Chapitre 8 - Andrew

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Je déjeune avec ma mère au japonais du coin. Ses yeux se posent sur moi dès qu'elle pense que je ne la regarde pas. Son manège avec Nina m'a mis mal à l'aise et elle aussi. On va devoir cohabiter tous ensemble ce weekend et j'aimerais autant qu'elle évite à nouveau ce genre de chose.

— Il faut que tu te comportes avec elle comme avec n'importe quel employé de Turner Corp, Maman.

— Qu'est ce que tu veux dire? Tu trouves que j'ai été désagréable?

— Pas du tout! Mais on dirait que tu espères qu'on finisse ensemble. 

— Oh ça ...

— Maman!, je m'énerve. Vraiment, s'il te plaît. Ne la mets plus aussi mal à l'aise. On travaille ensemble et je ne veux aucune ambiguïté, surtout qu'elle fait un excellent travail, je ne veux pas avoir à me séparer d'elle. 

— Mais toi et elle ... même pas un petit peu?, tente elle. Elle est jolie.

— Oui elle est jolie et intelligente et ... peu importe. C'est non, alors arrête ça, d'accord? Comment ça s'est passé ce matin?

— Elle est ... surprenante.  

Je ne relève même pas, ne préférant pas savoir ce qu'elle me tait derrière son sourire espiègle. En tout cas, elle est loin du compte! Surprenant est loin d'être assez fort pour décrire Nina Alvarez. Au fil des jours, j'apprends doucement à la connaître parce qu'elle est aussi fermée qu'une huitre et continue son jeu "d'omissions volontaires" pour détourner mes interrogations. Je respecte ça, après tout elle n'est que mon employée, je ne devrais pas m'intéresser à sa vie, en tout cas pas de cette manière. 

Kim ne lui arrive pas à la cheville, elle n'a jamais montré autant d'intérêt à la tâche et contrairement à Nina, toutes les occasions étaient bonnes pour se servir généreusement dans mon compte en banque. Quelle surprise lorsque je l'ai vu revenir avec des sacs du centre commercial plutôt qu'avec des sacs de créateur. Certes, j'ai tout de même tiqué en voyant la quantité jusqu'à ce que je réalise que c'était la première fois depuis très longtemps que je ne voyais pas de Gucci, Prada et autres conneries.

Nina est une femme simple, forte et indépendante. C'est aussi une femme pour qui je ne devrais avoir aucun intérêt et je dois rester concentré sur cet aspect. Kim a bafoué tous ce que j'espérais de la vie et me tenir éloigner de toutes les femmes de la planète me semble être la meilleure solution, au grand damne de ma mère, et pour le plus grand bonheur de mon père qui ne m'a jamais vu aussi productif! 

Notre voyage d'affaire m'excite autant qu'il m'horrifie. J'ai hâte de découvrir Nina dans un autre élément, mais j'appréhende sa rencontre avec Kim qui va vouloir marquer son territoire. Ces deux femmes sont si opposées que je sens que ça va être électrique. Mais Kim est responsable commerciale de l'entreprise et je n'ai pas d'autre choix que de la supporter lors de notre rencontre avec nos futurs investisseurs. 

Le vendredi arrive à grands pas. Nina part en début d'après midi pour regrouper ses affaires. Je flâne un peu au bureau avant de me faire rappeler à l'ordre par mon père. 

— J'espère que tes affaires sont prêtes! On décolle dans deux heures.

Je grogne avant de rentrer préparer mon sac. Avec une demi heure d'avance j'arrive sur le tarmac qui accueille notre jet. Nina est déjà là. Sa valise à la main, elle me semble nerveuse. 

— Finalement, vous n'avez pas pris votre chien?

Ses yeux s'agrandissent alors qu'elle se décale d'un pas me laissant découvrir une petite tête brune aux yeux aussi sombres et profond qu'elle. La petite fille rentre sa tête dans ses épaules et mâchouille son doudou nerveusement en me jetant des regards inquiets. Je tente de reprendre contenance pour ne pas l'effrayer plus et force un sourire sur mes lèvres. J'ai peur qu'il ne ressemble plus à une grimace mais m'accroupis tout de même pour me mettre à la hauteur de l'enfant. Je tends une main vers elle alors qu'elle part se cacher derrière sa mère.

— Bonjour. Je m'appelle Andrew et toi?

Silence. Nina, gênée, lui bouscule l'épaule en faisant les gris yeux pour qu'elle daigne me dire bonjour. 

— 'Jour. Lola, murmure t elle si bas que j'ai peur d'avoir mal compris.

— Je suis désolée M. Turner. Je n'avais pas d'autres solutions et ...

— Très joli caniche, je ricane.

Elle rougit quand je lui lance un clin d'œil.

—  Je vous promets qu'elle ne sortira pas de la chambre.

C'est ce qu'on verra! Je ne relève pas, acquiesce en silence et les invite à monter dans le jet en attendant les autres. Mes parents arrivent peu de temps après et salue ma secrétaire.

— Quel âge a votre adorable petite fille? demande ma mère attendrie.

— 8 ans. 

Je calcule rapidement, elle n'a que 23 ans, ce qui veut dire qu'elle l'a mise au monde à l'âge de 15 ans. Comment est ce possible? Enfin, je sais comment on fait les bébés, mais 15 ans .... Un sourire amusé se dessine sur ses lèvres alors que je surprends ses yeux qui me détaillent.

— C'est ma petite sœur, pas ma fille. 

Pour une raison qui m'échappe, un soupir de soulagement franchit mes lèvres. Devant le regard de reproches de ma mère, je détourne les yeux pour regarder par le hublot. Kim arrive, mon cauchemar recommence. 

— Bonjour mes Turner préférés, scande sa voix suraigüe.

Elle a toujours parlé comme ça? Le temps m'ouvre les yeux à moins qu'elle ne change un peu plus à mesure qu'elle sort de ma vie. Elle se penche pour embrasser ma joue alors que je la fusille du regard.

— Oh détends toi beau gosse, on va passer le weekend ensemble comme au bon vieux temps. 

Je surprends le regard de Nina qui se détourne légèrement voilé. 

— Vous êtes? demande Kim sèchement.

 — Nina Alvarez, ma secrétaire, je l'informe face à son mutisme.

Son regard noir pulvérise mon ex femme sans pour autant la déstabilisée. Cette dernière lui jette un regard dédaigneux en détaillant ses vêtements qui paraissent avoir vécu plusieurs vies. Kim, égale à elle même, porte une jupe et un chemisier de créateur, ses cheveux sont tirés en un chignon strict et parfait dont aucun mèche ne s'échappe à l'instar de la belle brune.

— Kim Turner, la femme de votre patron, se présente t elle la tête haute.

Nina blêmit légèrement avant de déglutir, la petite se tasse un peu plus dans son siège, cachée derrière le bras de sa sœur.

— Ex femme, je corrige. Et c'est Kim Knight désormais, je lui rappelle.

— Un détail.

— Kim, arrête ça tu veux? 

Elle vient s'asseoir à mes côtés, frôlant ma cuisse de ses ongles manucurés qui m'horripilent de plus en plus.

HOPELESSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant