne notre adresse à contre cœur. Le trajet se fait en silence. Je le vois me jeter des petits coups d'œil intrigué alors que je triture la manche de mon sweat. 

— Tu peux nous déposer là, je lui indique un arrêt de bus.

Il ne s'arrête pas et continue sa route.

— Il y a encore plus de 500m Nina.

— C'est bon, on fera le reste à pied. S'il te plaît.

— Nina! Je connais ce quartier, je sais où tu habites, je le sais depuis le premier jour.  

Mes mâchoires se crispent et je vois son nez frémir. J'ai déjà remarqué ça chez lui, notamment avec ces investisseurs. Je le scrute en plissant les yeux avant de frapper son épaule.

— Aïe! Ca va pas non?

— Les mensonges Andrew!

 — On est arrivé de toute façon, rétorque t il avec une moue amusée.

Je soupire et détourne la tête, ne voulant pas voir son expression lorsqu'il découvrira le camp de caravanes. Son moteur se coupe, je descends et récupère ma valise dans le coffre. Lola sur mes talons agrippe la manche d'Andrew.

— Tu viens visiter notre caravane? demande t elle naïvement.

— Arrête Lola, je gronde.

— J'adorerais visiter ta caravane. Une autre fois, peut être. 

Il tend son bras vers moi mais je m'écarte et articule un vague "Merci" avant de m'éloigner. 

— Nina, attends. 

Mon corps me trahit et s'arrête en l'entendant. Lola continue à avancer, tirant la valise vers notre logement de fortune. Sa chaleur m'enveloppe avant même de me toucher. Mes yeux se ferment quand il pose une main sur moi. Effleurant mon épaule, puis mon bras pour venir saisir ma main. Nos doigts se crochètent comme hier soir avec un naturel qui me déconcerte. Son torse vient frôler mon dos couvrant ma peau d'un frisson qui réveil des sensations agréables au creux de mes reins. Une envolée de papillon s'invite dans mon bas ventre alors que je lutte pour ne pas lui faire face et réclamer plus.  

— Tu ne devrais pas faire ça, je finis par souffler mettant à terme à cet échange silencieux.

— Pourquoi?

— Ma vie est un désastre, je n'ai rien à t'apporter.

— Moi, je peux t'apporter quelque chose, souligne t il.

Une vague de colère me submerge et je me tourne, dénouant nos doigts.

— Je ne veux pas de ton argent, je crache.

— Ce n'est pas ce que je te propose, Nina. 

Désabusée, je le regarde dégoutée avant de le gifler violemment. Son regard perdu ne me lâche pas. Je secoue la tête avant de m'éloigner de lui. Jusqu'à aujourd'hui, à chaque fois qu'un homme m'a proposé de l'aide c'était en échange d'une faveur. Jouer aux prostituées, de luxe ou non, je ne peux plus. Je l'ai longtemps fait pour offrir un toit à Lola, parce qu'à 15 ans, on refuse de nous faire travailler. Mais depuis plusieurs années, je gagne ma vie et couvre ses besoins autant que possible.

Je passe le reste de la journée à revoir le déroulé de ce weekend. Je ne comprends rien, ni à lui, ni à moi. Aucune idée de ce qu'il veut encore moins de ce que j'aimerais. C'est épuisée que je m'endors avec Lola.

Le lendemain matin, je décide de me rendre dans mon bureau directement. Je ne le salue pas et me contente de faire chacune des tâches inscrites sur mon ordinateur. Il est difficile de faire abstraction de lui alors que je l'aperçois au travers de la baie vitrée mais je tiens bon. Lorsqu'il revient de sa pause déjeuner, il frappe à ma porte avant d'y entrer sans que je ne l'y invite. 

— Bonjour, Mlle Alvarez.

Ah, on en est revenu là ... En même temps, après l'avoir giflée je ne sais pas vraiment à quoi je m'attendais. Il me tend un paquet, j'ouvre la boîte et découvre un téléphone flambant neuf.

— J'ai besoin de pouvoir vous joindre lorsque je suis en réunion. 

Sans plus d'explication, il sort et referme derrière lui. Il ment, encore ... il n'a jamais eue besoin de me joindre ces dernières semaines, pourquoi l'aurait il maintenant? Je secoue la tête et déverrouille l'appareil. Un message non lu m'attend. Je fronce les sourcils et l'ouvre :

Quoi que tu te sois imaginé hier, tu te trompes.

Je soupire et me tourne vers son bureau, vide. Il ne revient pas de la journée et je rentre encore plus perdue qu'hier. Les jours suivants, il m'évite comme la peste et se contente de mail pour communiquer avec moi. Je l'ai bien mérité et je ne fais rien pour arranger les choses non plus.

Le weekend arrive. En service au bar, Carter et Ben sont là ce soir. Lorsque le premier m'aperçoit, je le vois baisser les yeux honteux. Il s'approche et frotte sa nuque nerveusement.

— Pour l'autre jour, je suis désolé, je ne voulais pas insinuer que ....

— Je sais Carter. Merci, sur la pointe des pieds je dépose un baiser sur sa joue. J'ai sur réagit, je ne t'en veux pas.

Il me sourit avant de me serrer dans ses bras. Ces démonstrations affectives me mettent toujours un peu mal à l'aise. Les clients et les commandes s'enchaînent et je n'ai pas une minute pour moi lorsque je vois Andrew arriver. Ma collègue s'occupe de leur secteur et ça m'arrange. J'évite leur table au maximum les heures suivantes. 

Quand la fin de la soirée arrive, j'angoisse. Ce n'est pas mon moment préféré. Généralement ceux qui restent sont bien éméchés et se comportent comme des cons. Andrew et ses amis sont toujours là, j'ai réussi à les éviter toute la soirée même si je les surveille du coin de l'œil. 

HOPELESSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant