IV

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Le lendemain matin, je me retrouve dans la chambre d'Alan. Je me tiens debout à l'entrée de la pièce. Une nouvelle fois encore, nous n'échangeons aucun mot, mais nous n'écoutons pas le silence, ni les bruits dans les murs, ni l'air, ni les murmures. Nous nous confrontons du regard. Moi le scrutant avec amertume, lui me lorgnant, comme s'il lisait dans mes pensées, tel un livre ouvert dont l'encre aurait bavé sur les pages. Mes tourments sont pourtant encore en mesure d'être déchiffrés, et il est un expert en la matière. Il s'y donne à cœur joie, je le vois dans ses yeux plein de malices, lui qui se trouve pourtant ligoter dans les draps, je le ressens comme étant dressé au-dessus de moi, muni d'une longueur d'avance, et tel un stratège fou, il est déjà en train de placer ses pièces sur l'échiquier pour déjouer toutes mes offenses à venir. Il est tourné vers moi, sa tête légèrement fuyante en direction de la porte, les paupières plates, la bouche scellée. Son fatalisme habituel s'est dissous dans une marée d'énigmes et danse sur son visage les mystères qu'il ne me révélera jamais. Il sait que cela m'affecte car je suis en train de bouillir sur place, en proie à mes émotions les plus acides. Il a planifié de m'atteindre, mais je ne compte pas me laisser faire.

"Assieds-toi.", me lance-t-il presque au hasard. Mais je refuse. À la place, je sors le CD, que j'avais enrobé dans du papier kraft, de ma poche et le plaque sur sa table de nuit.

— C'est truqué ! je grogne, mon index pressant l'air qui le sépare de l'entité.

En premier lieu, il réfute d'un mouvement de tête, puis il prend la parole :

— Non, ça ne l'est pas.

— Bien sûr que si ! je gronde plus fort.

— Non ! insiste-t-il sans un accro dans la voix.

— Alors, qu'est-ce donc ?

— Bonne question... Qu'est-ce que c'est à ton avis ?

J'ignore sa question.

— Qui sont ces gens ?! Et c'est quoi cette putain de porte ?!

— Si seulement je le savais...

— Comment t'as eu ça bordel ?

— Je l'ai trouvé.

— Te fou pas de ma gueule ! Tu l'as trouvé où ?!

— Ça n'a pas d'importance de savoir comment je me le suis procuré. Je l'ai trouvé, un point c'est tout. Ce qui importe, c'est ce qu'il contient, et c'est pour ça que je te l'ai offert.

Je reste muet, pris au dépourvu. Face à mon silence si éloquent, il développe son propos :

— Dès lors que j'ai mis la main sur ce CD, je n'ai cessé de rechercher les mystères qui l'entouraient. J'ai tenté de retrouver les trois hommes de la vidéo, la forêt et, bien évidemment, la porte, mais sans succès. Comme tu peux le constater, aujourd'hui, je me retrouve bien diminué, n'est-ce pas ? Je n'ai plus la force de gambader de droite à gauche, poursuivant des chimères de fumées qui s'évaporent dès l'ors que mes doigts tentent de les saisir. Alors je n'ai d'autre choix que de léguer ma quête à quelqu'un d'autre. Et c'est toi que j'ai choisi. Tu devrais être honoré et reconnaissant au lieu de me grogner dessus...

— Pourquoi moi ? je demande, comme affecté d'une profonde injustice.

— Car j'ai confiance en toi, Arthur. Tu as l'esprit vif et aiguisé. Tu vois et comprends des choses que les autres ne pourraient même pas imaginer. Je ne vois que toi pour me succéder. Tu as toutes les ressources nécessaires pour accomplir cette quête.

Je retrouve un peu de calme. Mes angoisses se délient de mes tripes et mon visage se desserre. Sa voix apaisée et suave jouit du pouvoir de facilement flatter mon ego. Sombre sorcier ! Ton stoïcisme et ton goût de l'ésotérisme auront finalement réussi à m'avoir, et tu connais mon attrait pour les énigmes, les mystères et l'inconnu.

La Porte Dans Les BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant