Chapitre 43

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Contenu sensible

Dépouillée de tout, Shama fut brutalement jetée sur les innombrables pierres qui jonchaient le sol devant un cheikh horrifiée, les yeux hagards.

Elle gisait dénudée, exposée devant l'assemblée, enroulée dans un drap imprégné de l'horreur de son sort.

Il y'avait du sang partout, témoignant de la cruauté de ses geôliers qui s'étaient amusé à lui faire découvrir l'amertume du destin.

_ Vois-tu mon cher ce qui m'a dépouillé de mon temps ? Est-ce suffisant pour excuser mon retard ?

Dans un acte dénué de toute compassion, Mufasa cherchait à attiser la colère de son ennemi encore plus, à le provoquer loin dans ses retranchements. Mais à présent, cela était superflu.

Asad était anéanti, et ses hommes, spectateurs de cette abomination, l'avaient compris.

Il tremblait, incapable d'avancer sans chanceler de gauche à droite mais il persistait. Il se devait de la tenir dans ses bras, la sentir.

C'était sa bien-aimée, sa lalla.

_ Si tu te demandes si elle respire encore – elle respire toujours. Toutefois, je ne te garantis pas qu'à ton rythme tu en seras témoin. Eluda Mufasa en se délectant de son pouvoir.

Pour la première fois de sa vie, il détenait entre ses bras toutes les armes. Il possédait toutes les cartes pour faire fléchir le roi, et ne s'en privait pas.

Le plan machiavélique de Faza avait marché, et il pouvait enfin respirer sereinement, certain de reporter cette gloire malgré les pertes abondantes de son camp.

Du moins, c'était ce que le reflet de cet homme affligé laissait sous-entendre.

Les mains en sang, agenouillé sans défense, il enlaçait sa lalla comme un père aimant. Comme une mère incapable de se séparer de son enfant, plongée dans le déni, accablée par la vie.

Il avait peur, effroyablement peur.

Il craignait qu'elle lui échappe, comme si sa présence était le dernier rempart qui le séparait de la démence.

Perdue dans son étreinte, en quête d'un refuge à sa peine, sa raison vacillait entre le fil tenu qui séparait la réalité de l'illusion.

Quelle était cette lumière qu'il voyait ? Quel était cet éclat qui l'aveuglait ?

Était-ce sa vie qu'il voyait défiler devant lui ?

Non. Sa vie était déjà inerte, ne lui répondant plus.

Il avait beau lui parler, la secouer... elle l'ignorait tout en continuant de le caresser de ses mains doucereuses et diaphanes.

Se jouait-elle de lui ?

S'amusait-elle à le provoquer devant ses hommes ou était-ce une réalité alternative dans laquelle il s'enfermait ?

_ Shama. Chuchota-t-il une énième fois, se plongeant dans une mer tiède et salée, déchaîné aussi. Une mer écrasante qui le trempait sans répit, menaçant d'emporter son humanité dans ses flots.

_ Pourquoi ne t'ai-je pas écouté ? Pourquoi ne suis-je pas resté à tes côtés ? Pourquoi n'ai-je pas apaisé tes craintes au lieu de te chasser ?

Pourquoi, pourquoi et encore pourquoi.

Des questions qui allait se perdre dans un abîme sans fond où les ombres dansent et se fondent, leur tenant compagnie dans les recoins les plus sombres de l'esprit.

Il était torturé et ses sensations exacerbées transformaient chaque mot en un cri muet, chaque pensée un écho et chaque contact une brûlure.

S'il le disait c'est qu'il le pensait – Ses joues le brûlaient.

_ Moulay ! Votre majesté ! Cria Ahmed en le voyant se relever, ensanglanté. Mais, il ne l'écoutait pas.

Dans son air, il y'avait une noirceur, des désirs impies et des reflets de ses ennemis, et au milieu de ce tourbillon, ses pulsions le portaient pour encore un moment ; le moment de sa vengeance.

Ses oreilles bourdonnaient mais il continuait, les yeux aveuglés.

Il ne voyait, n'écoutait et ne sentait rien.

Tout ce qu'il savait, c'est que c'était la fin.

Embrouillé, la silhouette sombre de son adversaire ne semblait plus bien loin, et ses hommes, prêt à attaquer, attendait le premier coup, les sens aiguisés et les muscles tendus, tel des prédateurs tandis que dans une peur à peine voilée, Mufasa regardait son ennemi juré l'approcher.

_ Que se passe-t-il ? Pourquoi ses forces ne l'abandonnent toujours pas ? S'affola Mufasa en constatant la dangerosité de cet instant, cherchant désespérément à se cacher derrière Faza, derrière ses hommes ; Que faites-vous ? Hurla-t-il à l'attention de ses troupes qui le regardaient ahuris, ne sachant que faire ; Je vous ai entraîné pour ce moment. C'est notre moment, celui qu'on a juré de reporter.

Les mots bien que voilés d'une panique sourde réussirent à raviver l'espoir en ses combattants qui dans des cris de guerres s'empressèrent de se ruer sur leurs ennemis convoités, ravivant les abîmes de cette bataille de plus belle tandis qu'Ahmed avait abandonné son poste pour mieux protéger Shama, la femme qu'il avait été idiot de combattre.

Elle aimait éperdument le cheikh, et c'est cette passion qui l'avait mené à sa fin, prouvant à tous sa fidélité débordante et sa dévotion.

Seulement, il était trop tard pour regretter, et Ahmed ne pouvait que tamponner sa culpabilité du mieux qu'il pouvait.

La jeune femme, bien que sotte de s'être jeté tête la première dans un piège élaboré de toutes pièces, avait agi de bonne foi, animée par le farouche désir de protéger le roi et ça personne ne pouvait le nier.

Personne ne pouvait l'infirmer.

ShamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant