Le poste est à moi. Je ne réalise pas, si bien que dix minutes plus tard, je suis toujours figée dans le hall du bâtiment. De toute évidence je lui ai fait pitié mais honnêtement j'ai passé le stade de la honte il y a bien longtemps déjà. Alors si le fait d'aider la petite latino offre un semblant de bonne conscience au blanc des beaux quartiers, grand bien lui fasse, ça remplira mon frigo!
Remplir mon frigo. Wahou! J'enlève mes escarpins qui me martyrisent depuis ce matin et marche pieds nus jusqu'à mon quartier. Le camp de caravanes se dessine au loin après une petite demi heure de marche. Mon sourire ne s'efface pas, en plus pas de tailleur exigé, le pied! Une fois à la maison je m'empresse de récupérer Lola et remercie Paola de m'avoir aider pour ce job.
Je passe la nuit à me retourner le cerveau. Malgré l'excitation qui me tient éveillée j'ai tout de même une certaine appréhension. Je n'ai aucune compétence dans ce domaine, je ne sais d'ailleurs toujours pas ce que cette entreprise fait ... Et si je me loupe? La petite tête brune à mes côtés vient se blottir un peu plus contre moi. Je ne peux pas me louper, pour elle.
8h20, je fais des allers retours devant le building. La semelle de mes chaussures va finir par s'ouvrir d'usure à force de fouler le macadam ainsi, mais je ne peux pas entrer. 40 minutes d'avance, il va penser que je veux lui faire de la lèche et hors de question qu'une idée pareil germe dans son esprit.
— Vous êtes bien matinal!
Je sursaute en entendant sa voix. Amusé, je le vois mordre l'intérieur de sa joue pour ne pas rire. Ses yeux dérivent brièvement vers ma tenue.
— Joli t-shirt.
Je grogne alors qu'il me tient la porte ouverte en me faisant signe d'avancer. Ce matin j'ai enfilé les seuls vêtements propres et pas troués que j'avais, soit un jean's et un t-shirt ... MyLittlePony. Bon, ok, ce n'était peut être pas le meilleur choix mais il a dit que je n'avais pas besoin de mettre de tailleur.
Un silence pesant s'installe dans l'ascenseur. L'air est électrique, pourtant il paraît tout à fait serein. Rasé de près, son visage me paraît moins tiré qu'hier. Ses cernes sont moins importantes également. Il croise mon regard et je détourne la tête si brusquement que j'ai peur une seconde de m'être fait un torticolis.
— Suivez moi.
On marche jusqu'à son bureau que j'ai déjà vu hier et il s'arrête devant une porte à droite, juste avant la sienne. Bien sûr, je n'avais pas tout à fait prédit cet arrêt au milieu du couloir... Mon nez s'écrase douloureusement dans son dos. J'étouffe un gémissement et me confonds en excuse.
— Tout va bien?
Je lève un pouce en l'air tout en tenant mon nez encore endolori.
— Ce sera votre bureau. Je dois régler les papiers pour votre contrat et je reviens. Vous pouvez déposer vos af...
Il regarde mes mains vides et s'arrête au milieu de sa phrase avant de finir.
— Je vous laisse vous installer.
J'entre dans le petit bureau, si petit que je pourrais y mettre ma caravane et celle de Paola réuni! Qu'est ce que je fais là? Je remarque qu'une baie vitrée sépare mon bureau de celui de mon patron. J'allume l'ordinateur et suis surprise par la rapidité de réaction de la machine. Un post-it avec le mot de passe de ma session accroché sur l'écran, je le tape et arrive à me connecter au serveur. Je fouille un peu les différents logiciels en attendant le retour de M. Turner. On frappe à ma porte, je sursaute avant d'inviter mon patron à entrer. Il dépose un dossier sur mon bureau et me demande de prendre le temps de lire le contrat avant de le lui rendre signé. Il n'a pas finit sa phrase que je lui tends après avoir griffonné les dernières pages. Il lève un sourcil surpris.
— Vous devriez le lire, me conseille t il.
Je survole la case salaire et fonctions avant de lui retendre le dossier. Pas de proposition malsaine, tout est parfait.
— C'est lu.
Il ricane avant de le récupérer.
— La comptable vous donnera votre exemplaire dans la journée.
— Vous avez une réunion à 10h, j'ai besoin de vous préparer quelque chose?
— Comment .... Je croyais que vous n'aviez jamais utiliser notre logiciel.
— Oh, il est très intuitif, je réponds en tournant l'écran de mon ordinateur sur lequel est affiché son planning et les tâches du jour.
— Ok, euh ... J'aurai besoin de vous pour la réunion, il faudra prendre des notes et .. un problème?
— Vous aviez dit que le tailleur n'était pas obligatoire sauf pour les réunions, je marmonne gênée.
— C'est une réunion de secteur, il n'y aura que vos collègues de cet étage. Pas de client important à éblouir.
Je me fige en entendant sa dernière phrase. Face à ma réaction, qu'il interprète mal, il tente de se rattraper.
— Enfin, je ne veux pas dire que vous n'êtes pas éblouissante en jean's. Bien au contraire, mais...
Mes yeux s'arrondissent et mes joues me brûlent. Par pitié, faites qu'il se taise!
— Non, je voulais juste ... ooh puis merde. On se voit tout à l'heure.
Je passe l'heure suivante à fouiller le planning et prendre mes marques. M. Turner me dépose plusieurs dossiers que je dois trier et me confie de nombreuses tâches à réaliser au cours de la journée, commandes, appels, organisation. M. Turner a profité de la réunion pour me présenter une partie de l'équipe. Les regards inquisiteurs de chacun d'eux auraient dû me déstabiliser mais j'essaie d'en faire abstraction, je ne suis là que pour une chose, le salaire et je compte bien l'obtenir en faisant mon travail. A 13h, il s'éclipse sans un mot. J'en profite pour ramener les dossiers complétés, qu'il m'a apporté plus tôt, dans son bureau.
— Riche mais bordélique, je ricane.
C'est bien un problème de riche le bordel. Quand tu es pauvre, tu n'as rien donc ça va vite à ranger. Je fais demi tour pour rejoindre mon bureau mais je m'arrête devant sa porte. Il ne m'en voudra pas si je remets juste les pochettes droites, non?
J'envoie une commande au service concerné lorsque mon patron réapparaît. Un bruit sourd contre la vitre m'interpelle, je tourne la tête et le vois. Il me regarde abasourdi et me fait signe de venir. Je déglutis difficilement. Pitié, pitié, pitié, ne me virez pas!
— M. Turner? je couine.
— C'est vous qui avez fait ça? dit il en désignant son bureau immaculé.
— Euh ... ça dépend ... la personne concernée risque t elle d'être virée?
Il me jette un regard noir.
— Alvarez!, gronde t il.
— Désolée, promis je n'ai pas fouillé. Tout est rangé par ordre alphabétique et par catégorie, regardez.
Je lui montre ce que j'ai fait des innombrables dossiers qui trainaient sur son bureau, il écoute attentivement chacune de mes explications en hochant la tête.
— Et mes post it?
— J'ai tout rentré sur le logiciel. Vous m'en voulez? je demande en fronçant le nez avec une grimace.
— Je ne sais pas encore, marmonne t il.
Je pouffe mais m'arrête à la seconde où ses billes vertes me pulvérisent. Je déglutis et sors de son bureau pour rejoindre le mien.

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HOPELESS
Storie d'amoreParfois, lorsque nous sommes happés par les ténèbres, une lumière scintille au loin comme un appel à l'espérance. Encore faut il la laisser illuminer notre univers. Nina retrouve un peu d'espoir en découvrant cette offre d'emploi et si elle allait e...