betty

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Dix octobre 1993.

Gabriel marchait dans la rue, évitant soigneusement de passer devant la maison d'Émilie. Il avait mal fait, il le savait, et passer ici le brisait à chaque fois. Il ne pouvait s'empêcher de fredonner la chanson qui tournait en boucle sur son baladeur depuis septembre. La petite rue de banlieue était soudain menaçante, terriblement solitaire.

Betty, one time I was riding on my skateboard when I passed your house, it's like I couldn't breathe...

Au moins la chanson lui promettait qu'il avait le droit de faire n'importe quoi. Enfin, pas le droit, mais il n'était pas le seul à saborder sa propre vie.

Non, il ne savait pas respirer correctement quand il errait dans la petite ville avant de retourner à la résidence étudiante, il ne savait plus quoi faire et penser, il s'en voulait mais son cerveau cherchait toujours des solutions. Parce qu'il avait été obligé de le faire toute sa vie. Et il essayait de noyer les sentiments dans la musique.

But if I just showed up at your party, would you have me, would you want me?

Appeler ne servait à rien, Émilie ne répondait pas, elle l'évitait soigneusement, alors oui, peut-être que c'était ça la solution, simplement essayer de lui dire bonjour à la fête qu'elle organisait tous les ans mi-octobre...

I'm only seventeen, I don't know anything, but I know I miss you...

Il en avait vingt, mais il ne savait pas plus. Tout ce qu'il comprenait, c'était qu'il avait fait une erreur monumentale, qu'il ne pouvait pas se racheter, qu'il espérait un pardon immérité, que les scènes de l'été rejouaient sans cesse dans sa tête, que son soleil lui manquait. Pourquoi ? Ce soir-là, à la dernière soirée de l'année, il était arrivé en retard, la foule l'effrayait, et elle était là, toujours si lumineuse, au milieu de la piste, sous les regards, dansant avec un camarade, c'était souvent le cas, ça ne le dérangeait pas d'habitude. Mais ce soir-là, peut-être pour la fatigue, peut-être par le stress des derniers jours, peut-être par le temps écoulé sans la voir réellement, son cœur avait été brisé.

Il s'était isolé dans un coin, et quand elle était venue le retrouver pour une danse, il n'avait pas réussi à se remettre.

The worst thing that I ever did, was what I did to you...

Oui.

Ils avaient dansé. Mais au froncement de ses sourcils de lumière face à la peine de vie qu'il n'arrivait pas vraiment à cacher, à sa moue dubitative, il s'était senti encore plus isolé, elle ne comprenait pas. Le bruit déchirait son esprit, les flashs des projecteurs épuisaient son cerveau, et elle ne voyait pas son stress, sa peur, après deux danses il s'était éloigné, essayant de reprendre ses esprits, elle l'avait laissé, et cette fille, Nathalie, était venue le voir, lui avait donné des conseils pour faire redescendre la panique de son esprit...

Et là. Il avait fait la pire chose de sa vie. Peut-être que le destin l'amènerait à commettre pire, mais ça c'était le pire pour l'instant.

Pas au début, au début il ne la voyait que comme une connaissance de plus, une vague amie, mais le temps passait, Émilie ne répondait plus, il y avait une froideur, Nathalie le consolait, le soutenait, recueillait ses larmes et...

Into nights, slept next to her but I dreamt of you all summer long...

Oui.

Il y avait eu deux, peut-être trois nuits où il était resté chez elle toute la nuit, et une fois c'était elle qui était venue. Elle apaisait ses paniques, elle le comprenait, elle l'écoutait, et il était heureux de l'avoir rencontrée, même si tout son cœur restait auprès d'Émilie.

La chanson résonnait encore et encore dans son esprit, lui donnant les mots pour comprendre les événements au fil des jours, et au fil des écoutes, une décision prenait forme dans son âme.

It's finally sinking in... Betty, right now is the last time I can dream about what happens when you see my face again. The only thing I wanna do, is make it up to you...

Un sourire vint se former sur les lèvres crispées de Gabriel, pour la première fois depuis septembre.

Oui.

Il voulait simplement savoir ce qu'elle en pensait. Qu'elle lui dise au moins un mot. Mais surtout, il voulait lui laisser la décision.

Il imaginait son visage rêveur, il ne savait pas comment elle réagirait, mais cette demi-forme d'espoir et de crainte où il vivait depuis septembre était infernale.

Il irait à sa fête.

Yeah I showed up at your party, will you have me? Will you love me? Will you kiss me on the porch in front of all your stupid friends? If you kiss me, will it be just like I dreamed it, will it patch your broken wings?

L'accepterait-elle ? Le haïrait-elle ? Il l'avait blessée si fort... Elle disait toujours qu'il avait des baisers magiques qui fixaient le monde, est-ce que ça pourrait marcher cette fois ? Est-ce qu'elle le chasserait ?

Les questions roulaient dans sa tête, mais sa décision ne s'ébranlait pas, malgré la peur.

Elle lui manquait.

Son sourire lui manquait.

Stopped at a streetlight, you know I miss you...

Chaque instant. Elle lui manquait chaque instant, il avait déjà oublié comment il avait vécu un été sans elle, une vie avant de la rencontrer.

Chaque pensée était tournée vers elle.

Il espérait sans cesse pouvoir réparer. Corriger son erreur.

Il l'aimait chaque jour, même quand elle l'évitait.

Il l'aimerait toujours.

 ************

 918 Mots.

 Keuf, keuf, la fin, keeuf, non je pensais pas du tout au futur, du touuuut.

 Bref.

 Deuxième partie de la trilogie de folklore, donc, le point de vue de James. Et l'occas' pour moi de dire à quel point les titres sont intéressants.

 La chanson d'Augustine s'appelle "august" = elle focalise sur son mois de paradis, son été, ses rêves.

 La chanson de James porte le nom de sa petite amie, Betty. Elle est le centre de sa réflexion et de son évolution.

 La chanson de Betty, c'est "cardigan". Le cardigan qu'elle porte lors de ses sorties avec James, et qui devient l'image de ses émotions. Elle se focalise sur l'émotion, sur l'impression. Pas sur des faits, comme Augustine, pas sur une personne, comme James, mais sur une émotion.

 Et je trouve la combinaison des trois extrêmement intéressantes à juste... noter. A constater.

 Enfin bref. C'était un peu compliqué à écrire, j'ai commencé hier soir, mais je savais pas quoi dire, puis ce soir j'étais pas concentrée et ça m'a pris une heure. Saufn pour la phrase qui attend depuis des mois, sur l'âge de Gabriel. Littéralement une illumination de la part de Clio alors que je marchais.

 Bref.

 Bonne journée/soirée/nuit suivant votre heure de lecture,

 Bises,

 Jeanne

  (01/04/2024, 00h58)


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