Chapitre 6

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     — Maman est déjà arrivée, annonça Anne-Fleur en venant à sa rencontre.

     Par précaution, Cassien avait rabattu les sièges arrière de son véhicule en prévision d'un futur chargement. Il ne savait même pas s'il reprendrait toutes ses affaires, mais il préférait s'être préparé plutôt que de perdre du temps sur place. Il planta un baiser sur la joue de sa sœur qui lui indiquait la voiture garée dans l'allée. La perspective que Nathalie soit dans les parages l'apaisa quelque peu.

  — Tu es venue seule ? demanda-t-il en observant le garage dont la porte électrique était grande ouverte.

  — Non. Ferdinand et Violette sont dans la cuisine. Et toi ?

  — Tu vois bien, non ?

  — Oui... mais j'aurais pensé que t'aurais demandé de l'aide.

  — Non, non. Au pire des cas, je ferais plusieurs allers-retours ou je demanderais à Lorenzo s'il est disponible.

    D'un haussement d'épaules, il clôtura la conversation tout en observant la façade vieillissante de son ancienne maison qui l'avait vu grandir. Un tas de souvenirs fusèrent dans son esprit, mélange d'émotions contradictoires. Anna posa une main réconfortante sur son épaule et lui adressa un sourire d'encouragement.

  — Ce n'est l'histoire que de quelques petites heures...

  — Tout va bien, soupira-t-il avec mauvaise humeur.

     Déterminé à écourter le temps passé en ces lieux, il s'engagea dans l'allée pour s'enfoncer dans le garage grand ouvert. Une porte menait au salon et en inspirant une dernière fois pour se donner du courage, il l'ouvrit.

    La petite Violette goûtait sur les genoux de sa grand-mère qui semblait concentrée à lui nouer les cheveux. En entendant la porte grincer, elle releva la tête et croisa le regard dur et franc de son fils. Un sourire soulagé décora son visage.

  — Cassien ! Je suis tellement contente de te voir.

  — Hmm...

    Le coude qu'Anne-Fleur enfonça dans ses côtes lui fit ravaler une plainte de douleur. Il toussa pour masquer son cri et se reprit non sans fusiller sa sœur aînée.

  — Moi aussi, maman. Comment tu vas ?

  — Très bien mon grand ! Tu es venue pour tes affaires ? Ton père est à l'étage, avec Ferdinand. Ils vident le grenier.

   Zone à éviter, donc, songea-t-il sans rien montrer. Consciente que les relations mère et fils étaient tendues depuis des années à cause d'un paternel castrateur, Anna récupéra sa fille pour leur laisser un peu d'intimité.

  — T'es-tu bien installé ? Anna m'a dit que ton appartement était confortable.

  — Il est plutôt spacieux. J'ai eu de la chance de tomber sur une bonne affaire.

    Mettre de côté sa rancune était une épreuve de tous les jours. Il savait et connaissait assez sa mère pour comprendre qu'elle ne se soit pas imposée face à son mari, alors décideur de son avenir. Malgré tout, il ne parvenait à passer l'éponge aussi aisément. Nathalie aurait dû être son soutien, elle aurait dû le pousser à vivre une vie qui lui appartiendrait. Au lieu de ça, elle s'était tenue à l'écart, engloutie dans l'ombre de son ex-mari et l'avait laissé briser ses rêves d'enfance.

    Face au silence de son enfant, elle se sentit obligée de relancer la conversation, de combler les blancs à défaut de rattraper les années d'absences dont elle était parfaitement consciente. Être présente physiquement n'avait pourtant pas empêché le destin de lui délester son rôle de mère.

Tome 2 - True LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant