Chapitre 17

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Shama sentit des os craquer sous la force de son coup.

Elle venait d'attaquer son adversaire au visage, faisant couler du sang de son nez busqué.

Seulement, la silhouette dangereuse n'émit aucune plainte. Elle se contenta de se tenir le nez en la regardant férocement de ses yeux brûlants.

C'était comme si la douleur ne l'atteignait pas, comme si elle était insensible à la violence qu'elle lui infligeait, et Shama, dans un cri d'effroi, se rendit compte trop tard de son erreur en reconnaissant cet homme éclairé par les faibles lueurs de la lune.

Le silence pesant qui s'ensuivit ne fit que renforcer ce sentiment de malaise alors qu'elle regardait le cheikh tordre sa mâchoire de droite à gauche.

Ainsi, Dieu avait entendu ses prières.

Toutefois, ce n'était pas comme elle s'était imaginée.

Elle qui voulait revoir le cheikh et s'entourer de ses bras, réussissait à peine à se tenir sur ses deux jambes tellement elle craignait pour sa vie.

Elle venait de frapper un roi au visage, le faisant saigner au passage.

Dans un mélange de honte et de peur, Shama balbutia des excuses maladroites tandis qu'il la regardait tel un animal en cage.

Plus les secondes s'écoulaient, plus elle espérait s'enfoncer dans le sable pour ne pas avoir à supporter ces yeux accusateurs, mais rien ne semblait y faire.

Elle était obligée d'assumer la réalité de ses actes.

_ J'ai cru que vous étiez un agresseur. Se défendit-elle enfin en tentant de dissimuler son effroi.

_ Si j'étais un agresseur, vous n'auriez pas survécu. Siffla-t-il après un pénible silence où elle crut mourir à la seule force de son regard ; Vous n'auriez vraiment pas survécu. Ajouta-t-il dans un souffle laborieux en chassant les images horribles qui se succédaient en son esprit.

Quand il l'a vu recroquevillée sur elle-même, plus tôt, le cheikh a cru agoniser.

Elle paraissait si petite, si faible et si seule qu'il mourrait de la prendre dans ses bras pour apaiser toutes ses craintes.

Il l'imaginait bien avoir peur, ne sachant où aller au milieu de cette nuit sombre.

_ Pourquoi vous vous êtes éloignée de Razia ? L'accusa-t-il en la regardant de haut ; Vous ne connaissez rien et vous vous entêtez à n'en faire qu'à votre tête.

Shama l'écouta sans réussir à rétorquer.

Elle avait l'impression d'être une petite fille qu'on engueulait, et le cheikh ne semblait pas prêt d'en finir tout de suite.

Il bouillonnait de colère, ne se souciant guère des mots blessants qu'il employait.

Et dire qu'elle voulait se retrouver entre ses bras.

_ Très bien mademoiselle. Vous avez aimé votre petite escapade ? Vous avez aimé troubler tout le monde ? Siffla-t-il en ayant du mal à se contenir.

Shama ne comprenait pas pourquoi le cheikh réagissait avec autant de véhémence.

Elle a cru que les paroles qu'ils se sont échangés le soir avaient suffit pour résoudre leurs malentendus.

Elle a cru qu'il avait compris qu'elle n'aimait pas sa façon de la considérer comme un enfant, mais apparemment non.

Le cheikh lui hurlait dessus tel un ogre.

Ses grognements l'assourdissaient, faisant monter son tempérament à petites flammes.

_ Personne ne vous a demandé de vous inquiéter pour moi. J'étais très bien ici. Mentit-elle en essayant de garder la face.

_ Vraiment ? Savez-vous au moins où vous êtes ?

_ Au désert, sur les terres de l'homme qui semble me reprocher une chose que j'ignore.

Asad écouta ses plaintes en s'ordonnant au calme.

Il était conscient de lui faire peur, mais il n'arrivait pas à contenir la fureur de la savoir en danger.

Sa belle était sur des terres interdites.

Un point d'achoppement, et Asad savait qu'à tout instant, les rebelles se feront une joie de les attaquer.

Ils devaient se dépêchaient de renter, mais Shama semblait décidé à lui tenir tête.

Elle le fusillait du regard tel un chaton en colère, tandis que tout son être fulminait de l'intérieur.

Elle le détesterait sûrement plus tard, mais Asad s'en fichait tant qu'il la savait en sécurité.

Il usa de sa force pour la faire avancer jusqu'à la voiture, mais elle résista en croisant les pieds.

_ Je veux rentrer chez moi. Déclara-t-elle, inconsciente du danger qui l'encerclait de tout part.

Asad se pinça le nez en luttant contre ce flot dévastateur.

Il ne l'imaginait pas loin de lui.

C'était impossible.

Il ne voulait pas que cette dispute empoisonne tous les efforts qu'il avait déployés pour elle, et pourtant, il avait la désagréable impression que c'était le cas.

_ Ne soyez pas sotte. Rentrons d'abord. Dit-il en la relevant d'une poigne ferme.

_ Vous me faites mal. Se plaignit-elle en se débattant pour échapper à sa prise.

Elle ne voulait pas le suivre, mais l'homme qui la forçait à avancer ne semblait point se soucier de son souhait.

Tout ce qui l'importait était de la mettre à l'abri, comme s'il avait senti le danger s'approcher.

La voiture lui semblait si loin alors que les bruits familiers de la nuit s'éteignaient peu à peu, étouffés par une atmosphère sinistre de présage funeste.

Les rebelles étaient là.

Il pouvait sentir leur présence, indétectable mais réelle.

Ils les visaient sûrement de loin, et Asad savait qu'ils n'auront pas le temps d'atteindre le véhicule.

Ils étaient sans défense, à la merci de barbares assoiffés de pouvoir.

Dans la nuit noire, le cheikh scruta l'obscurité à la recherche de la moindre menace pour mieux anticiper le coup.

Il ne savait pas comment il allait réussir à se protéger.

La seule arme qu'il avait était dans sa voiture, et Shama, sa précieuse Shama, luttait toujours pour ne pas le suivre sans se douter un instant de ce qui se tramait.

ShamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant