Chapitre 1

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La pluie s'acharnait dehors. 

On pouvait l'entendre s'abattre sur les carreaux des fenêtres, accroissant ce décor maussade qui reposait depuis des jours déjà sur Londres. 

De fines gouttelettes s'échappaient du toit défectueux, et Shama les regardait finir leur course sur le sol de sa demeure, abattue. 

Elle n'avait pas la force de tripatouiller le toit aujourd'hui. Elle se sentait fébrile. Malade. Elle grelotait de froid, et rien ne semblait suffire pour la réchauffer. Dans un dernier élan de désespoir, elle se mit à espérer qu'Amanda soit là. Qu'elle vienne vivre à Londres. << Mais alors, tu ne pourras plus venir ici. >> lui avait-elle répondu une fois, et elle avait raison. Le souvenir du cottage entouré de verdure était suffisant pour la convaincre d'abandonner. 

Elle devait bien se l'avouer, le temps grisâtre de Londres ne saurait rivaliser avec Corneille. L'air de Corneille à lui seul pouvait guérir ses maux. ; mais Shama ne pouvait s'empêcher de se montrer égoïste parfois. Elle ne pouvait s'empêcher de désirer que sa grand-mère soit là, avec elle. Qu'elle lui tienne compagnie et lui prépare une soupe bien chaude où noyer ses angoisses.

Elle était si seule ici.

Voilà bientôt trois ans qu'elle a quitté Corneille pour suivre des études en journalisme. Voilà bientôt trois ans qu'elle s'approche peu à peu de son rêve. Et pourtant, voilà bientôt trois ans que Shama échoue lamentablement à se mêler aux gens.

Un croassement vint interrompre le court de ses pensées et shama sursauta en constatant qu'un corbeau venait de s'écraser contre sa fenêtre. La tempête ne semblait pas prêtre de s'apaiser, et le pauvre oiseau semblait désarçonné. Ses ailes battaient dans le vide ; Il avait besoin d'aide et le faisait savoir par des plaintes auxquels elle ne pouvait rester insensible. 

Sans se préoccuper du vent qui se frayait un chemin chez elle, Shama tenta de le récupérer avant de refermer la fenêtre.

Doucement, pas à pas, elle alla le poser au chaud, et récupéra de quoi le soigner.

De nature tendre, son cœur supportait mal de voir cette aile blessée. L'animal s'agitait dans tous les sens, et elle tentait tant bien que mal de le mettre en confiance.

Elle était si concentrée qu'elle en oublia son état fiévreux.

Shama acheva de bander le corbeau, et alla lui chercher un peu d'eau à boire quand la sonnerie de son téléphone se fit entendre. Elle reconnut sans mal le numéro de sa grand-mère, et se fit une joie de répondre.

_ Allô Mami.

_ Ma chérie !

Amanda renchérit les questions, et elle ne put qu'en sourire, réconfortée de voir sa grand-mère inquiète pour elle. Elle lui téléphonait chaque jour, et pourtant elle trouvait le temps pour se soucier.

_ Devine qui est venu me voir aujourd'hui ?

Shama ne mit pas beaucoup de temps à deviner qui pouvait bien rendre visite à sa pauvre mamie. Un sourire nostalgique se dessina sur son visage, et avant de pouvoir répondre, une voix aigüe se fit entendre à l'autre bout du téléphone.

Belle, qu'elle considérait comme une sœur avait le don pour la faire rire sans grand effort. Rien que l'entendre parler suffisait pour la combler de joie et raviver de doux souvenirs. Elles étaient toutes les deux orphelines, et avaient su se compléter.

Très jeune, Shama a perdu ses deux parents dans un accident de voiture.

Le souvenir de ce soir de décembre lui était encore amer.

Ses parents ont succombé à leurs blessures, mais elle y a survécu.

<< Un miracle >> avait dit le docteur.

_ Tu es rentré depuis quand ?

_ Aujourd'hui même. Je suis venue déposer une tarte aux pommes chez Amanda. Elle a l'air délicieuse. Dommage que tu ne puisses pas la partager avec nous.

L'appel ne dura pas longtemps au goût de Shama. Entendre sa grand-mère et son amie d'enfance lui insuffla de la force. Elle se sentait mieux, mais ne pouvait empêcher cette pointe au cœur qu'elle ressentait.

Elles lui manquaient affreusement. Leurs balades entre les collines lui manquaient.

Le ventre noué, elle alla s'affairer dans la cuisine pour se préparer de quoi dîner.

Demain elle devait se rendre à l'université, et affronter encore ces mêmes visages qui la regardaient telle une bête de foire.

Elle avait l'impression de ne pas avoir sa place ici, et pourtant c'est bien là où elle a toujours rêvé d'être.

_ Toi aussi tu te sens seul ?

D'un murmure à peine audible, Shama afficha un faible sourire en regardant l'être noir dormir paisiblement.

La pluie tombait encore, et Shama tenta de se bercer à son tour en suivant le rythme des gouttelettes s'écraser. Puis bientôt, elle sombrât dans un sommeil animé de douloureux flash-backs.

ShamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant