XXIV

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Le Wonder Walter Walder Show, ou le WWWS pour les intimes, ou encore le 3WS pour les encore plus intimes, était cette émission étrange dont je ne reconnaissais pas à l'époque, pas plus aujourd'hui d'ailleurs, un intérêt quelconque. Son contenu n'était pas des plus original, on ne partait pas en exploration à travers le globe, ne découvrait pas les aléas de la société humaine, ni les mystères du paranormal, ni les us et coutumes des peuples en marge de ce vaste et petit monde, non, c'était une émission des plus communes, présentée par ce gars, vous l'avez deviné, Walter Walder, et de son assistante/potiche/plan cul de fin de soirée, la délicieusement sotte Margaret Waller. Oui, Walder et Waller sont deux noms aux connotations très proches l'une de l'autre, c'est une chose qui m'a toujours paru étrange, et d'ailleurs, cette raison faisait que l'on n'appelait jamais cette auparavant mannequin de lingerie reconvertie en présentatrice télé par son nom de famille, on l'appelait simplement Margaret, ou bien Marge, ou bien Maggie. Pour les non-initiés ou tout ceux un peu dur de la feuille, ce détail quant à la similarité presque exact entre ces deux noms, Walder et Waller, les a poussés à croire qu'ils étaient en fait mariés, et que Margaret avait tout simplement délaissé son nom de jeune fille pour adopter celui de son mari, Walder. Quand on y repense, cela fait sens et cette théorie s'est d'une certaine manière renforcée par la proximité évidente adoptée par les deux protagonistes aux cours de leurs nombreux, bien trop nombreux, épisodes. Sans rire... Cette émission ne s'arrête littéralement jamais. Elle passe tous les samedis, et tous les samedis c'est un épisode différent, un nouvel épisode, il n'y a jamais eu deux fois le même épisode, et il n'y aura jamais deux fois le même épisode, car cette émission ne s'arrête jamais, et si elle ne s'arrête jamais, alors il n'y aura jamais deux fois le même épisode.

Il est très étonnant de voir à quel point cette émission est resté pérenne, le concept était pourtant usé jusqu'à la moelle, démodé, même obsolète, et ce dès la première retransmission. Et bon dieu, qui s'y intéresse encore ?! Trop de gens, beaucoup trop de gens en fait... Est-ce encore intéressant à suivre ? Bien sûr que non, je vous l'ai dit, je n'ai jamais compris son intérêt. Alors pourquoi ça fonctionne encore toujours autant ? Bonne question... Mais avec une réponse évidente : la routine. La routine est rassurante, voyez... Bien sûr, le quotidien effraie bon nombre d'individus, cependant, il est un inexorable et succulent étau dans lequel s'enfermer. Dans un monde rempli d'incertitudes, il est apaisant de se mettre à l'abri à l'intérieur de son inaltérable petit cocon douillet, où tout ce qui s'y déroule est sans surprises, sans sursauts, sans imprévus, sans vagues... Quitte à en délaisser la saveur véritable de l'effort et de ne laisser qu'un marbre vierge dépourvu d'intérêt à l'arôme enivrant qui sent bon la tranquillité morbide et la somnolence frelatée du dimanche après-midi. Sauf que cette émission était, je l'ai déjà dit, diffusé les samedis... Mais au fond de nous, on cherche peut-être à rendre tous les jours de ce monde des dimanches après-midi, où l'on reste un passif résidu de soi pour l'éternité, prêt à consommer, à acheter, à ingurgiter les dernières boissons sucrées à la mode et à absorber les sourires espiègles de je ne sais quelle mascotte de franchise à succès.

La douce ironie dans tout ça, et vous l'avez déjà peut-être perçu, est que Wonder, en anglais, signifie merveilleux, c'est-à-dire qui se démarque par son caractère démesuré, incroyable, surprenant, hors du commun, tout ce que le Wonder Walter Walder Show en somme n'est pas. Ils auraient dû l'appeler le « Tout-à-fait-banal Walter Walder Show ». Parce que c'est ce qu'il est, un show tout à fait banal... Tout comme son présentateur qui ressemble exactement à l'idée de ce que l'on peut s'en faire. Je n'ai pas besoin de le décrire, fermez donc les yeux et imaginez l'archétype du trou du cul arrogant aux dents blanches refaites, qui les expose avec une fierté despotique dès qu'il en a l'occasion, vêtu de son petit costume marron clair, peut être beige, que mille et un autres spécimens de son espèce ont déjà porté avant lui, et casqué de son parfait brushing de faux-cul qui ne bougerait pas d'un iota même si une tempête éclatait sur le plateau... Voilà, vous avez votre homme. Cet immonde et impeccable Walter Walder. Et Margaret alors ? Contentez-vous d'imaginer une grosse paire de loches qui parlent, vous ne serez concentré sur rien d'autre de toute manière.

La Porte Dans Les BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant